34 CONSORTIUM Un séquençage exhaustif du génome de tous les micro-organismes du sol ? « Il y a quelques années, un tel projet était totalement inenvisageable, en raison de l’ampleur de la tâche. Les progrès en microbiologie, séquençage, robotique et bio-informatique le rendent aujourd’hui réalisable », analyse Pascal Simonet, co-animateur de l’équipe « Génomique microbienne environnementale » au sein du laboratoire Ampère 1. Le défi, cependant, reste de taille, et seule une action internationale permettra de le mener à bien. En décembre 2008, le consortium international pour la métagénomique 2 du sol, Terragenome, a donc été inauguré. Coordonnée par les chercheurs du laboratoire Ampère, cette structure informelle a notamment © P.Simonet INSITU Explorer la biodiversité génétique du sol Le consortium international Terragenome, animé par une équipe française, fédère les efforts de recherche afin d’aboutir au séquençage complet du génome de tous les micro-organismes du sol. Un défi colossal à relever, qui ouvre d’innombrables perspectives. Le sol de la parcelle « Park-grass », située sur la station expérimentale de Rothamsted, au Royaume Uni, a été choisi comme référence en vue d’établir le séquençage le plus exhaustif possible du génome des différents micro-organismes d’un sol, objet notamment du projet international Terragenome. Le journal du CNRS n°233 juin 2009 une vocation d’appui aux scientifiques étrangers, afin qu’ils obtiennent les moyens de coopérer au projet français Metasoil 3, première étape de « l’aventure scientifique » de ce séquençage. Ce dernier représente le plus vaste réservoir planétaire de biodiversité. « Les bactéries et autres champignons qu’il recèle présentent un rôle capital dans le fonctionnement de notre biosphère », rappelle Pascal Simonet. En outre, les enzymes produites et les composés issus de leur métabolisme secondaire ont un intérêt industriel et pharmaceutique considérable. « Actuellement, 70% des antibiotiques présents sur le marché sont issus de bactéries du sol », précise le scientifique. « Mais ils proviennent d’une infime fraction de la biodiversité bactérienne totale ! Le reste, encore inexploré, constitue un réservoir quasi inépuisable de nouvelles molécules bioactives, dépassant largement ce qui pourra jamais être synthétisé. » En moyenne, chaque gramme de sol renferme un milliard de cellules bactériennes, mais il est encore impossible de définir le nombre d’espèces présentes. « Les difficultés à étudier, donc les freins à l’exploitation de la biodiversité de ce milieu ont plusieurs causes. D’une part moins de 1% de ces micro-organismes peuvent être cultivés in vitro, d’autre part, le sol est complexe et hétérogène : des zones s’apparentent à des mégalopoles surpeuplées et peu accessibles à l’investigation, et d’autres sont de véritables déserts microbiens. En outre, la plupart de ces espèces ne comprennent que quelques individus. » Pour appréhender la biodiversité bactérienne du sol, l’approche métagénomique a donc été choisie. Elle consiste à isoler directement l’ADN des bactéries, sans chercher à les individualiser sur des milieux de culture. « Une fois extrait et purifié, l’ADN global peut être analysé par différentes techniques. L’une d’elles consiste à utiliser directement l’ADN extrait pour réaliser la séquence d’un très grand nombre de petits fragments, ce qui © BSIP/SCIMAT Le sol renferme de très nombreuses bactéries, comme celles qui fixent l’azote pour le compte des plantes, à l’instar de Rhizobium leguminosarum (ci-dessus) et Sinorhizobium meliloti (ci-contre). permet d’obtenir un premier catalogue des gènes présents dans la communauté bactérienne. Une autre approche, plus aboutie, consiste, avant séquençage, à construire une banque d’ADN métagénomique, en réalisant dans des clones de la bactérie Escherichia coli une très vaste collection de fragments d’ADN comportant chacun une quarantaine de gènes (40 kilobases). Le séquençage de ces gros fragments d’ADN sera plus informatif que le simple catalogage des gènes. On pourra par exemple comprendre comment ils interagissent entre eux. » Lancé en janvier dernier, le projet Metasoil porte sur l’analyse du contenu du sol de l’une des plus anciennes stations agronomiques du monde, Rothamsted, en Angleterre. Une grande quantité d’informations sont disponibles sur ce sol : conditions climatiques, cultures réalisées, traitements appliqués… depuis plus de 150 ans. « Afin d’accroître l’accès à la biodiversité bactérienne de ce sol témoin, notre méthode d’échantillonnage prévoit une vingtaine de prélèvements répartis sur différentes périodes de l’année. Déjà, le séquençage des premières molécules d’ADN métagénomique extraites de Rothamsted est en cours, et le premier million de clones sera produit d’ici à la fin 2009 », précise Pascal Simonet. Fort des résultats de Métasoil, Terragenome pourra donc prendre son envol. Et dans le cadre de ce consortium, les ressources biologiques de Rothamsted seront mises à disposition de la communauté scientifique internationale, chargée de compléter le séquençage et l’analyse des deux millions de clones de la banque d’ADN Metasoil. « Deux laboratoires américains ont déjà déposé des demandes auprès de leurs organismes de financement pour collaborer à notre projet », se réjouit Pascal Simonet. Les travaux réalisés sur ce sol de référence ouvriront la voie à des investigations sur d’autres écosystèmes telluriques, permettant par exemple d’appréhender les mécanismes bactériens d’adaptation et d’évolution, et de complé- © BSIP/PHOTOTAKE/C.B.S. |