12 VIEDESLABOS Actualités PHYSIQUE NUCLÉAIRE Un pépin en moins avec les noyaux La collision de deux noyaux atomiques à très haute vitesse, dans les accélérateurs de particules par exemple, provoque l’éjection d’un nucléon (un proton ou un neutron), et, plus rarement, celle d’une paire de nucléons. Pourquoi, dans ce dernier cas de figure, la collision peut-elle disperser à tous les vents les deux particules arrachées, comme les émettre dans une direction privilégiée ? La question, qui taraude depuis longtemps les chercheurs, vient de trouver une réponse grâce à deux théoriciens du Grand accélérateur d’ions lourds (Ganil) 1, à Caen, et de l’Institut de physique nucléaire d’Orsay (IPNO) 2 : l’éventuelle dispersion des particules est liée à la distance qui les séparait dans leur noyau d’origine avant le choc. Une découverte prometteuse pour l’étude de la structure interne des noyaux. C’est en développant un modèle inédit d’interactions entre nucléons que Denis Lacroix et Marlène Assié sont parvenus à « entrer » dans le noyau comme personne auparavant. Le modèle, qui combine analyse théorique et simulations numériques, leur a en effet permis de calculer l’ensemble des forces qui s’appliquent sur chaque nucléon lors de la collision, en particulier sur les deux qui seront éjectés. Avec à la clé ce résultat : si ces nucléons sont unis, ils le restent. Autrement dit, s’ils sont proches l’un de l’autre dans le noyau, alors ils continueront de batifoler ensemble une fois éjectés. L’inverse est vrai : s’ils occupent des positions diamétralement opposées, ils partiront dans des directions différentes. BRÈVE Le journal du CNRS n°236 septembre 2009 Outre qu’elles résolvent le mystère des collisions, ces recherches ouvrent une fenêtre sur l’intérieur des noyaux. « En analysant l’angle d’éjection de paires de particules émises, on va dorénavant pouvoir remonter le film des collisions à l’envers et savoir quelle place occupaient les nucléons dans le noyau », s’enthousiasme Denis Lacroix. Le modèle a ainsi déjà permis de trancher le cas du bombardement de plomb208 par un noyau d’hélium 6. Ce choc arrache deux neutrons à l’hélium. La théorie dominante échouait à savoir si, avant leur éjection, les neutrons étaient accolés ou séparés dans l’hélium. Ils sont côte à côte, répond finalement le modèle de Denis Lacroix et Marlène Assié. L’étude de la structure des noyaux atomiques en général bénéficiera de ces travaux. Dans le domaine de la fusion nucléaire, par exemple, on s’interroge pour savoir si deux nucléons s’effleurant dans un noyau peuvent aider celui-ci à fusionner avec un congénère. Problème : des expériences témoignent du phénomène, mais d’autres non. « Notre modèle devrait permettre de comprendre ces observations différentes », promet le chercheur. Xavier Müller 1. Unité CNRS/CEA. 2. Institut CNRS/Université Paris-XI. Un virus à l’origine du placenta ? CONTACT ➔ Denis Lacroix Grand accélérateur national d’ions lourds (Ganil), Caen lacroix@ganil.fr L’apparition des mammifères placentaires, dont l’embryon est alimenté et protégé dans un placenta, il y a près de 100 millions d’années, serait-elle liée à une contamination virale ? C’est l’hypothèse que font les chercheurs du laboratoire « Rétrovirus endogènes et éléments rétroïdes des eucaryotes supérieurs » 1, à Villejuif, après avoir découvert que le gène syncytine A, d’origine virale, est essentiel au développement du placenta chez la souris. Il est connu depuis longtemps qu’une part (environ 8%) du patrimoine génétique de nombreuses espèces, dont l’humain, contient des restes de virus : c’est le cas des gènes de syncytines, des protéines exprimées au niveau du placenta. En les étudiant chez la souris, les biologistes ont démontré qu’elles étaient indispensables à sa formation. En effet, les syncytines en faisant fusionner les cellules entre elles, comme le fait un virus pour entrer dans une cellule, permettent la fabrication d’une « nappe cellulaire », constituant essentiel du placenta. Pour les chercheurs qui ont publié leurs travaux dans la revue PNAS du 21 juillet 2009, une contamination virale pourrait donc avoir été un évènement fondateur dans le passage d’un développement embryonnaire externe, dans des œufs, à un mode interne. 1. CNRS/Université Paris-XI/Institut Gustave Roussy © D. Marie M2C,Caen Le Lidar, laser à balayage latéral aéroporté, est un instrument hors du commun dont il n’existe qu’une poignée d’exemplaires en France. CLAREC Passer le littoral Equipés d’un laser ultramoderne, des chercheurs survolent le littoral du Nord-Ouest pour prévoir les modifications dues au changement climatique. Prochaine étape : la baie du Mont-Saint-Michel. Au-dessus des côtes de la Manche, un avion bimoteur au comportement bizarre passe et repasse, sans que l’on puisse entrevoir son but. Ce n’est ni un apprenti pilote qui fait ses heures ni une campagne publicitaire destinée aux vacanciers. À son bord, des ingénieurs criblent le sol d’impulsions laser. Leur objectif : réaliser le relevé topographique le plus précis et dense des côtes nordouest de la France. Nous assistons aux premières missions effectuées dans le cadre du projet « Contrôle par laser aéroporté des risques environnementaux côtiers » (Clarec), qui implique trois unités mixtes du CNRS 1, les quatre régions qui se partagent la façade Manche-mer du Nord (Haute et Basse-Normandie, Picardie, et Nord-Pasde-Calais) ainsi que leurs universités. En ce mois de septembre, c’est le Mont-Saint-Michel que s’apprêtent à survoler nos scientifiques. Nous le savons : nous n’échapperons pas au réchauffement global. Celui-ci entraînera des tempêtes, des précipitations hivernales et des crues plus intenses, ainsi qu’une élévation du niveau de la mer. Les zones littorales seront par- |