CNRS Le Journal n°236 septembre 2009
CNRS Le Journal n°236 septembre 2009
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°236 de septembre 2009

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 3,0 Mo

  • Dans ce numéro : Qui sont vraiment les jeunes ?

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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10 VIEDESLABOS Actualités PRÉHISTOIRE Du nouveau sur la chute de Neandertal Des agressions par l’hommes moderne et un éparpillement génétique pourraient expliquer l’extinction de Neandertal. Qui était donc Homo neanderthalensis, l’homme préhistorique de Neandertal ? Deux équipes comprenant des chercheurs du CNRS viennent de publier coup sur coup des études qui permettent de mieux comprendre ce représentant fossile du genre Homo. Espèce bien distincte de notre ancêtre Homo sapiens, celle-ci a vécu en Europe et en Asie occidentale entre 250 000 et 28 000 ans, environ, avant le présent. Effectuée par une équipe internationale menée par Fernando Ramirez Rozzi, du laboratoire « Dynamique de l’évolution humaine: individus, populations, espèces » du CNRS, à Paris, la première de ces recherches suggère que les relations entre l’homme de Neandertal et l’homme moderne (Homo sapiens) n’étaient pas au beau fixe… puisqu’elle fait état d’agressions du premier par le second 1 ! Réalisée par les chercheuses marseillaises Silvana Condemi, Anna Degioanni et Virginie Fabre, du laboratoire « Anthropologie bioculturelle » 2, à Marseille, la deuxième étude, elle, confirme l’existence de trois sous-groupes de néandertaliens différents génétiquement 3. Fondamentaux, ces deux résultats pourraient permettre de mieux saisir les raisons de l’extinction de l’homme de Neandertal il y a environ 30 000 ans, avant que l’Homo sapiens le remplace définitivement en Europe. « Surprenants, nos résultats suggèrent que les néandertaliens ont été en contact avec les premiers représentant des hommes modernes ; et ces derniers semblent avoir rapporté des corps de néandertaliens dans leur caverne pour les manger… », précise Fernando Ramirez Rozzi. Pour parvenir à cette conclusion, le paléoanthropologue, spécialiste du développement 1 cm dentaire, et Neandertal aurait-il été mangé par les hommes modernes ? C’est ce que suggère l’obervation de ces framents de mandibules. L’une de renne (à gauche), l’autre d’un individu néandertalien (à droite) présentent le type de marques habituellement rencontrées sur la faune chassée et mangée. Le journal du CNRS n°236 septembre 2009 son équipe ont analysé des fossiles trouvés sur le site préhistorique des « Rois », à Moutiers (Charente) dans le Sud-Ouest de la France, un foyer de la culture aurignacienne, la première culture attribuée à Homo sapiens. Les fossiles étudiés correspondent à deux fragments de mâchoire inférieure et à des dents isolées. En analysant la croissance de ces dents, les chercheurs ont pu identifier que l’une des mandibules appartenait à un homme moderne alors que l’autre provenait très probablement d’un néandertalien. Or, « point important : sur la mâchoire que l’on pense provenir d’un homme de Neandertal, on observe des marques de coupures similaires à celles laissées sur les mandibules d’animaux abattus par les hommes modernes, comme le renne. D’où notre conclusion que les néandertaliens ont pu être mangés par les humains », continue le paléoanthropologue. « Pour ce qui est de nos travaux, pour la première fois nous avons essayé d’en savoir plus sur l’homme de Neandertal sans le comparer à l’homme moderne mais en faisant une Aires de répartition de trois sous-groupes d’individus néandertaliens. Les points bleus désignent les lieux d’où provient l’ADN qui a permis d’établir cette carte. © Photos : F. Ramirez Rozzi/M. Vanhaeren analyse génétique à l’intérieur de la population même », enchaîne la chercheuse marseillaise Silvana Condemi. Ses collègues et elle ont tenté de savoir si Homo neanderthalensis, qui