© Photos : H. Raguet/CNRS Photothèque 6 © INSP VIEDESLABOS Reportage PHYSIQUE Enquête dans le nanomonde Les nanosciences permettent aujourd’hui d’aborder sous un regard neuf la recherche en physique fondamentale, de l’optique à l’électronique, en passant par l’acoustique. Reportage à l’Institut des nanosciences de Paris 1, haut lieu de la recherche sur l’infiniment petit. Faconné sous forme de poussières nanométriques, certaines substances fluorescentes voient leur émission décalée de l’infrarouge vers le visible. GRANDS ÉQUIPEMENTS POUR NANO-OBJETS Le journal du CNRS n°234-235 juillet-août 2009 C’est bien connu : en physique, un bon poster vaut tous les longs discours. Aussi, Jean-Marc Frigerio, professeur à l’université Pierre et Marie Curie, entraîne-t-il rapidement le visiteur hors de son bureau afin de lui en montrer un, accroché dans le couloir. « Comme vous le constatez : quand la taille varie, la couleur change », dit-il en désignant, au milieu d’un fouillis de courbes et de schémas, une figure bigarrée. Cette série de sphères alignées par ordre de taille représente « des particules de deux à huit millionièmes de millimètre – ou nanomètres – faites d’une même matière fluorescente ». Alors qu’à l’état massif, cette substance émet de la lumière dans l’infrarouge Pour caractériser des phénomènes au niveau du millionième de millimètre, il est indispensable de disposer d’instruments ultraperfectionnés. Outre une salle blanche où les scientifiques fabriquent des échantillons, l’institut dispose de plusieurs microscopes à force atomique et de plusieurs microscopes à effet tunnel. Le laboratoire a également hérité lors de sa création de deux grands équipements installés sous le campus de Jussieu. Safir (INSP) et Simpa (INSP-Laboratoire Kastler Brossel), inaugurés respectivement en 1968 et 2003, sont des accélérateurs d’ions de haute énergie et d’ions multichargés. Ils servent à réaliser des études d’analyse de couches minces, de traçage isotopique ou de dynamique d’interaction des ions avec la matière. Enfin, l’INSP possède, toujours sur le site de l’université, un dispositif d’épitaxie par jet moléculaire. Cet équipement permet aux physiciens de préparer puis d’élaborer des matériaux destinés à un domaine de l’électronique des plus futuristes : la spintronique 1. V.T.M. 1. Lire Le journal du CNRS, n°215, décembre 2007. © Equipe D. Roditchev Ces bancs d’optique permettent de produire des sons de l’ordre du million de millions de hertz. proche, le fait de l’avoir façonnée sous forme de « poussières » nanométriques a décalé son émission dans le visible : les plus petites sphères émettent dans le bleu et les plus grandes dans le rouge ! Une « preuve », selon le physicien, que les propriétés de la fluorescence sont modifiées lorsqu’un matériau est « confiné » dans un volume de quelques nanomètres cubes… NANO-INVESTIGATIONS À l’Institut des nanosciences de Paris (INSP), nombreuses sont les équipes qui, comme celle de Jean- Marc Frigerio, travaillent à caractériser des phénomènes à cette échelle. Ces études fondamentales ont même largement contribué à la réputation de ce centre, créé en 2005 par la réunion de quatre laboratoires du campus de Jussieu, afin d’assurer le développement des technologies pour la recherche sur l’infiniment petit. Avec un effectif de 200 personnes, dont 89 chercheurs, l’Institut des nanosciences de Paris, dont le siège est installé provisoirement sur le site de l’ancien hôpital Boucicaut, dans le XV e arrondissement, est l’un des hauts lieux en France où s’exerce cette activité multidisciplinaire. Car si les scientifiques qui travaillent ici ont tous en commun de s’intéresser au monde de l’infiniment petit, leurs objets d’études varient, eux, énormément : optique, électronique, acoustique, catalyse, surfaces et supraconducteurs ! C’est qu’avec l’arrivée dans les années 1980 des premiers microscopes à effet tunnel et à force atomique 2, puis le développement des procédés de manipulation de la À gauche, grâce à un microscope tunnel à balayage fonctionnant sous ultravide, on étudie la supraconductivité de nanocristaux. Ainsi, lorsqu’il est sous forme de nano-îlots (ci-contre), le plombacquiert des propriétés différentes de celles qu’il possède à l’état massif. |