CNRS Le Journal n°233 juin 2009
CNRS Le Journal n°233 juin 2009
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°233 de juin 2009

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 5,4 Mo

  • Dans ce numéro : La bioéthique en débat

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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30 ZOOM 9 Décembre 1887, les quatre pieds de la tour ont pris forme. Avant que la construction du premier étage assure la stabilité de l’ensemble, ils sont soutenus par des échafaudages. À l’intérieur, Eiffel eut l’idée de placer des boîtes remplies de sable, comme on le faisait dans l’Égypte antique. Vider un peu de sable abaissait légèrement tout un pied et permettait notamment de les ajuster tous à la même hauteur. Un décalage de quelques millimètres à peine aurait en effet empêché les rivets de rentrer dans les trous des plaques à assembler par la suite. 10 Soufflerie aérodynamique qui fut installée rue Boileau, à Paris, en 1912. Eiffel, après avoir quitté sa société de construction, entama une véritable carrière de chercheur. Il a conçu ce modèle au rendement amélioré. 11 De nombreuses expériences d’aérodynamique comme celle-ci furent menées à la tour Eiffel à partir de 1903. L’ingénieur mesura par exemple la résistance offerte par l’air à la chute d’objets depuis le 2 e étage, à 115 mètres d’altitude. DR 12 Inauguration de la station radio de la tour Eiffel en 1922 par Sacha Guitry (au micro), Yvonne Printemps et le général Ferrié. Transformée en gigantesque antenne, qui a d’abord servi aux communications militaires, la tour trouve une nouvelle raison de résister à sa destruction programmée… 12 Le journal du CNRS n°233 juin 2009 © Collection Tour Eiffel 9 > des contraintes et de la forme des structures, inventées par Claude-Louis Navier en 1821, sont maintenant appliquées couramment. « La forme des poutres et des édifices est calculée afin d’optimiser leur résistance tout en les allégeant », souligne Bertrand Lemoine. Les constructions sont de plus en plus ajourées. Et l’on peut les bâtir de plus en plus grandes et hautes sans craindre qu’elles ne s’affaissent sous leur poids ou ne cassent sous le vent. Parmi la nouvelle génération de constructeurs, L’épopée tour Eiffel, du 15 mai au 31 décembre, au 1 er étage de la tour Eiffel. Gustave Eiffel, le magicien du fer, du 6 mai au 31 août, à l’hôtel de ville de Paris (entrée gratuite) Eiffel remporte de nombreux contrats grâce à des innovations scientifiques qui réduisent les devis. « Par exemple, pour le viaduc de Porto, au Portugal, il propose de soutenir avec des câbles les deux arcs qui doivent de se rejoindre pour former le pont », explique Bertrand Lemoine. Résultat : pas besoin de construire de coûteux échafaudages dans la rivière ! Viaduc de Garabit, en France, structure interne de la statue de la Liberté de New York, Eiffel enchaîne les chantiers. Et va bientôt réaliser l’œuvre de sa vie. « Pour l’exposition universelle de 1889, anniversaire de la Révolution, la France veut faire les choses en grand. » L’idée d’une tour est dans l’air. On veut dépasser tous les édifices jamais construits, en particulier l’obélisque de Washington, qui culmine à 169 mètres. Deux ingénieurs de l’entreprise Eiffel, Émile Nouguier et Maurice Koechlin, conçoivent une « tour de 300 mètres ». Peu intéressé au départ, mais séduit après les embellissements ajoutés par l’architecte Stephen Sauvestre, Eiffel dépose un brevet 2. La tour remporte le 3 e prix du concours d’architecture de l’Exposition. Puis, à coup de publicité dans la presse et de conférences, il apporte ➔ DEUX EXPOS À NE PAS RATER ! 10 © Laboratoire aérodynamique Eiffel/CSTB/J-M.Seguin/Photo de Presse encore plus de crédibilité à son projet et signe une convention avec le gouvernement : financée en partie sur les propres deniers d’Eiffel, la tour sera construite ! « Les travaux, débutés en janvier 1887, s’achèveront en seulement vingt-six mois ! », souligne Bertrand Lemoine. Et la tour va émerveiller deux millions de spectateurs durant les six mois de l’exposition. Et ensuite ? « Elle devait être démontée au bout de vingt ans, à l’issue de la concession sur le terrain accordée par la ville de Paris. Mais Eiffel la sauva en montrant son intérêt scientifique, en tant que support d’antenne de radio ou pour réaliser différentes expériences, notamment en aérodynamique. D’ailleurs, quand il se retire des affaires à 61 ans, Eiffel poursuit une carrière de chercheur jusqu’à… ses 88 ans ! », rappelle l’architecte. « Il y aurait encore beaucoup à dire. Pour en savoir plus, venez voir les expositions… » Charline Zeitoun ➔ À lire La Tour de Monsieur Eiffel, Bertrand Lemoine, Découvertes Gallimard, 1989 La tour de 300 mètres, Bertrand Lemoine, Taschen, 2006 1. Centre André Chastel (CNRS/Université Paris-IV/Ministère de la Culture et et de la Communication). 2. Brevet déposé aux noms Eiffel, Nouguier et Koechlin, et que Eiffel rachètera plus tard à ses deux ingénieurs. CONTACT ➔ Bertrand Lemoine Centre André Chastel, Paris cedam@noos.fr 11 © Collection Tour Eiffel
