CNRS Le Journal n°233 juin 2009
CNRS Le Journal n°233 juin 2009
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°233 de juin 2009

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 5,4 Mo

  • Dans ce numéro : La bioéthique en débat

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

Dans ce numéro...
< Pages précédentes
Pages : 8 - 9  |  Aller à la page   OK
Pages suivantes >
8 9
8 ©. Gaucher VIEDESLABOS Actualités CLIMAT La forêt amazonienne sensible à la sécheresse L’immense forêt amazonienne, véritable régulateur naturel du climat, risque-t-elle de disparaître en raison des dérèglements de la circulation des courants océaniques au large de l’Amérique du Sud ? Question cruciale à laquelle un réseau de chercheurs apporte les premières réponses. Le journal du CNRS n°233 juin 2009 C’est un régulateur naturel. Une sorte de super-stabilisateur vert sans lequel notre environnement serait radicalement différent. Avec ses 6 millions de kilomètres carrés, la forêt amazonienne est un rouageclé de la machine climatique. Outre qu’elle stocke sous forme de biomasse aérienne (troncs, arbres, feuilles…) pas moins de 120 milliards de tonnes de carbone, cette immense étendue boisée en recycle chaque année 18 milliards de tonnes supplémentaires, l’équivalent de deux fois le total des émissions dues aux énergies fossiles exploitées par l’homme ! Ce couvert végétal si important pour la stabilité de notre milieu pourrait-il disparaître sous l’effet du réchauffement planétaire ? Pour la première fois, un groupe international de chercheurs vient d’apporter un élément de réponse à cette question inquiétante 1. L’équipe du réseau « International Amazon Forest Inventory Network » (Rainfor), coordonné par OliverL. Philips, de l’université de Leeds (Royaume-Uni), et auquel participe Jérôme Chave, directeur de recherche CNRS au laboratoire « Évolution et diversité biologique » 2, à Toulouse, a étudié les conséquences d’une sécheresse exceptionnelle survenue en Amazonie en 2005. Certaines « prédictions catastrophe » publiées en 2004 par un groupe de l’université de Reading (Royaume Uni) 3 indiquent que la forêt amazonienne pourrait carrément disparaître à la fin de ce siècle en raison des changements climatiques. À en croire ces modèles, en effet, le réchauffement planétaire se manifestera dans cette partie du globe par une multiplication et une intensification d’un phénomène appelé « anomalie atlantique ». Ce changement brusque de la circulation des courants océaniques, survenant de temps à autre au large de l’Amérique du Sud, est à l’origine d’une baisse des précipitations sur le continent. En se répétant, cet épisode pourrait contribuer à éradiquer la forêt amazonienne, ce qui provoquerait un rejet de son carbone dans l’atmosphère dont la teneur doublerait alors, bouleversant encore un peu plus le climat. Un avenir « plausible » si la forêt tropicale est incapable de résister à des sécheresses répétées… Et c’est ce qu’ont voulu vérifier les 42 scientifiques de 13 pays membres du réseau Rainfor. Ce programme de surveillance à long terme, par le suivi régulier de 136 parcelles forestières à travers le continent – dont deux qui s’étendent sur 22 hectares à la station de Nouragues (Guyane française) du CNRS –, dispose de trente ans de données concernant la croissance de la végétation dans le Bassin amazonien. Après l’épisode d’anomalie atlantique d’une rare intensité survenu en 2005, les chercheurs ont procédé en urgence à un réexamen d’une fraction de ces parcelles afin de déterminer les effets de cette chute des précipitations sur leur croissance et leur mortalité. Ce véritable travail de titan leur a permis d’aboutir à plusieurs conclusions chiffrées : avant 2005, 76% des parcelles (93 sur 123) accumulaient de la biomasse. Mais au cours de la sécheresse, ce chiffre serait tombé à 51% (28 sur 55). « Autrement dit, nos données d’avant 2005 