CNRS Le Journal n°233 juin 2009
CNRS Le Journal n°233 juin 2009
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°233 de juin 2009

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 5,4 Mo

  • Dans ce numéro : La bioéthique en débat

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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26 > L’ENQUÊTE des maladies comme le diabète ou les pathologies cardio-vasculaires. Mais ces biobanques sont également au cœur d’enjeux considérables, en termes de qualité (la validité des résultats des recherches dépend de la qualité des échantillons biologiques et des données qui leur sont associées) et en termes financiers. Elles se situent à la charnière entre des patients qui donnent sur une base altruiste, et des chercheurs, médecins, hôpitaux, entreprises, qui utilisent ces dons et peuvent en tirer profit, parfois au sens économique du terme. Avec dans ce cas, tous Autogreffe ou greffe autologue caractérisée par l’utilisation d’un greffon (partie de tissu ou d’organe) prélevé sur le sujet lui-même. Allogreffe le donneur et le receveur font partie de la même espèce biologique mais sont génétiquement différents. Dans ce cas, la greffe s’accompagne d’un traitement immunosuppresseur pour prévenir les rejets. les risques éthiques que cela comporte. Par exemple, comment être sûr que les données personnelles recueillies ne soient pas revendues aux banquiers, assureurs et employeurs ? À l’étranger, des sociétés privées proposent de conserver moyennant finances le sang du cordon ombilical de nouveau-nés dans l’éventualité d’une future autogreffe. Le cordon contient des cellules souches du sang 1 qui permettent de soigner des maladies graves comme la leucémie. En France, le don de sang de cordon se fait seulement à titre gratuit et anonyme dans des banques publiques où il est disponible pour tous. Mais actuellement, ces unités sont insuffisantes pour couvrir les besoins. Et la France doit importer du sang de cordon, ce qui lui coûte plus cher que de le conserver. Faut-il instaurer des banques privées ? « Soyons clairs, faire sa propre réserve dans son coin est contraire au principe de solidarité très cher à la France, explique Christine Noiville, de l’Unité mixte de recherche en droit comparé 2. À l’inverse, on peut envisager d’accepter les banques à finalité autologue si on en fait un levier d’enrichissement des banques publiques, actuellement trop peu fournies en sang de cordon. » Comme en Espagne, où l’on peut conserver le sang de cordon pour une autogreffe ou une greffe familiale (le plus souvent entre frère et sœur présentant des similarités génétiques), tant qu’une personne compatible n’en a pas besoin. Si c’est le cas, une partie du sang est réquisitionnée. « La course au stock personnel de sang de cordon n’a aucun fondement, s’indigne le médecin et chercheur Alain Fischer 3, spécialiste du Le journal du CNRS n°233 juin 2009 système immunitaire à l’hôpital Necker. À ce jour, rien ne prouve qu’une greffe autologue soigne mieux qu’une allogreffe. C’est comme ces tests génétiques sauvages qui se généralisent sur Internet et qui donnent l’illusion d’avoir un contrôle absolu sur sa santé. » Car les gènes n’expliquent pas tout. On peut avoir un gène de prédisposition à un cancer sans jamais le développer. Et à l’inverse, être touché par un cancer sans avoir de gène de prédisposition. Surtout, ces tests, utiles pour certaines maladies d’origine génétique, occultent les autres maladies multifactorielles : virus, bactéries, empoisonnements, parasites, accidents. « La plupart de ces tests ne sont pas validés par des autorités médicales, et les résultats, reçus directement par le patient sans accompagnement, peuvent entraîner des conséquences psychologiques et médicales graves, prévient Alain Fischer. La personne peut croire être porteuse saine de la maladie, modifier sa vie en conséquence et, en fait, ne courir aucun risque. Inversement, être rassurée, ne pas faire de contrôles et traitements préventifs, et courir de ce fait un vrai péril. » Camille Lamotte 1. Appelées cellules hématopoïétiques. 