Yvon Le Maho Physiologiste Défenseur de la biodiversité © P.Disdier/CNRS Yvon Le Maho désigne une chaise au milieu des cartons qui s’entassent dans son bureau. « J’aime bien un bureau nickel, précise-t-il. Mais j’ai dû libérer la pièce occupée par mes archives. Et depuis mon retour d’Antarctique, en décembre dernier, je n’ai pas eu le temps de ranger. » Sans détour, le spécialiste des mécanismes adaptatifs des animaux aux contraintes environnementales attaque sur les dernières publications du Conseil scientifique du patrimoine naturel et de la biodiversité. Il préside ce comité placé auprès du ministre de l’Écologie, du Développement et de l’Aménagement durable. « Elles sont distribuées aux élus… On peut commencer par ça si vous voulez ? » Une seconde, le scientifique hésite. Il a besoin d’une minute pour acheter en urgence un billet d’avion sur Internet, afin de se rendre à une réunion de l’Académie européenne, à Berlin, dans quelques jours. Ce physiologiste, lorsqu’il n’étudie pas les manchots en terre Adélie, a l’oreille des politiques à Paris ou participe aux travaux du Conseil scientifique de la Fondation Nicolas Hulot. La raison de cette suractivité est une évidence : « Il s’agit de préparer l’avenir. » Or celui de la biodiversité est en péril. La multiplication des casquettes n’est donc qu’une façon de poursuivre le même but par des moyens différents. Stéphane Blanc, qui a récemment pris sa succession à la direction du département « Écologie, physiologie, éthologie » de l’IPHC 1, résume ainsi son mentor : « Sur la base d’une argumentation scientifique solide, Yvon est capable d’exprimer ses préoccupations environnementales d’une façon compréhensible par tous. C’est donc tout naturellement que le scientifique et le politique s’articulent chez lui. » Le rapport qu’il remet en juin 2008 au gouvernement sur le maïs OGM Mon 810 en est l’illustration : « Avant de connaître le dossier, j’étais plutôt pour les OGM, confie-t-il. Mais j’ai été frappé par l’insuffisance des études d’impact. » Ainsi, qu’il s’enthousiasme pour les premiers résultats du Grenelle de l’environnement ou qu’il fustige ceux qui, y compris dans le milieu scientifique, font peu de cas de la biodiversité, Yvon Le Maho ne se voit pas en militant. « Mon rôle est d’apporter des arguments scientifiques. Aux politiques de prendre ensuite les décisions. » Et de fait, il est avant tout un chercheur de renommée mondiale, connu pour avoir été l’un des premiers à équiper de transpondeurs (ou puces électroniques) des animaux pour le suivi de leurs évolutions. Cette passion pour les animaux, plus précisément pour les oiseaux, remonte à l’enfance, alors qu’il visite un parc ornithologique avec ses parents. Après un bac littéraire, le futur académicien entame donc des études de sciences naturelles, mais bifurque rapidement vers la physiologie, qu’il juge moins descriptive. « J’étais passionné par l’étude des mécanismes, quoique un peu triste à l’idée de me tourner vers une discipline de laboratoire, car j’aimais les animaux dans leur milieu naturel. » Mais à la fin des années 1970, au moment de choisir un sujet de doctorat, Yvon Le Maho découvre qu’un scientifique d’origine norvégienne a sorti la physiologie du laboratoire pour l’étudier sur des animaux sauvages. Sa rencontre avec Jean Dorst, ancien directeur du Muséum national d’histoire naturelle, fait le reste. Les manchots Adélie deviendront son sujet de prédilection. C’est à leur contact qu’il contribue à jeter les bases de la physiologie contemporaine, lui appliquant aussi bien les outils de la biologie cellulaire que de la chimie ou de la physique. « En Antarctique, nous sommes en contact avec des cher- RENCONTREAVEC 31 « Mon rôle est d’apporter des arguments scientifiques. Aux politiques de prendre ensuite les décisions. » cheurs de toutes disciplines. Je me suis alors dit qu’on ne pouvait pas en rester à une physiologie de grandpapa », se souvient-il. Cette démarche pluridisciplinaire trouve notamment un aboutissement en 2006, lorsque Yvon Le Maho cofonde l’Institut pluridisciplinaire Hubert Curien, regroupant des physiciens, des chimistes, et des biologistes. Sa casquette de « lanceur d’alerte » lui vient aussi de ses études sur le terrain : « Par notre activité de recherche, nous sommes aux premières loges pour constater les méfaits de l’action de l’homme sur les écosystèmes. Comment, après, ne pas s’impliquer ? » Un rôle qu’il doit également à son tempérament bien trempé, l’incitant à dire ce qu’il pense, au risque de déplaire. « C’est une question de responsabilité vis-à-vis des générations futures. » Cela suffira-t-il pour préserver la biodiversité ? Le scientifique est inquiet : « Il reste encore beaucoup de travail à faire pour que la réduction de la biodiversité soit considérée avec le même sérieux que le changement climatique. » Pour autant, Yvon Le Maho ajoute : « Sans le pacte écologique de la dernière présidentielle et le Grenelle de l’environnement, je serais probablement sans espoir. » Mathieu Grousson 1. Institut CNRS/Université Strasbourg-I. CONTACT ➔ Yvon Le Maho Institut pluridisciplinaire Hubert Curien (IPHC), Strasbourg yvon.lemaho@c-strasbourg.fr Le journal du CNRS n°233 juin 2009



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