CNRS Le Journal n°234-235 jui/aoû 2009
CNRS Le Journal n°234-235 jui/aoû 2009
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°234-235 de jui/aoû 2009

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 4,7 Mo

  • Dans ce numéro : Un été sur le terrain

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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14 © CNRS/université de Strasbourg INNOVATION Entretien SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES Un jeu en ligne pour apprendre le français Une équipe issue du laboratoire strasbourgeois « Cultures et sociétés en Europe » 1 développe un jeu vidéo multijoueur sur Internet… pour apprendre le français ! Patrick Schmoll, sociologue à l’origine du projet, nous présente cette plateforme ludo-éducative révolutionnaire baptisée Thélème, comme l’abbaye fictive du Gargantua de Rabelais. Pouvez-vous nous décrire Thélème ? Patrick Schmoll : Thélème est une application en ligne d’assistance à l’apprentissage du français pour les étrangers. Après s’être créé un personnage, le joueur qui désire apprendre le français est immergé dans un univers de cape et d’épée. Il est alors confronté en temps réel à d’autres utilisateurs non francophones comme lui avec qui il doit communiquer en français. Il rencontre aussi des francophones attirés par le jeu luimême, au contact desquels il améliore sa pratique de la langue. Le score du joueur est alors indexé sur la quantité et la qualité du français utilisé. Les francophones qui vont au contact des étrangers qui communiquent peu ou pas sont également récompensés. Nous prévoyons enfin des modules didactiques basés sur des personnages virtuels générés automatiquement par le programme. Ils confieront au joueur des missions ponctuelles – la recherche d’un logement, d’un emploi, résoudre une enquête criminelle – et ce dernier devra converser avec eux en français. Quels sont les atouts de cette nouvelle méthode d’apprentissage ? P.S. : Thélème devrait être la première à combiner Le journal du CNRS n°234-235 juillet-août 2009 l’immersion, la simulation et l’interactivité entre des milliers d’utilisateurs. Notre concept joue sur l’engouement grandissant pour les jeux vidéo et les univers virtuels persistants du type World of Warcraft ou Second Life. Il pourra générer une communauté virtuelle où les internautes auront envie de passer du temps, ce qui est indispensable pour apprendre une langue étrangère. Comparé aux méthodes d’apprentissage online ou même off-line actuelles, comme celles sur CD ou DVD, notre concept aura une durée de vie bien supérieure, sera évolutif et moins onéreux. Il ne nécessite pas d’équipement informatique dernier cri, ni de connexion Internet à très haut débit. En outre, cette méthode par mise en situation est dans la droite ligne des recommandations européennes pour l’apprentissage des langues 2. Immergé dans un univers de cape et d’épée, le joueur devra communiquer en français avec les autres participants afin de progresser dans le jeu. Un critère important pour les structures fédérant les enseignants de français dans le monde et susceptibles de prescrire notre jeu. Comment l’idée de cette plateforme ludo-éducative est-elle née ? P.S. : Thélème est issue de nos travaux sur les communautés virtuelles et la production de lien social à travers les enjeux conflictuels. Dans les © B. Braesch/Service de la communication/Université de Strasbourg jeux en réseau multijoueurs, le fait qu’il n’y ait qu’un seul gagnant potentiel provoque des conflits. Cette concurrence génère le dialogue car, dans ces quêtes de longue haleine, on ne peut finalement pas gagner en restant isolé. Il est indispensable de s’échanger des informations, de s’entraider, de créer des groupes, des alliances, des stratégies communes… Autant d’occasions de discuter dans une langue commune : en français dans le cas de Thélème ! Où en est son développement ? P.S. : Le prototype jouable, propriété du CNRS et de l’université de Strasbourg, a pu être