CNRS Le Journal n°236 septembre 2009
CNRS Le Journal n°236 septembre 2009
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°236 de septembre 2009

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 3,0 Mo

  • Dans ce numéro : Qui sont vraiment les jeunes ?

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

Dans ce numéro...
< Pages précédentes
Pages : 6 - 7  |  Aller à la page   OK
Pages suivantes >
6 7
6 VIEDESLABOS Reportage SANTÉ Unis pour vaincre le diabète Trois laboratoires lillois se regroupent pour créer l’Institut européen de génomique du diabète (Egid). Objectif : mettre en commun leurs approches pour mieux prévenir, prédire et traiter les différentes formes de la maladie et leurs complications. Plongée au cœur de la lutte contre un fléau en plein essor. Préparation des puces à ADN de patients. Grâce, entre autres, à cette technique, les chercheurs lillois ont établi la première carte génétique du diabète de type 2. Extraction automatisée d’ADN à haut débit, effectuée à partir de sang de patients, grâce à une des meilleures plateformes françaises de ce type. L’Institut héberge une des plus importantes banques réfrigérées d'ADN du monde avec 25 000 échantillons issus de familles touchées par le diabète et l’obésité. Le journal du CNRS n°236 septembre 2009 Campus Calmette de Lille, en début d’aprèsmidi, dans une petite salle au deuxième étage d’un bâtiment cerné par la chaleur estivale. Deux techniciens extraient l’ADN issu d’échantillons de sang de patients diabétiques. Plus bas, des automates décryptent à une cadence infernale les gènes provenant de cellules de malades. Au fond d’un couloir, bio-informaticiens et biostatisticiens analysent des données génétiques sur leurs écrans d’ordinateur. En ce début d’été, les équipes de l’unité de recherche « Génétique des maladies multifactorielles » 1, un des trois laboratoires qui constituent le tout nouvel Institut européen de génomique du diabète (European Genomic Institute for Diabetes, Egid) lancé en mai dernier, ne ménagent pas leurs efforts ! Il faut dire que leurs récentes découvertes les galvanisent. En effet, le directeur, Philippe Froguel, et ses collègues ont été les premiers à établir la carte génétique du diabète de type 2 (DT2), c’est-à-dire à identifier les gènes impliqués dans le développement de cette forme de la maladie. Mais aussi celle de l’obésité sévère, qui prédispose fortement à cette pathologie. Le DT2, en plein essor, touche déjà plus de 180 millions de personnes dans le monde (lire l’encadré). Ils ont également démontré un lien entre la perturbation de l’horloge biologique interne et la survenue du DT2… Et ils ne comptent pas s’arrêter en si bon chemin ! DU GÉNOME À LA CHIRURGIE « Notre objectif est désormais de découvrir les mutations de l’ADN, plus rares, impliquées dans le diabète de type 2 », annonce Philippe Froguel. Pour y parvenir, le laboratoire dispose d’une des meilleures plateformes haut débit de génomique françaises. « Ce nouvel appareil est si puissant qu’il est théoriquement capable de séquencer l’intégralité du génome humain en une semaine », lance un ingénieur. En outre, l’équipe possède l’une des plus importantes banques génétiques au monde. « Dans ces chambres froides, nous conservons près de 25000 échantillons d’ADN issus de familles diabétiques et obèses, précise-t-il. Et nos bases de données contiennent sous forme anonyme les informations biologiques et médicales d’environ 40000 personnes au total. » L’équipe de Philippe Froguel, qui anime également le laboratoire de médecine génomique à l’Imperial College de Londres, va également s’atteler à découvrir les déterminants épigénétiques Ici, des chercheuses utilisent un séquenceur ADN à haut débit pour traquer les mutations génétiques impliquées dans le diabète de type 2. du DT2, c’est-à-dire les facteurs environnementaux qui jouent sur l’expression des gènes impliqués dans cette pathologie. « Parmi nos divers travaux en cours, nous concentrons aussi nos efforts sur l’étude du génome de patients obèses dont le DT2 semble fortement réduit après une intervention chirurgicale destinée à traiter leur surpoids en reliant l’estomac à une partie plus basse de l’intestin », ajoute-t-il. Pour ce faire, Philippe Froguel peut compter sur le chirurgien François Pattou, directeur de l’unité « Biothérapie du diabète » 2, un des deux autres laboratoires de l’Egid. Il pratique régulièrement cette intervention sur ses patients du Centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Lille. « Ce court-circuit 3 semble provoquer une surproduction de peptides intestinaux qui améliore la sécrétion d’insuline, explique-t-il à quelques pas des blocs opératoires. C’est pourquoi nous commençons à proposer cette intervention à des patients atteints de DT2, mais ne présentant pas forcément d’obésité sévère. » Toutefois, ce traitement chirurgical devrait rester réservé aux patients atteints des formes les plus graves de la pathologie. François Pattou profite donc de ces opérations pour prélever des tissus et les fournir au laboratoire de Philippe Froguel qui en analyse le génome. Objectif final : découvrir les gènes impliqués dans cette reprise de la sécrétion d’insuline. Et la biothérapie effectuée dans l’unité du chirurgien ne s’arrête pas là… DES GREFFES CONTRE LE DIABÈTE DE TYPE 1 Une de ses équipes, pilotée par la diabétologue Marie- Christine Vantyghem, vient en effet d’obtenir des résultats spectaculaires par greffe d’ « îlots de Langerhans », ces amas de cellules pancréatiques qui produisent l’insuline et sont déficients dans l’autre type de diabète, dit de type 1. « Sur quatorze patients greffés, la moitié d’entre eux n’ont plus besoin d’injections d’insuline, et ce,