occupait une vaste région allant de l’Atlantique à la Sibérie, constituait une population homogène ou s’il formait plusieurs groupes distincts. Sur des bases anatomiques, comme par exemple la dimension des dents, plus grandes dans le Nord de l’Europe, les paléoanthropologues envisageaient déjà que les néandertaliens se divisaient en sous-groupes : un en Europe occidentale, un autour de la Méditerranée et un dernier au Proche-Orient. Pour confirmer cette hypothèse, l’équipe a recouru à des logiciels informatiques permettant de modéliser l’évolution démographique et génétique de la population néandertalienne à partir de quinze fragments d’ADN provenant de douze néandertaliens et décodés depuis 1997. Au final, les chercheuses ont pu établir l’existence des trois sous-groupes dans la population néandertalienne (un occidental, un méditerranéen et un oriental). Elles suggèrent même l’existence d’un quatrième en Asie occidentale. Les petites variations génétiques de ces différents groupes 1 cm seraient dues à une microévolution induite par l’environnement où chacun des groupes vivait. L’existence d’une telle subdivision génétique, avec peu de migrations entre les sous-groupes, pourrait avoir fragilisé les néandertaliens et favorisé leur extinction lorsque chaque population s’est vue soumise à une concurrence – parfois violente – avec l’Homo sapiens. Kheira Bettayeb 1. Journal of Anthropological Sciences, vol. 87, 2009,pp. 153-185. 2. Laboratoire CNRS/Université Aix-Marseille-II/EFS Alpes Méditerranée. 3. Plos One, 15 avril 2009. CONTACTS ➔ Fernando Ramirez Rozzi Laboratoire « Dynamique de l’évolution humaine : individus, populations, espèces », Paris fernando.ramirez-rozzi@evolhum.cnrs.fr ➔ Silvana Condemi Laboratoire « Anthropologie bioculturelle », Marseille silvana.condemi@univmed.fr © Fabre/Service d’Anthropologie Biologique Marseille
ÉCOLOGIE Amazonie : le leurre du développement Des terres sans hommes pour des hommes sans terres. » Voilà le slogan (fallacieux) par lequel le régime militaire brésilien tentait de convaincre les paysans pauvres d’aller coloniser l’Amazonie dans les années 1970. On leur promettait une vie prospère par la transformation d’une forêt jugée inutile en champs fertiles et beaux pâturages. Alors, promesse tenue ? C’est la question que s’est posée une équipe internationale menée par Ana Rodrigues, du Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive (CEFE) 1 de Montpellier. « Nous voulions tester scientifiquement l’hypothèse selon laquelle le défrichement de la forêt amazonienne est synonyme de développement pour les populations », explique la chercheuse. GÉOCHIMIE À l’assaut de la montagne des dieux Au Nord de la Tanzanie, dans le Rift africain, s’élève un volcan unique au monde. Baptisé Ol Doinyo Lengai, « la montagne des dieux » en langue Masai, il est le seul à cracher des carbonatites. Ces laves sont aussi fluides que du pétrole, très riches en dioxyde de carbone, exemptes de silice et émergent à des températures bien plus basses que les autres laves (540 °C contre 800 °C voire 1200 °C). Quelle est leur origine ? Sont-elles issues d’une zone du manteau 1 sous-jacent particulièrement riche en carbone elle aussi ? Non, répondent aujourd’hui des chercheurs du Centre de recherches pétrographiques et géochimiques (CRPG) 2, à Nancy. L’abondance du dioxyde de carbone est liée au mécanisme de production des laves et non à la composition du manteau à cet endroit 3. Un résultat qui montre, par la même occasion, l’uniformité de ce dernier. Pour parvenir à cette conclusion, Les scientifiques ont utilisé les données d’un recensement brésilien grâce auquel a été calculé, pour chaque municipalité du pays, l’indice de développement humain. Cet indice, créé par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), combine divers critères pour évaluer la qualité de vie des populations comme les revenus, le niveau d’alphabétisation ou l’espérance de vie. Ces