CNRS Le Journal n°234-235 jui/aoû 2009
CNRS Le Journal n°234-235 jui/aoû 2009
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°234-235 de jui/aoû 2009

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 4,7 Mo

  • Dans ce numéro : Un été sur le terrain

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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12 VIEDESLABOS Actualités NEUROSCIENCES Un pont entre stress et addiction On savait que le stress pouvait favoriser l’émergence d’une addiction. Mais personne n’avait identifié les neurones impliqués dans cette modulation. C’est désormais chose faite, grâce à l’étude réalisée sur des souris par le chercheur CNRS François Tronche et son équipe du laboratoire « Physiopathologie des maladies du système nerveux central » 1, avec l’équipe de Pier Vincenzo Piazza (Inserm). Il s’agit des neurones sensibles à la fois aux « glucocorticoïdes », ou GC (des hormones libérées lors d’un stress physique ou émotionnel), et à la dopamine (un neurotransmetteur impliqué dans les mécanismes de récompense). Ces travaux, publiés dans Nature Neuroscience 2, et qui pourraient mener à des traitements inédits des maladies liées au stress, aident à mieux comprendre le fonctionnement du cerveau. Lors d’études précédentes, les chercheurs ont noté qu’une petite modification (« mutation ») d’un gène Le journal du CNRS n°234-235 juillet-août 2009 dans le cerveau diminue la dépendance à la cocaïne des souris. Or ce gène code pour les molécules fixant les hormones du stress GC (les « récepteurs aux GC »). Les biologistes ont voulu identifier les neurones impliqués. Ils ont alors ciblé les neurones du système dopamine, connus pour leur rôle dans l’addiction. Pour cela, ils ont « fabriqué » des souris portant une mutation de ce gène GC restreinte à ces neurones. Bilan : l’appétence des souris pour la cocaïne a bel et bien diminué. Les investigations de l’équipe ne sont pas terminées. Afin d’en savoir plus sur les mécanismes qui contrôlent l’expression des gènes, les chercheurs vont désormais étudier de plus près ce qui se passe au niveau moléculaire au sein de ces neurones sensibles à la dopamine. « C’est la connaissance précise de ces mécanismes qui permettra peut-être un jour de développer des traitements pour des troubles comportementaux liés au stress, comme l’addiction ou la dépression », termine François Tronche. ASTRONOMIE Le berceau de vieux photons identifié D’où vient ce flux de photons détectable sur l’ensemble de la voûte céleste dans le domaine des ondes submillimétriques, que le satellite de la Nasa Cobe repéra en 1992 lorsqu’il cartographia le fonds diffus cosmologique 1 ? Après plus d’une décennie d’incertitude, une équipe internationale vient de confirmer l’origine de cette radiation 2. Comment ? En observant, à l’aide d’un télescope spécial placé à bord d’un ballon stratosphérique – la mission Blast de la Nasa – lancé au-dessus de l’Antarctique, une section précise du ciel. Résultats de ces observations : cet énigmatique rayonnement submillimétrique a été produit il y a 7 à 10 milliards d’années, principalement par des « galaxies à sursaut de formation d’étoiles ». Découverts © F.Tronche/CNRS Les neurones impliqués dans la modulation de l’addiction par le stress ont été identifiés ! Il s’agit des neurones sensibles à la dopamine, situés dans le striatum. dans les années 1990, ces curieux objets sont les « supergéniteurs » masqués de l’Univers. Ces astres poussiéreux et riches en gaz forment des étoiles à un rythme des centaines de fois plus élevé que celui notre Voie lactée. Et pourtant : ils sont invisibles pour les télescopes classiques. Au sein de ces objets, la lumière générée par les étoiles est, en effet, entièrement absorbée par la poussière et par le gaz présents dans le milieu interstellaire. Ils ne sont donc pas détectables dans le spectre visible : seule la radiation électromagnétique produite lorsque le gaz chauffe