jusqu’à cinq ans après la greffe. C’est le meilleur résultat jamais obtenu au niveau international », annonce François Pattou. Pour comprendre les clefs de ce succès, il suffit de traverser la cour. En face, dans des salles de chirurgie animale, l’équipe perfectionne sans cesse sa technique. Elle tente par exemple la greffe d’îlots de Langerhans par voie intramusculaire sur des cochons. Mais la réussite du labo tient aussi pour beaucoup au travail effectué en amont de la greffe : demi-tour en direction de la plateforme de biothérapie. Dans cet environnement ultraprotégé où on ne pénètre qu’affublé d’un masque, de sur-chaussures et de survêtements, l’équipe de Julie Kerr-Conte a acquis un savoir-faire mondialement reconnu dans l’isolement de ces îlots. Ces derniers sont prélevés sur le pancréas de donneurs en état de mort cérébrale. À l’avenir, ils pourraient provenir de cellules souches embryonnaires différenciées en cellules pancréatiques. Et quand les îlots humains ne sont pas assez nombreux ou s’avèrent de qualité insuffisante pour être transplantés, ils sont souvent récupérés par l’équipe de Philippe Froguel, qui en étudie le génome. LA QUÊTE DE MOLÉCULES THÉRAPEUTIQUES Îlots de Langerhans, tissus du foie, tissus graisseux et musculaires… finissent aussi dans l’unité de recherche « Récepteurs nucléaires, maladies cardiovasculaires et diabète » 4, le troisième laboratoire de l’Egid. Implantées à la fois sur le campus hospitalo-universitaire de l’université Lille-II et sur celui de l’Institut Pasteur de Lille, les équipes de Bart Staels y testent des molécules pharmacologiques susceptibles de réguler l’expression des gènes mis en cause dans le diabète de type 2 et les maladies cardiovasculaires qui en découlent. La grande expertise du laboratoire réside dans l’étude de protéines contenues dans le noyau des cellules. Nommées « récepteurs nucléaires », ces protéines LES DIABÈTES impliquées dans la transcription des gènes sont déficientes chez les diabétiques. « Nous tentons par exemple d’améliorer les molécules pharmacologiques susceptibles d’agir sur un de ces récepteurs, dénommé PPARg », explique ainsi Bart Staels. Le chercheur est aussi l’un des fondateurs de la société Genfit, qui développe un nouvel antidiabétique jouant sur ce type de récepteurs. L’efficacité de ce dernier est actuellement testée sur un petit nombre de patients. « Notre laboratoire s’intéresse aussi aux macrophages, des cellules immunitaires impliquées dans la maladie, et au lien entre acide biliaire et diabète. Là encore, certains récepteurs nucléaires semblent avoir un rôle important », ajoute-t-il. On l’aura compris, les trois laboratoires de l’Egid s’attaquent à la pathologie par de nombreux moyens grâce à une réelle synergie entre leurs équipes, toutes déjà reconnues internationalement. « Notre ambition est de faire de l’Institut un des leaders mondiaux de la recherche et de la lutte anti-diabète, lance même Jean-Benoist Duburcq, délégué régional du CNRS et chef de ce projet Egid, porté par l’université Lille-II. Pour y parvenir, nous mettrons tous les moyens en œuvre pour attirer les meilleurs chercheurs et étudiants étrangers et des partenaires privés de renom et pour fédérer les cliniciens français du diabète. La priorité sera également donnée à une formation de haut niveau et à la communication envers le grand public. » Fin 2012, les trois équipes, qui totalisent actuellement 137 collaborateurs, seront réunies sur un seul et même site. La région Nord - Pas-de-Calais, l’une des plus touchées par le diabète en France, attend beaucoup de l’Egid, dans lequel elle s’implique fortement. L’Institut semble avoir toutes les cartes en main pour ne pas la décevoir ! Jean-Philippe Braly 1. Unité CNRS/Université Lille-II/Institut Pasteur de Lille. 2. Unité CHRU de Lille/Université Lille-II/Inserm. 3. De la partie haute de l’intestin. 4. Unité Inserm/Institut Pasteur de Lille/Université Lille-II. VIEDESLABOS 7 Il existe deux types de diabète. Le diabète de type 1, dit insulinodépendant, est une maladie auto-immune qui détruit certaines cellules des îlots de Langerhans contenues dans le pancréas, les seules à fabriquer l’insuline. Le manque d’insuline entraîne alors un taux de glucose dans le sang trop important (hyperglycémie) et des complications neurologiques, oculaires ou rénales. Le diabète de type 2 se caractérise par un défaut dans la sécrétion d’insuline et dans la sensibilité de l’organisme à l'insuline. Il est causé par des facteurs génétiques et environnementaux (prise de poids, sédentarité) et conduit aussi à une hyperglycémie. Il survient généralement après quarante ans. J.-P.B. Analyse, par micropuces ARN, d’îlots de Langerhans. La défaillance de ces tissus, responsables de la sécrétion d’insuline, représente un facteur clé du diabète. Plateforme de biothérapie dédiée à l'isolement des îlots de Langerhans humains. Le savoir-faire des chercheurs lillois pour cette technique est mondialement reconnu. CONTACTS Institut européen de génomique du diabète (Egid), Lille ➔ Philippe Froguel, philippe.froguel@good.ibl.fr ➔ François Pattou, fpattou@univ-lille2.fr ➔ Bart Staels, bart.staels@pasteur-lille.fr ➔ Jean-Benoist Duburcq, delegue@dr18.cnrs.fr Le journal du CNRS n°236 septembre 2009 © Photos : P.Latron/INSERM



Autres parutions de ce magazine  voir tous les numéros


Liens vers cette page
Couverture seule :


Couverture avec texte parution au-dessus :


Couverture avec texte parution en dessous :