montraient que la forêt amazonienne ancienne était en pleine croissance et qu’elle stockait du carbone atmosphérique à un rythme de 0,44 tonne par hectare et par an », explique Jérôme Chave. « La nouvelle étude a permis de prouver qu’au cours de l’épisode d’anomalie atlantique, cette tendance s’est inversée : à cause du manque d’eau, les jeunes plants ont poussé plus lentement et beaucoup de vieux arbres sont morts en renvoyant une partie du carbone qu’ils stockaient dans l’atmosphère. La région est ainsi devenue cette année-là globalement émettrice en dioxyde de carbone en rejetant quelque 0,8 tonne de carbone par hectare et par an. Si les choses sont depuis revenues à la normale, cet épisode indique que la forêt amazonienne n’est pas résiliente : elle résiste mal aux chocs climatiques et elle est susceptible d’être modifiée par les changements futurs du climat. » Vahé Ter Minassian La croissance de la forêt guyanaise amazonienne est suivie en permanence par les chercheurs. 1. Science, 6 mars 2009. 2. Laboratoire CNRS/Université Toulouse-III/École nationale formation agronomique. 3. Theoretical Applied Climatology, vol. 78,pp. 137-156, 2004. CONTACT ➔ Jérôme Chave Laboratoire « Évolution et diversité biologique », Toulouse chave@cict.fr
BIOLOGIE Quand l’horloge interne gouverne le sexe du foie Entre les mâles et les femelles, il y a certes des différences anatomiques. Il existe aussi des différences biologiques plus subtiles, mais tout aussi importantes. C’est le cas des molécules qui dégradent les médicaments dans le foie, appelées « enzymes », et qui sont différentes entre mâles et femelles. Jusque-là, les biologistes ne savaient pas expliquer précisément l’origine de ces étonnantes variations. Lors d’une étude publiée en avril 1, des chercheurs CNRS de l’Institut de génomique fonctionnelle 2 de Montpellier ont levé le voile sur ce mystère : ils ont montré que le « sexe du foie » est gouverné par l’horloge interne, connue pour contrôler les rythmes biologiques du sommeil et de la vigilance. Surprenant, ce résultat soulève la question d’éventuels effets secondaires insoupçonnés chez les populations soumises à des dérégulations chroniques de l’horloge circadienne, comme les voyageurs transcontinentaux ou les travailleurs de nuit… « Notre résultat est complètement inattendu, souligne Xavier Bonnefont, initiateur de l’étude. Au départ, nous ne cherchions nullement à expliquer les différences au niveau du foie entre mâles et femelles ! En fait, nous voulions savoir pourquoi les souris particulières sur lesquelles nous travaillons avaient une taille anormalement petite. » Il s’agit là de souris mâles spéciales que le chercheur a rapportées en 2003 de son stage postdoctoral à l’université de Rotterdam, aux Pays- DICTIONNAIRE Le français du XVIII e siècle en ligne Après pas moins de quinze années de travail, trois laboratoires 1 viennent de mettre en ligne 2 le Dictionnaire critique de la langue française, de Jean- François Féraud (1725-1807). « Cet ouvrage, publié pour la première fois en 1787-1788, constitue une contribution majeure à la connaissance de la langue de l’époque », s’enthousiasme le chercheur Philippe Caron, membre associé du laboratoire « Lexiques, dictionnaires, informatique » (LDI) et coordinateur de ce projet. Juste avant la Révolution, à une époque où les dictionnaires étaient encore très peu développés dans leur traitement de l’information, Féraud, prêtre jésuite, se distingue par ses audaces. « Entre autres innovations, il introduit jusqu’à deux numérotations pour signifier, au sein d’un même article, le passage d’une acception d’un mot à la suivante. Il signale même, par des signes cabalistiques, l’ampleur du changement de sens ! Son dictionnaire comprend aussi de nombreuses observations sur les synonymes et des indications de prononciation, quasi systématiques, qui, pour la première fois, figurent entre crochets, comme