2. Unité CNRS/Université Paris-I. 3. Lauréat du grand prix Insermpour la recherche médicale 2008. CONTACTS ➔ Valérie Gateau, kjedahl@yahoo.fr ➔ Christine Noiville noiville@univ-paris1.fr ➔ Alain Fischer, fischer@necker.fr Comment les sciences Tout au long des états généraux sur la bioéthique, puis durant le débat parlementaire qui suivra, des éléments de réponse devront être apportés à l’ensemble des questions soulevées depuis 2004. Mais depuis quinze ans, le champ d’applications de la loi qui touche à la procréation et à l’intégrité de la personne n’a guère été élargi. Et pourtant, la science elle, a fait de considérables progrès qui peuvent affecter l’image même de l’homme, sa liberté, sa place dans la société. Le Comité national d’éthique, tout comme l’OPECST, évoquent tous deux l’accélération des études sur le fonctionnement du cerveau, qui « fait naître des interrogations, des inquiétudes, et surtout un besoin de débattre de l’impact de ces recherches… sur notre société craignant les manipulations et les atteintes à la vie privée et à l’autonomie de la volonté 1 ». Bien sûr, les experts s’interrogent sur les conséquences des avancées les plus récentes des neurosciences. Aujourd’hui, l’imagerie cérébrale va jusqu’à étudier le fonctionnement de la mémoire et des émotions et laisse imaginer qu’on pourra, un jour, lire dans les pensées. De même, les progrès des interfaces cerveau-ordinateur permettent d’étudier les différentes aires cérébrales à l’aide d’implants, qui
encadrer émergentes ? par ailleurs feront avancer la lutte contre certaines affections (maladie de Parkinson, surdité, cécité). Ces recherches ne figurent pas au menu de la révision des lois de bioéthique. Un oubli ? « Sûrement pas, répond Hervé Chneiweiss, directeur du Laboratoire de plasticité gliale à l’Inserm, et membre du conseil scientifique de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technlogiques (OPECST). Les textes sur la bioéthique visent à protéger l’autonomie de la personne, et notamment le caractère privé des données génétiques. De même, ils visent à encadrer l’accès à certaines pratiques médicales, comme la procréation médicalement assistée (PMA). Actuellement, les travaux sur l’imagerie et les implants relèvent de la recherche. Le public n’a pas accès à la pose d’implants cérébraux comme il a eu accès à la PMA il y a une vingtaine d’années. » « Aujourd’hui, poursuit le chercheur 2, l’information que l’on tire de l’imagerie cérébrale est le fruit de la répétition de dizaines d’expériences sur un groupe de volontaires. C’est de l’échantillonnage. L’idée qu’on puisse lire la pensée d’un individu relève encore du fantasme. » Aux États-Unis, pourtant, l’usage de l’imagerie comme détecteur de mensonges est parfois évoquée lors de procédures de justice. « À supposer qu’on en arrive là, une image cérébrale pourrait peut-être montrer que le sujet ment ou se ment à luimême, mais en aucun cas qu’il dit « la » vérité. Aujourd’hui, l’imagerie cérébrale n’est pas un élément de preuve. Mais cela arrivera forcément un jour, d’où la nécessité d’une extrême vigilance sur ce type d’instrumentalisation. » INQUIÉTUDES TECHNOLOGIQUES De nombreux débats éthiques sont engagés sur ce sujet, mais ils sont encore à l’état embryonnaire. Et un autre sujet d’inquiétude est en train d’émerger : la convergence de différents domaines scientifiques. Les nanotechnologies, les biotechnologies, les technologies de l’information et les sciences cognitives risquent bel et bien, elles aussi, de menacer l’intégrité des hommes ou celle d’autres organismes vivants. On peut citer par