achevé fin février grâce à une enveloppe de 298 000 euros fournie par ces institutions et le fonds de maturation alsacien Conectus 3. Thélème est le premier programme de sciences humaines et sociales financé par ce dispositif, généralement sollicité par des projets de sciences dures générant des brevets. Cette somme a permis la constitution d’une équipe de dix personnes regroupant sociologues, didacticiens, informaticiens et spécialistes des arts visuels. Nous recherchons maintenant d’autres sources de financement. Il faudrait 500000 euros pour qu’Almédia, la société que nous avons créée fin février, puisse développer le jeu sous licence jusqu’au produit commercialisable. Quelles sont les prochaines étapes ? PS. : Si tout se passe bien, une version gratuite sera mise en ligne cet été pour deux ans 4. Cette période permettra de constituer une communauté dont les utilisateurs remonteront des informations afin d’affiner le produit. La commercialisation pourrait démarrer en 2011 sous la forme d’un abonnement de 5 euros/mois. À ce tarif, le seuil de rentabilité sera atteint dès les 10 000 joueurs, sur un marché potentiel de 290 millions de personnes dans le monde ! De plus, le jeu pourrait rapidement être décliné en allemand et en espagnol. Enfin, nous projetons d’y intégrer un module de reconnaissance vocale. Propos recueillis par Jean-Philippe Braly 1. Laboratoire CNRS/Université de Strasbourg. 2. Le Cadre européen commun de référence pour les langues (CECR) recommande l’immersion (séjour dans le pays) ou la mise en situation avec interaction et simulation pour l’apprentissage d’une langue étrangère. 3. Conectus est une structure de valorisation qui rassemble l’ensemble des acteurs alsaciens de la recherche publique dont le CNRS. 4. À l’adresse : www.theleme-lejeu.com/CONTACT ➔ Patrick Schmoll Laboratoire « Cultures et sociétés en Europe », Strasbourg schmoll@misha.fr
BREVET Nouvelle arme contre les prions Quand on a découvert dans les années 1980 que le prion – l’agent infectieux responsable de la maladie de Creutzfeldt- Jakob et des encéphalopathies spongiformes humaines et animales – pouvait se transmettre d’homme à homme, la question de la décontamination du matériel médical s’est fatalement posée. Or, du fait de sa très grande résistance aussi bien physique que chimique, aucune solution n’était réellement satisfaisante… jusqu’à aujourd’hui. Un nouveau produit – fruit des recherches menées à l’Institut de génétique humaine (IGH) 1, à Montpellier – vient en effet d’être commercialisé sous le nom d’Actanios Prion par la société Anios 2. Il est capable de détruire le prion sans endommager les appareils médicaux fragiles comme les endoscopes. C’est au cours d’un programme de recherche fondamentale sur la forme non pathogène du prion 3 que les chercheurs de l’IGH se rendent compte qu’elle est dégradée par l’action combinée du cuivre et d’un agent oxydant comme l’eau oxygénée. « Évidemment, nous nous sommes tout de suite demandé si l’effet serait similaire sur le prion pathogène », raconte Sylvain Lehmann, directeur de l’équipe « Pathologies neurologiques et cellules souches » à l’IGH. La réponse ne se fait pas attendre : oui, la combinaison de cuivre et d’eau oxygénée peut détruire la protéine anormale et l’infectiosité qui lui est associée. Jusqu’à présent, les moyens de décontamination efficaces sur les prions étaient soit très agressifs (soude, eau de javel concentrée ou autoclave), soit peu performants (acide peracétique). « Bien conscients du potentiel de cette découverte, nous avons déposé un brevet en 2004 puis pris contact avec la société Anios en vue de développer un produit de décontamination commercialisable », ajoute Sylvain Lehmann. Une collaboration scientifique avec option d’exclusivité sur le brevet débute en 2005 entre l’IGH et Anios et, compte tenu de l’intérêt de cette nouvelle méthode, le brevet ALYXAN L’art de traquer les gaz En dehors des molécules habituelles – azote, oxygène, gaz carbonique, etc. –, l’air