aujourd’hui. » Remarquablement à jour, les entrées du dictionnaire ouvrent à des définitions très précises, sources d’information historique. « On y trouve par exemple une définition de l’aérostat, premier nom donné au ballon inventé en 1783 par les frères Montgolfier. » Enfin, l’auteur propose une simplification considérable de l’orthographe. « Pour la tester, il rédige ses articles de manière « réformée », mais laisse les citations dans leur état d’origine. Cela permet d’apprécier les changements proposés, dont beaucoup sont assez pertinents. » Tenu en haute estime par les linguistes, ce dictionnaire était peu disponible avant 1994. « Nous l’avons alors fait rééditer en version papier 3 puis, en 1995, nous nous sommes attelés à sa mise en ligne. » Le langage informatique XML rend possible des recherches limitées aux exemples, à la prononciation ou encore à certains types d’articles. On peut aussi naviguer depuis le « Féraud » vers deux autres dictionnaires, en Bas : des souris modifiées génétiquement, dont les gènes impliqués dans le fonctionnement de l’horloge circadienne, baptisés « cryptochromes 1 et 2 » ou « Cry1 » et « Cry2 », ont été éteints. Afin de s’expliquer la petite taille de ces rongeurs, les chercheurs ont commencé par soupçonner un trouble dans la libération d’une substance permettant la croissance : l’ « hormone de croissance ». Problème : impossible d’évaluer les variations du taux de cette hormone dans quelques millilitres de sang d’une souris. Les scientifiques ont donc tenté d’évaluer un autre paramètre gouverné par l’hormone de croissance : la nature des enzymes dans leur foie ! Et surprise, il est apparu que les souris mâles avec ligne sur la même base 4. Le supplément manuscrit, jamais publié, est également accessible. Il a été scanné et restauré numériquement avant sa mise en ligne. Le « Féraud », disponible gratuitement, constitue une ressource précieuse pour qui s’intéresse à la langue française : chercheurs, enseignants, étudiants… « De ses ressources phonétiques, on peut notamment tirer d’intéressantes informations sur la prononciation de l’époque, ajoute Philippe Caron. Cela peut permettre aux artistes d’interpréter plus fidèlement le théâtre de Marivaux, ou les opéras de Rameau. » Marie Lescroart 1. « Analyse et traitement informatique de la langue française » (Atilf, CNRS/Universités Nancy-I et II/Université Metz), « Lexiques, dictionnaires, informatique » (LDI, CNRS/Universités de Paris-XIII et de Cergy-Pontoise), et « Unité mixte de service maison des sciences de l’homme et de la société de Poitiers » (CNRS/Université de Poitiers). 2. www.cnrtl.fr/dictionnaires/anciens/feraud 3. Éditions Niemeyer, Tübingen, Allemagne. 4. Dictionnaire de l’Académie française, édition de 1762 et Trésor de la langue française informatisé, dictionnaire de langue des XIX e et XX e siècles. © Marchaudon/CNRS VIEDESLABOS 9 une horloge interne désactivée possédaient deux des enzymes existant normalement chez la femelle ! « Via cette étude, nous avons mis en évidence que les gènes Cry1 et Cry2 sont aussi des déterminants génétiques des différences sexuelles dans le foie des mammifères », précise Xavier Bonnefont. Kheira Bettayeb 1. The Journal of Biological Chemistry, 3 avril 2009,pp. 9066-9073. 2. Institut CNRS/Inserm/Universités Montpellier-I et II. CONTACT ➔ Xavier Bonnefont Institut de génomique fonctionnelle, Montpellier xavier.bonnefont@igf.cnrs.fr L’outil numérique a permis de rendre accessible un supplément manuscrit de 700 pages, qui n’avait jamais été publié. CONTACT ➔ Philippe Caron Laboratoire « Lexiques, dictionnaires, informatique », Villetaneuse philippe.caron@univ-poitiers.fr Le journal du CNRS n°233 juin 2009



Autres parutions de ce magazine  voir tous les numéros


Liens vers cette page
Couverture seule :


Couverture avec texte parution au-dessus :


Couverture avec texte parution en dessous :