trahit leur présence. « Comme la longueur d’onde de cette radiation se situe dans le domaine des ondes submillimétriques, des astronomes ont avancé l’idée que des galaxies à sursaut de formation d’étoiles lointaines puissent produire l’essentiel du rayonnement submillimétrique mis au jour par Cobe, raconte Guillaume Patanchon, astrophysicien au laboratoire « Astroparticule et cosmologie » (APC) 3, à Paris, qui participe à la mission. Ce qui impliquerait que ces astres aient été beaucoup plus abondants dans l’Univers jeune qu’aujourd’hui. » Encore fallait-il le prouver. C’est ce qu’a réussi à faire l’équipe de Blast. La caméra embarquée était capable de réaliser des sondages du ciel avec une résolution inégalée et sur trois longueurs d’onde submillimétriques à la fois. Après onze jours d’observation, ces astrophysiciens ont dressé trois cartes submillimétriques d’une région particulière de l’espace. En comparant ces sondages avec ceux réalisés par Comme c’est le cas pour de nombreux résultats en recherche biologique, cette identification des neurones impliqués dans la modulation de la dépendance par le stress s’est faite « accidentellement ». En effet, « notre but initial n’était pas de mieux saisir le lien entre stress, anxiété et addiction, mais d’élucider les mécanismes de contrôle de l’expression des gènes, qui permettent aux cellules vivantes de s’adapter à leur milieu, précise François Tronche. Or la réponse au stress, assurée par les hormones GC, était un bon exemple pour étudier ces mécanismes ! » Kheira Bettayeb 1. Laboratoire CNRS/Université Paris-VI/Inserm. 2. Nature Neuroscience, vol. 12, n°3, mars 2009,pp. 247-249. CONTACT ➔ François Tronche Laboratoire « Physiopathologie des maladies du système nerveux central », Paris francois.tronche@gmail.com d’autres satellites, ils ont ainsi déterminé que plus de la moitié du rayonnement submillimétrique provient de galaxies situées à au moins 9 milliards d’années-lumière de nous, dont la plupart sont précisément des galaxies à « sursaut de formation d’étoiles ». Vahé Ter Minassian 1. Cette lumière a été émise environ 380 000 ans après le Big Bang et elle est encore observable aujourd’hui. C’est un témoin précieux de la prime jeunesse de l’Univers. 2. Nature, vol. 458, n°723, 9 avril 2009, p. 737. 3. Laboratoire CNRS/Université Paris-VII/CEA/Observatoire de Paris. CONTACT ➔ Guillaume Patanchon Laboratoire « Astroparticule et cosmologie » (APC), Paris patanchon@apc.univ-paris7.fr
ÉCOLOGIE Des oiseaux dans le tourbillon de la vie océanique VIEDESLABOS 13 Comment les frégates, ces grands oiseaux marins, font-elles pour localiser les zones riches en poissons et en calmars ? En suivant les frontières des tourbillons océaniques, répond une équipe pluridisciplinaire. Une découverte qui permettra de mieux connaître les ressources de poissons. Trouver un calmar dans une mer où s’enchaînent les tourbillons est a priori aussi difficile que de trouver une aiguille dans une botte de foin. Pas pour les frégates du Pacifique, si l’on en croit une récente étude 1 menée par une équipe pluridisciplinaire comprenant des chercheurs du Laboratoire d’études en géophysique et océanographie spatiale (Legos) 2 et du Centre d’études biologiques de Chizé (CNRS) 3. Ces grands oiseaux marins sont capables de localiser à coup sûr les secteurs riches en poissons et en calmars dont ils se nourrissent. Les scientifiques ont montré que les frégates du Pacifique se déplacent et pêchent spécifiquement aux frontières entre tourbillons. Il semblerait que ces zones soient le siège d’une activité biologique intense grâce aux forts remous. Ceux-ci feraient remonter les nutriments nécessaires au développement du phytoplancton, base de la chaîne alimentaire océanique, et favoriseraient sa concentration. Pour aboutir à ce résultat, les chercheurs ont d’un côté étudié les structures résultant des tourbillons de surface de moins de 10 km de large qui se succèdent