14 INNOVATION Entretien IMMUPHARMA Soigner grâce aux peptides Basée à Mulhouse, la société Immupharma France développe plusieurs médicaments à base de peptides, des fragments de protéines, découverts par des chercheurs du CNRS. Son président-directeur général, Robert Zimmer, nous dévoile les candidats les plus prometteurs. Parmi tous les traitements que vous développez en collaboration avec le CNRS, quel est le plus avancé ? Robert Zimmer : Il s’agit du Lupuzor, un candidat médicament destiné au traitement du lupus érythémateux disséminé, une maladie autoimmune inflammatoire et chronique dans laquelle le système immunitaire des patients peut s’attaquer à tous leurs organes. Grâce à une entrée en bourse sur le marché anglais en 2006, notre holding a réussi à lever une quinzaine de millions d’euros pour le tester en essais cliniques de phase II. Les résultats sont très prometteurs. En effet, c’est la première fois qu’un traitement « anti-lupus » testé à ce stade présente une supériorité significative sur le placebo. La société à qui nous avons cédé le développement du Lupuzor devrait pouvoir démarrer les essais cliniques de phase III début 2010. Et si tout se déroule bien, sa commercialisation pourrait débuter fin 2012. Il s’agit d’un réel espoir pour les 1,4 million de malades recensés dans les pays du G8, dont près de 90% sont des jeunes femmes de 18 à 30 ans. Car les médicaments actuels ne sont ni curatifs, ni spécifiques de cette pathologie qui provoque de nombreux symptômes : problèmes articulaires, dermatologiques, neurologiques… Mais alors, quelle est la particularité de ce médicament « anti-lupus » ? R.Z. : Le Lupuzor est un peptide, c’est-à-dire une fraction de protéine constituée d’un enchaînement bien particulier d’acides aminés. Il a été découvert en 2001 par le laboratoire strasbourgeois « Immunologie et chimie thérapeutiques » (ICT) du CNRS avec lequel nous coopérons via un accord-cadre de collaboration signé avec le CNRS en février 2002. Contrairement à certains immunosuppresseurs qui affectent la globalité du système immunitaire, ce peptide ne cible que la catégorie bien précise des cellules immunitaires impliquées dans la pathologie. Notre société a obtenu l’exploitation du brevet CNRS qui le protège et a déposé des brevets en copropriété avec le CNRS pour étendre sa protection. Nos liens avec l’ICT sont assez forts : quatre de ses chercheurs détiennent des parts au capital de notre Le journal du CNRS n°236 septembre 2009 société depuis 2002. Immupharma France vient également de financer le recrutement d’un technicien au sein de ce laboratoire. Collaborez-vous sur d’autres projets avec le CNRS ? R.Z. : Nous développons aussi un anticancéreux en partenariat avec l’ICT et le laboratoire francilien « Croissance, réparation et régénération tissulaires » (CRRET) 1. Il a été découvert par les équi- pes de ces deux unités de recherche et le laboratoire « Régulation de la transcription et maladies génétiques » du CNRS. Baptisé HB19, il s’agit également d’un peptide. Testé sur des souris, il a démontré sa capacité à réduire fortement la croissance de certaines tumeurs et à inhiber la formation des vaisseaux sanguins qui les irriguent. Il agit en se fixant préférentiellement sur la nucléoline, une protéine de surface plus abondante chez les cellules cancéreuses et les vaisseaux sanguins liés dont la croissance est alors inhibée. Fort de ces résultats, Immupharma France vient de financer le recrutement d’un thésard et d’un technicien par le CRRET. Le HB19 pourrait également être indiqué pour le traitement du psoriasis, de la rétinopathie diabétique et même pour la cicatrisation des plaies. Nous comptons tester ce candidat médicament dès l’an prochain dans le cadre d’un essai clinique. Là encore, nous exploitons un brevet déposé par le CNRS. Un deuxième brevet en copropriété protège la méthode de production du peptide. « Pour la première fois, en phaseII des essais cliniques, un anti-lupus présente une supériorité significative sur le placebo. » ©L. Weige/Horschamps Quelles autres pathologies ciblez-vous ? R.Z. : Avec l’ICT, nous développons aussi un antibiotique pour lutter contre les maladies nosocomiales générées par les bactéries résistantes à certains antibiotiques actuels. Son mode d’action est assez novateur : il agit en détruisant la membrane des bactéries. Il est actuellement au stade de développement préclinique et est également protégé par un brevet CNRS et des brevets communs. Parallèlement, Immupharma développe un médicament contre les douleurs sévères de type post-chirurgicales et cancéreuses. Nommé Cin-met-enképhaline, ce composé est un dérivé d’analgésique naturel qui aurait moins d’effets secondaires que les dérivés morphiniques et une durée d’action prolongée. Enfin, notre société possède une chimiothèque de près de 300 000 molécules conjointement brevetées avec le CNRS. Parmi elles, certaines semblent intéressantes pour le traitement des inflammations, des allergies et de la malaria. Propos recueillis par Jean-Philippe Braly 1. Laboratoire CNRS/Université Paris-XII. CONTACT ➔ Robert Zimmer Immupharma France robert.zimmer@immupharma.com |