exemple, les efforts de synthèse d’ADN susceptibles de donner naissance à de nouveaux organismes dotés d’un génome artificiel ou la fabrication de nanomachines dotées d’intelligence collective et de la capacité de se répliquer. Autant de champs d’exploration qui transformeront profondément notre approche du monde, de la vie et de la mort. « Il serait naïf de croire qu’on puisse envisager un moratoire des recherches, ou même un encadrement réglementaire ou législatif, du moins à court terme, explique le philosophe Jean- Pierre Dupuy, fondateur du Centre de recherches en épistémologie appliquée (CREA) 3 et professeur à l’université de Stanford (États- Unis). Le mieux qu’on puisse espérer est d’accompagner la marche en avant des nanotechnologies, par une réflexion interdisciplinaire. » Pour Jean-Pierre Dupuy, les scientifiques ne pourront pas échapper à leurs responsabilités. D’où la nécessité de revoir complètement l’enseignement des sciences, dans le secondaire comme à l’université. « La réflexion sur la science doit faire partie intégrante de son apprentissage. Nous avons besoin de scientifiques moins naïfs par rapport au carcan idéologique dans lequel se trouvent souvent pris leurs programmes de recherches ; mais aussi plus conscients que leur science repose sur une série de décisions métaphysiques. Il y va de notre survie. » De son côté, le Comité national d’éthique suggère que l’on élargisse le champ de la bioéthique : « Les évolutions technologiques placent l’Homme face à l’enjeu majeur constitué par la conservation harmonieuse du vivant… », et il évoque « l’urgence d’une réflexion bioéthique appliquée à la vie dans son ensemble ». Une vaste réflexion, donc, « qui considérerait la place de l’espèce humaine dans la biodiversité en tenant compte des évolutions technologiques intervenues depuis les dernières révisions ». Cette vision globale sera sans doute ébauchée lors des prochains mois mais ne débouchera que lors des révisions suivantes des lois de bioéthique. Politiques, scientifiques, philosophes et associations ont donc bien du pain sur la planche. Denis Delbecq 1. Rapport de l’OPESCT, n°1325, Assemblée nationale, p. 223. 2. Voir le compte rendu de travaux de l’OPECST : www.senat.fr/opecst/audition_publique/cr_bioethique_2008.pdf 3. Centre CNRS/École polytechnique. CONTACTS ➔ Hervé Chneiweiss herve.chneiweiss@inserm.fr ➔ Jean-Pierre Dupuy jpdupuy@stanford.edu POUR EN SAVOIR PLUS L’ENQUÊTE 27 À LIRE > La loi de bioéthique de demain, Alain Claeys et Jean-Sébastien Vialatte, Rapport de l’OPECST, 2008. www.senat.fr/noticerap/2008/r08-107-1-notice.html > Faire vivre et laisser mourir, Dominique Memmi, éd. La Découverte, 2003. > Enfants du don, Dominique Melh, éd. Robert Laffont, 2008. > Les biobanques, Florence Bellivier et Christine Noiville, éd. Puf, coll. « Que sais-je ? », 2009. > La marque du sacré, Jean-Pierre Dupuy, éd. Carnets Nord, 2009. > Neurosciences et neuroéthique, Hervé Chneiweiss, Alvik Eds, 2006. EN LIGNE > Le comité national d’éthique, www.ccne-ethique.fr/> L’Agence de la biomédecine, www.agence-biomedecine.fr À ÉCOUTER > L’émission La tête au carré, consacrée à la bioéthique. Le 12 juin de 14h à 15h sur France Inter. Présentée par Mathieu Vidard. À VOIR > Dans la série « Science en conscience » (2002, 6 x 26 min) de J.-L. Bouvret, P.Goblot et S. Le Gall-Viliker, produite par Le Miroir, CNRS Images/media, France 5 et le SFRS : Un comité d’éthique pour quoi faire ? La santé est-elle soluble dans le marché ? A-t-on le droit de donner la mort ? Le désir d’enfant a-t-il des limites ? Que faire des embryons humains ? Qu’est-ce qui s’oppose au clonage humain ? Contact : Véronique Goret (Ventes), CNRS Images – Vidéothèque. Tél. : 01 45 07 59 69 – videotheque.vente@cnrs-bellevue.fr Le journal du CNRS n°233 juin 2009



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