le long du canal du Mozambique – qui sépare Madagascar du continent africain. De l’autre, ils ont scruté pendant deux mois les allées et venues de huit frégates équipées de balises Argos nichant sur une île du canal, l’île Europa. Puis ils ont superposé les trajectoires des structures résultant des tourbillons de surface et celles des oiseaux : la correspondance était parfaite ! « L’aspect quantitatif est une première dans la mise en évidence de ce lien », précise Émilie Tew-Kai, de l’IRD, qui a participé à cette étude. De jour BRÈVE comme de nuit, sur de courtes ou longues distances, les frégates volent à la verticale des lignes séparant les tourbillons, appelées « filaments », et vont s’y nourrir. Par facilité ou par volonté ? Un peu des deux apparemment. Tout d’abord, les chercheurs supposent qu’il se crée un courant aérien particulier 4. Les frégates, qui naviguent à 200 mètres d’altitude pendant parfois plusieurs jours, s’y laisseraient porter, ce qui serait moins fatigant pour elles, et s’arrêteraient de temps à autre pour s’alimenter. Une autre théorie est basée sur les sens de l’oiseau, qui localiserait olfactivement les zones riches en poissons. Dans les interfaces entre tourbillons, le broutage du phytoplancton par le zooplancton dégage un gaz, le DMS ou sulfure de diméthyle, qui est attirant pour plusieurs espèces d’oiseaux marins. Le DMS pourrait dériver dans les courants d’air formés audessus des tourbillons, qui deviendraient ainsi des « corridors odorants ». Les frégates n’auraient alors qu’à remonter ces « couloirs » jusqu’à la source de cette odeur appétissante et passeraient ainsi efficacement d’une parcelle de nourriture à l’autre. Souvent associées aux thons, dont elles peuvent voler les proies qui sautent hors de l’eau, les frégates permettent d’en localiser les bancs. La logique de déplacement des oiseaux marins intéresse donc les pêcheurs. « À l’avenir, pour protéger les espèces marines et dans l’optique d’une gestion durable de la ressource halieutique, il faudrait généraliser cette étude à d’autres espèces dans Lire des disques durs à grande vitesse L’inscription et la lecture de données sur des disques durs d’ordinateurs pourraient se faire 100000 fois plus vite qu’actuellement, grâce à des chercheurs de l’Institut de physique et chimie des matériaux de Strasbourg 1. Publiée dans Nature Physics, leur méthode consiste en des impulsions lasers de très courte durée focalisées sur la surface du disque dur. Baptisée « photonique de spin », cette approche utilise les propriétés d’interaction entre les photons du laser et le spin des électrons 2 du disque dur. L’intégration des « lasers ultracourts » dans des appareils d’électronique devrait se faire d’ici à dix ans. 1.Institut CNRS/Université de Strasbourg-I. 2. Grandeur de la mécanique quantique associée à la rotation des électrons sur eux-mêmes. Ci-contre : le parcours de vol d’une frégate (ronds rouges) et les endroits où elle a cherché de la nourriture (triangles), se superposent aux limites (en noir) des tourbillons océaniques de surface du canal du Mozambique. d’autres zones pour mieux comprendre leur distribution spatiale », explique Émilie Tew-Kai. Sabine Vaillant et Isoline Fontaine 1. « Top marine predators track Lagrangian coherent structures », Proceedings of the National Academy of Science, vol. 106, n°20,pp. 8245-8250 – http:Ilwww.pnas.org/content/106/20/8245.abstract 2. Laboratoire CNRS/Université Toulouse-III/Centre national d’études spatiales/IRD. 3. En collaboration avec des chercheurs de l’IRD et l’Institut de physique des Baléares. 4. Ce courant résulte des fronts intenses de température de la surface océanique localisés sur ces filaments. CONTACT ➔ Émilie Tew-Kai Centre de recherche halieutique méditerranéenne et tropicale, Sète emilie.tewkai@ird.fr Le journal du CNRS n°234-235 juillet-août 2009 © Photos : H. Weimerskirch/CNRS



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