données, les chercheurs les ont mises en relation avec des photos satellite montrant les zones où la ligne de déforestation avance. Ainsi, ils ont pu comparer le niveau de vie dans les régions où la déforestation est en cours, dans celles où elle ne s’est pas encore produite et enfin, dans celles où elle a déjà eu lieu depuis un certain temps. l’équipe dirigée par Pete Burnard et Bernard Marty 4 est montée à l’assaut de l’Oldoinyo Lengai, à près de 3 000 mètres d’altitude, au début d’une phase éruptive. L’objectif : prélever des échantillons de gaz volcaniques. « Leur analyse permet de connaître la composition en éléments volatils du manteau de la Terre : le dioxyde de carbone mais aussi l’azote et les gaz rares comme l’hélium et l’argon », explique Pete Burnard. Et Bernard Marty d’ajouter : « Lors de l’échantillonnage, la pression élevée dans l’édifice volcanique a facilité la collecte sans contamination atmosphérique. » Les analyses chimiques et isotopiques des gaz ont alors donné des résultats très comparables à ceux obtenus le long des rides médioocéaniques, les chaînes de reliefs sous-marins où le magma issu du Les résultats obtenus par les chercheurs, et publiés dans la revue Science du 12 juin, sont clairs : « Nous avons montré qu’effectivement, durant la déforestation, la qualité de vie des gens s’améliore ; les revenus augmentent, ainsi que le niveau d’alphabétisation et la santé des habitants. Mais ceci n’est que de courte durée. En effet, les ressources de la forêt s’épuisent, la productivité des terres agricoles chute, tandis que la population augmente. Lorsque l’essentiel de la forêt d’une zone a été rasé, les habitants retrouvent leurs précaires conditions de vie », analyse Ana Rodrigues. Le développement de la région défrichée n’était qu’un leurre et la possibilité d’exploiter durablement les ressources de la forêt amazonienne est irrémédiablement perdue. manteau remonte, faisant s’écarter les plaques océaniques. Donc « le manteau sous la Tanzanie est normal et non enrichi en carbone, comme le proposaient certains modèles de genèse des carbonatites », indique Bernard Marty. C’est en fait le processus de fusion du manteau à l’origine de ces laves qui est exceptionnel. Il conduit à l’immiscibilité des carbonates et des silicates, à l’instar de l’eau et de l’huile, et ce sont les VIEDESLABOS 11 Cependant, il reste un espoir. « Au Brésil, le gouvernement propose désormais des aides pour développer des activités économiques qui ne détruisent pas la forêt. Les négociations internationales pour réduire les émissions de gaz à effet de serre contribuent nettement à ce changement d’attitude visà-vis de l’Amazonie. » Sebastián Escalón 1. Centre CNRS/Universités Montpellier I, II et III/Cirad/Supagro. CONTACT ➔ Ana Rodrigues Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive (CEFE), Montpellier ana.rodrigues@cefe.cnrs.fr carbonates fondus qui s’épanchent à la surface et forment les carbonatites. Mais pour un temps seulement. Le volcan a en effet terminé sa phase carbonatique, qui dure quarante à cinquante ans, et est entré dans une phase silicatée. Un phase bien plus explosive qui rend son approche dangereuse et remet à plus tard d’éventuelles expéditions. Sabine Vaillant 1. Le manteau est la zone intermédiaire entre le noyau métallique de la planète et la croûte terrestre. 2. Centre CNRS/Université Nancy-I/INPL. 3. Les travaux ont été publiés dans Nature, vol. 459, n°7243, mai 2009, p. 77. 4. Bernard Marty est professeur à l’École nationale supérieure de géologie de Nancy. © B.Marty/CRPG/INSU-CNRS Coulée de carbonatites au sommet de l’Ol Doinyo Lengai, en Tanzanie, seul volcan produisant actuellement de telles laves. CONTACTS Centre de recherches pétrographiques et géochimiques (CRPG), Nancy ➔ Peter Burnard, peteb@crpg.cnrs-nancy.fr ➔ Bernard Marty, bmarty@crpg.cnrs-nancy.fr Le journal du CNRS n°236 septembre 2009



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