contient bien souvent des traces de gaz polluants et autres substances. Aujourd’hui, l’analyseur ultrarapide et transportable B-Trap, qui fait déjà l’objet de deux brevets 1, permet de les détecter en un clin d’œil. « Nous vivons aujourd’hui dans une logique de sécurité, et il peut s’avérer nécessaire de détecter, en temps réel et sur place, des substances toxiques afin de déclencher une alerte, par exemple », explique Michel Heninger, du Laboratoire de chimie physique d’Orsay 2, chercheur dans l’équipe à l’origine de B-Trap. Or jusqu’à présent, ce type d’analyse prenait du temps. Il fallait faire un prélèvement et le rapporter au laboratoire pour le traiter sur une © ANIOS La décontamination totale du matériel médical fragile est désormais possible grâce à Actanios Prion. est étendu à l’international. S’ensuivent quatre ans de travail pour adapter la formulation à la pratique hospitalière et au matériel médical, qui nécessite des précautions de nettoyage particulières, et pour valider l’efficacité de la solution INNOVATION 15 Modèle de la structure tridimensionnelle de la protéine du prion pathologique. contre les prions mais également contre les bactéries, virus et parasites. C’est désormais chose faite. Après une prise de licence définitive, le produit Actanios Prion est enfin disponible. Caroline Dangléant 1. Institut CNRS/Universités Montpellier-I et II. 2. Anios est une filiale d’Air liquide et leader français et international dans le domaine de la décontamination hospitalière. 3. Le prion est une protéine dotée de deux formes : l’une normale, non pathogène, et l’autre anormale, pathogène. CONTACT ➔ Sylvain LehmannInstitut de génétique humaine, Montpellier sylvain.lehmann@igh.cnrs.fr machine nécessitant un opérateur averti. Pire : les seules machines capables d’une analyse vraiment précise, absolument intransportables car de la taille d’un petit appartement, étaient destinées aux grosses molécules de l’industrie pétrolière et pharmaceutique et inadaptées aux petites molécules qui composent l’air. La prouesse de l’équipe du Laboratoire de chimie physique d’Orsay est donc d’avoir miniaturisé et adapté la technique de spectrométrie de masse de ces volumineuses machines. Cette technique consiste à identifier les substances selon la masse des molécules qui les composent, puisque cette caractéristique est unique à chaque type de molécule. Au final, B-Trap, très simple à utiliser, a les dimensions d’un petit réfrigérateur et coûte 100 000 euros environ seulement. Il permet de détecter une molécule donnée sur un million ou même sur un milliard. « Et nous pouvons obtenir jusqu’à une mesure par seconde ! », commente Michel Heninger. Des résultats si encourageants que le projet fut lauréat du Concours national d’aide à la création d’entreprises de technologies innovantes en 2003 et 2004, ce qui a conduit en 2005 à la création d’une start-up, Alyxan. Elle fait déjà l’objet de plusieurs contrats d’étude avec la Délégation générale pour l’armement afin de mesurer en permanence l’atmosphère régnant dans les sous-marins. Dans cette atmosphère confinée, par exemple, une fuite de fréon, utilisé dans les systèmes de refroidissement, peut provoquer des cas d’asphyxie. « Une collaboration est aussi en cours avec l’Institut français du pétrole pour l’étude des émissions de gaz produites par les voitures », commente le chercheur. « Et nous collaborons aussi avec la médecine du travail de l’université Paris-Sud afin d’analyser l’atmosphère sur les lieux de travail. Problématique que nous pourrions bien sûr étendre aux habitations privées. » Étant donné la prise de conscience actuelle des questions de santé publique, Alyxan devrait avoir de beaux jours devant elle. Charline Zeitoun 1. CNRS/Université Paris-XI/Paris-VI. 2. Laboratoire CNRS/Université Paris-XI. CONTACT ➔ Michel Heninger Alyxan, Orsay michel.heninger@alyxan.fr © S.LehmannLe journal du CNRS n°234-235 juillet-août 2009



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