36 HORIZON Ils ont choisi la France et le CNRS Chrétien Moonen Guerre ouverte contre le cancer BRÈVE Et un GDRE de plus ! Le journal du CNRS n°233 juin 2009 Les groupements de recherche européens (GDRE), ces réseaux qui regroupent pour quatre ans des laboratoires publics autour d’un thème, comptent un nouveau venu : un GDRE entièrement consacré à l’Europe. Baptisé « Espace et temps de la construction européenne » (ETCE), il réunit des laboratoires de six pays de l’Union européenne (France, Allemagne, Italie, Belgique, Espagne, Grande-Bretagne). Son but : continuer d’approfondir l’histoire transnationale de la construction européenne, en se penchant, par exemple, sur la transition d’une Europe économique vers une Europe politique entre 1970 et 1980 ou sur les interactions entre les institutions communautaires, les partis politiques et les opinions publiques. Comme tous les GDRE, celui-ci s’efforcera de faciliter et d’encourager les contacts et les échanges entre chercheurs, et il assurera un soutien à la coordination des activités scientifiques. > Pour en savoir plus : https:Ildri-dae.cnrs-dir.fr © F. Vrignaud/CNRS Photothèque Curieux de tout et ouvert d’esprit. Ses collaborateurs peuvent en attester, Chrétien « Chrit » Moonen n’a rien d’un grand professeur enfermé dans sa tour d’ivoire. Le chercheur hollandais est polyglotte ; il parle néerlandais, français, anglais et allemand. Né il y a cinquante-trois ans dans la région de Maastricht, Chrit Moonen a grandi dans une ferme. Il concède que peut-être inconsciemment c’est ce qui l’a mené à choisir, au début de ses études, l’université agricole. Mais la raison la plus forte était l’envie d’étudier les trois domaines qui le passionnaient le plus : la chimie, la physique et la biologie. On l’aura compris, la science est son terrain d’action. Mais contrairement à d’autres chercheurs, Chrit Moonen a un besoin presque viscéral de voir mis en application le résultat de ses recherches. « La recherche fondamentale, c’est bien, mais l’essentiel c’est l’application clinique », rappelle-t-il. Cela explique d’ailleurs qu’il ait toujours cherché à associer les médecins à ses travaux sur l’imagerie par résonance magnétique (IRM), comme le docteur Hervé Trillaud, qui planche avec lui, depuis dix ans, sur le pilotage en temps réel par IRM de plusieurs technologies non invasives destinées à combattre le cancer. Radiologue à l’hôpital Saint-André de Bordeaux, il ajoute même que Chrit Moonen « est malheureux quand il ne voit pas assez souvent les médecins dans son laboratoire ». Après une année marquante à l’École polytechnique de Zürich, où il étudie dans les laboratoires des futurs Prix Nobel Richard Ernst 1 et Kurt Wüthrich 2, c’est en 1983, l’année de sa thèse, effectuée sur la structure des protéines, qu’il oriente ses recherches vers une application médicale. À l’époque, l’une des principales méthodes utilisées pour étudier la structure des protéines fait appel à la résonance magnétique nucléaire. Et lorsque l’imagerie par résonance magnétique, qui bouleverse la radiologie, est mise au point, Chrit Moonen est fasciné. Quelques années plus tard, à seulement 31 ans, il est embauché aux États-Unis pour diriger le centre de recherche IRM au National Institute of Health (NIH) de Washington. De ce long séjour de l’autre côté de l’Atlantique, il conserve un très bon souvenir. « Peu de paperasse, pas de demandes de fonds, et un matériel de pointe… le paradis pour un chercheur », se souvient-il. Mais le chercheur pense au bien-être de ses enfants, et décide, avec son épouse française, de rentrer en Europe. « Nous ne voulions pas que nos enfants aient à déménager sans cesse pendant leur adolescence. Comme nous sommes quand même culturellement plus européens, nous avons cherché de ce côté-ci de l’Atlantique. » Il arrive à Bordeaux en 1996, où il intègre le CNRS, dont il apprécie le grand atout : offrir des postes « entièrement dédiés à la recherche ». Il se consacre donc à plein temps à la mise au point d’une thérapie mini-invasive qui utilise l’ultrason focalisé et guidé par IRM. Et toute l’équipe de son laboratoire interdisciplinaire, qui associe physiciens, informaticiens et biologistes, est récompensée par le prix de l’Oise 2006, qui couronne ce travail minutieux de lutte contre la maladie, soutenu depuis dix ans par la Ligue contre le cancer. L’appareil mis au point par le laboratoire de Chrit Moonen et fabriqué par Philips est à présent en phase d’étude clinique à l’hôpital Saint-André de Bordeaux, dans le service d’Hervé Trillaud. « Cette machine fait l’objet d’un protocole de recherche clinique depuis juin 2008. Nous avons traité près de dix patientes pour fibrome utérin », indique le médecin. Une première étape avant de traiter les cancers du sein, du rein et peutêtre du foie. Le souhait le plus profond du chercheur et sa plus grande source de motivation. Dominique Salomon 1. Prix Nobel de chimie en 1991 pour sa contribution au développement de la spectroscopie multidimensionelle par résonance magnétique nucléaire. 2. Prix Nobel de chimie en 2002 pour son travail sur l’utilisation de la résonance magnétique nucléaire multidimensionnelle pour l’étude de la structure des protéines. CONTACT ➔ Chrétien Moonen Laboratoire « Imagerie moléculaire et fonctionnelle : de la physiologie à la thérapie », Bordeaux chrit@imf.u-bordeaux2.fr |