38 GUIDE Livres 3 questions à… Jean-Pierre Poulain Sociologie de l’obésité Éd. Puf, coll. « Sciences sociales et sociétés », mai 2009, 360 p. – 28 € Jean-Pierre Poulain est professeur de sociologie à l’université de Toulouse-II et membre du Centre d’étude et de recherche Travail, organisation, pouvoir (Certop, CNRS/Université Toulouse-II). Sociologue de l’alimentation spécialisé dans l’évaluation des politiques publiques, vous publiez un essai scientifique où vous analysez les déterminants sociaux de l’obésité et les enjeux de cette « pathologie », déclarée par l’OMS « épidémie mondiale » : que nous dit aujourd’hui la sociologie sur ce sujet ? Elle déploie sur l’obésité un triple regard : le premier se met au service de l’épidémiologie, pour comprendre les raisons de sa différenciation sociale ; le second étudie le fonctionnement des sciences de l’obésité (épidémiologie, nutrition, chirurgie, psychiatrie…) ; le troisième contribue à la mise en place de politiques de lutte contre son développement, en identifiant les déterminants sociaux sur lesquels celles-ci pourraient agir. La recherche en mouvement L’avenir de l’Europe Le journal du CNRS n°234-235 juillet-août 2009 Le point de vue épidémiologique confirme l’hypothèse que derrière ce phénomène apparemment homogène existent différentes formes d’obésité. L’une d’elles est liée non à la précarité, comme on l’a parfois écrit, mais au processus de précarisation, c’est-à-dire à la fragilisation d’une situation sociale. Une autre, dite de transition, est consécutive à des transformations rapides de contextes alimentaires survenant, par exemple, dans le phénomène migratoire ou dans la modernisation de l’alimentation contemporaine. Une autre forme d’obésité, résultant de troubles du comportement alimentaire, est liée, elle, à la pression du modèle d’esthétique corporelle de minceur. Enfin, chez les hommes, à côté d’une obésité classique du bas de l’échelle Jean Audouze (dir.), en collaboration avec Jean-François Minster et François-Denis Poitrinal, éd. Gutenberg Sciences, mai 2009, 285 p. – 20 € Quels jugements portez-vous sur l’état actuel de la recherche et de l’innovation en Europe et en France ? Quelles sont vos préconisations pour en améliorer l’efficacité ? Dans la dynamique du succès du Salon européen de la recherche et de l’innovation, devenu le rendez-vous indispensable de l’ensemble des acteurs européens et français impliqués dans ces questions, des contributeurs éminents répondent ici à ces deux questions. sociale, existe un autre type que nous pourrions qualifier de « trop bon vivant », associé à des positions sociales élevées. Ces quatre formes d’obésité présentes dans différents niveaux de la société viennent moduler la vision traditionnelle d’une obésité associée au bas de l’échelle sociale. Les deux autres points de vue, sur les sciences de l’obésité et les politiques de lutte, mettent l’accent sur les effets potentiellement contreproductifs d’une « surdramatisation » de la question. Une dramatisation totalement préjudiciable ? Oui, bien sûr, mais pas entièrement. La dramatisation est consécutive à la transformation du statut de l’obésité, qui est passé en trente ans de facteur de risque à maladie, puis à celui d’épidémie mondiale. Après la série de crises alimentaires, elle est devenue la « preuve » évidente pour le commun des mortels que « quelque chose ne tournait pas rond » dans l’alimentation moderne. Elle en a incarné les conséquences redoutées. Si l’on peut porter au crédit de la dramatisation l’inscription de l’obésité dans l’agenda politique, lorsque cette attitude est excessive, on court le risque d’effets contreproductifs qui renforcent la stigmatisation des sujets obèses et accroissent l’anxiété alimentaire de la population générale. Comment développer des politiques publiques en la matière ? Face aux difficultés que rencontrent les politiques déjà entreprises, notamment aux États-Unis, l’intensification des efforts de recherche doit être la priorité et ceci, dans les domaines de la génétique, du tissu adipeux, des comportements alimentaires, de l’activité physique, des déterminants psychosociaux de l’image du corps… Cependant, en l’absence de certitudes scientifiques, il est légitime, simplement au nom du principe de précaution, de mettre en place des politiques de lutte, sous réserve qu’elles soient l’objet d’une véritable évaluation destinée à les piloter et à capitaliser des connaissances. Je vois là la condition nécessaire pour que la lutte contre l’obésité ne se transforme pas en machine à stigmatiser les personnes obèses et à rendre anxiogène le rapport à l’alimentation. Propos recueillis par A.L. Les corps d’été XX e siècle. Naissance d’une variation saisonnière Christopher Granger, éd. Autrement, coll. « Mémoires/Cultures », juin 2009, 160 p. – 18 € Historien spécialiste des cultures ludiques et des pratiques corporelles, l’auteur analyse ici la posture du corps « d’été », un corps qui fait son apparition dans les années 1920 et ne cesse de se dénuder pour atteindre son maximum dans les années 1960 (curieuse coïncidence, quelque temps avant Mai 68). Cette histoire devient limpide sitôt mise en évidence l’apparition d’une nouvelle table des valeurs sociales qui célèbre la décontraction, le naturel et le bien-être individuel comme la variété des expériences et des identités. Une évolution qui a rendu possible et plaisante la « morale » des corps en été – et son escorte de résistances et d’antagonismes plus ou moins violents. |