26 L’ENQUÊTE > de façon informelle. D’où l’impression, répandue mais trompeuse, d’un rajeunissement de la délinquance. Ouvrir n’importe quel livre d’histoire, assure le même sociologue, « devrait pourtant suffire à nous prémunir contre les discours « décadentistes » et moralisateurs de type café du commerce qui mythifient un passé idyllique qui n’a, en réalité, jamais existé ». Exemple : le happy slapping, qui consiste à s’en prendre à une personne lambda en pleine rue, à l’humilier et à filmer la scène pour la diffuser ensuite sur Internet et les téléphones mobiles. Dans les années 1960 déjà, à l’époque des « blousons noirs », de jeunes crapules enregistraient leurs méfaits à l’aide des premiers magnétophones. violence des jeunes à des fins politiques fait toujours recette. Marteler, à destination de l’électorat, que « la société est peuplée d’adolescents criminels que les juges des enfants se contentent d’admonester gentiment avant de les renvoyer chez leurs parents, faire peur pour mieux s’ériger ensuite en garant du « retour à l’ordre » par la répression, a toujours été une rhétorique payante. Et force est de constater une homogénéisation progressive des discours des partis politiques, de droite comme de gauche, sur cette question ». Or, conclut Laurent Mucchielli, pour s’attaquer à la délinquance juvénile, il existe d’autres moyens « que la matraque et la contention, même si ces dernières sont parfois nécessaires. La répression, qui se limite fatalement à délinquance des jeunes et son traitement. Depuis 2002, six textes de loi et un décret ad hoc ont été adoptés en France, une production endiablée qui « place notre pays dans une position exceptionnelle en Europe et dans le monde, les autres pays prenant, en général, beaucoup de temps pour procéder à des réformes de la justice des mineurs », fait observer Francis Bailleau, du Cesdip. LES LIMITES DE LA PÉNALISATION Autre originalité de l’Hexagone : alors que la plupart des législations européennes, depuis les années 1980, tendent à réduire le rôle et l’impact de la privation de liberté des mineurs en réponse à la délinquance des jeunes, la France a choisi la désigner des coupables (les jeunes et leurs parents), stratégie inverse. En effet, les modifications n’est qu’une façon de gérer l’urgence. Seule la prévention est une véritable politique au sens où vernements à l’ordonnance apportées par les derniers gou- elle cherche à préparer l’avenir ». pénale du 2 février 1945 4 Qui dit mobilisation sécuritaire dit aussi vont en effet dans le sens réformes législatives à répétition sur la IDÉES FAUSSES SUR LA VIOLENCE Si le phénomène des « bandes », dénoncé depuis plusieurs siècles, continue bel et bien de sévir, en particulier dans les quartiers « très ghettoïsés » des grandes agglomérations, aucune donnée fiable n’autorise à conclure qu’il est en hausse. Lors d’une recherche conduite par le Cesdip en 2007-2008 au tribunal de Versailles, sur 557 affaires d’infractions à caractère violent commises par des mineurs, 78% concernent un mineur ayant agi seul, 18,3% un petit groupe de 2 ou 3 personnes, 3,4% un groupe de 4 ou 5 personnes et… 0,4% un groupe de plus de 5 personnes, lequel « pourrait effectivement ressembler à l’image que l’on se fait d’une « bande » », dit Laurent Mucchielli. Comment expliquer, alors, que les idées reçues sur l’hyperviolence prétendument nouvelle et croissante de la jeunesse rencontrent un tel crédit dans l’opinion ? « Nos sociétés sont rendues amnésiques par des médias en quête de nouveauté et de sensationnalisme, et qui se complaisent dans le traitement des faits divers au point de décupler les peurs et de faire naître de véritables paniques morales », argumente le même sociologue. D’autre part, l’exploitation du thème de la 0,4% des infractions violentes commises par des mineurs, jugées au tribunal de Versailles, concernent un groupe de plus de 5 personnes Le journal du CNRS n°236 septembre 2009 En 2008 161000 mineurs d’une remise en question du statut de mineur. Elles dénotent « une banalisation de l’intervenont été poursuivis par la justice © M. Dorigny/SIGNATURES |