CNRS Le Journal n°233 juin 2009
CNRS Le Journal n°233 juin 2009
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°233 de juin 2009

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 5,4 Mo

  • Dans ce numéro : La bioéthique en débat

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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22 > L’ENQUÊTE pas vraiment les moyens de faire son travail, et toute une frange des citoyens pour qui l’embryon est une personne à part entière. » LE STATUT DE L’EMBRYON Le statut de l’embryon – être ou chose – est le point d’achoppement dans cette affaire. Prudent, le législateur a décidé de ne pas trancher. Comme le notent les députés Alain Claeys et Jean-Sébastien Vialatte 2, « il a considéré que toute prise de position tranchée risque de déséquilibrer l’édifice qu’il a construit patiemment en s’efforçant de concilier des positions sur les plans religieux, philosophique et scientifique ». Et d’ajouter que la révision de la loi devrait se limiter à clarifier la question des recherches sur l’embryon sans modifier cette absence de véritable statut. Néanmoins, l’embryon, en tant que personne en devenir, dispose d’une certaine protection. Il ne peut être conçu que dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation. Il ne saurait être instrumentalisé et créé à des fins purement commerciales ou d’expérimentations. Et avant de pouvoir disposer des embryons excédentaires congelés, les médecins doivent interroger le couple chaque année pendant cinq ans. Souhaite-t-il poursuivre la conservation en vue de concevoir un autre enfant, donner les embryons à un couple stérile ou à la recherche, ou encore mettre fin à leur conservation ? Au final, environ 20% des embryons surnuméraires servent à la recherche. Trop peu, selon les spécialistes, compte tenu des milliers d’embryons congelés qui ne correspondent à aucun projet parental. « Le mieux serait d’adopter une position cohérente, insiste Simone Bateman, sociologue et directrice Le tribunal de Nuremberg, chargé de juger les expérimentations médicales perpétrées par les nazis, élabore des règles sur l’expérimentation humaine. Ce Code de Nuremberg, déontologie internationale, pose les premières bases de la bioéthique. Le journal du CNRS n°233 juin 2009 Réussite de la première transplantation rénale, à Boston (États-Unis). L’opération a été pratiquée entre deux vrais jumeaux. Diagnostic prénatal et préimplantatoire Le diagnostic prénatal consiste à réaliser des analyses (génétiques, enzymatiques, etc.) sur le fœtus afin de vérifier qu’il ne porte pas de maladie grave. Il peut conduire à une interruption médicale de grossesse. Le diagnostic préimplantatoire, lui, est exercé sur un embryon conçu lors d’une fécondation in vitro, avant son implantation dans l’utérus de la mère. de recherche CNRS au Centre de recherche sens, éthique et société (Cerses) 3, à Paris. Soit cette recherche est abominable sur le plan moral et on l’interdit, soit elle est intéressante et ne pose pas de graves problèmes moraux, et on l’autorise. Le plus difficile sera de se mettre d’accord sur ce qu’il faut autoriser et ce qui constitue un encadrement approprié… » UN ENJEU DU CLONAGE L’embryon et ses cellules souches soulèvent aussi le problème du clonage. En empêchant la création d’embryons à des fins de recherche, la loi française l’interdit de facto. Mais si la création d’êtres tous génétiquement identiques demeure inacceptable pour la majorité des protagonistes, il n’en va pas de même pour le clonage dit « thérapeutique ». Dans ce cas, l’embryon est conservé in vitro et ne sert qu’à obtenir des lignées de cellules souches embryonnaires. Certains plaident donc pour son autorisation, dans la mesure où il s’agit d’un outil de recherche. « Mais le clonage thérapeutique pose aussi des problèmes éthiques dont on parle peu, rappelle Simone Bateman. Pour se procurer les ovocytes humains nécessaires, il faut recruter des femmes qui acceptent de subir des stimulations ovariennes ; une procédure ni anodine ni sans conséquence pour leur fertilité future. Est-ce légitime de faire courir ces risques uniquement à des fins de recherche ? Faut-il les rémunérer ou les dédommager pour ce type de traitements très lourds ? » De récentes découvertes pourraient permettre aux parlementaires de ne pas avoir à trancher entre liberté de la recherche et respect de l’embryon. « Car on sait désormais dériver des cellules souches embryonnaires sans faire appel à l’embryon, s’enthousiasme Thierry La pilule contraceptive, commercialisée aux États-Unis à partir de 1960, est autorisée en France. Adoption de la première loi française dépénalisant le recours à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Aujourd’hui légale en Amérique du Nord et dans presque toute l’Europe, l’IVG est toujours illégale, sauf exceptions pour risques vitaux, dans presque toute l’Afrique et l’Amérique du Sud. Jaffredo. Il s’agit des cellules pluripotentes induites (dites IPS), obtenues à partir de cellules humaines adultes « reprogrammées » pour retrouver les capacités des cellules souches embryonnaires. On ne crée pas d’embryons et on ne fait pas appel à des dons d’ovocytes. Les deux objections éthiques majeures tombent. » DE DÉLICATS DIAGNOSTICS L’embryon est d’autant plus au cœur du débat que le législateur doit encore clarifier les textes sur les diagnostics prénataux (DPN) et préimplantatoires (DPI), qui servent à détecter, chez le fœtus inutero et chez l’embryon in vitro, des affections graves d’origine génétique, infectieuse ou autre. Le DPI soulève des questions spécifiques : faut-il établir une liste de maladies jugées graves et incurables pour réaliser un DPI ? Et sur quels critères ? Si l’on refuse la naissance d’enfants atteints de maladies graves, quelle place accorder aux personnes handicapées ? Pour éviter toute dérive d’eugénisme par des diagnostics de convenance personnelle, comme le choix du sexe, la loi de 2004 a limité le DPI à la recherche d’une seule maladie grave présente dans la famille. « Mais faut-il élargir son accès ?, s’interroge Simone Bateman. Le cas du diagnostic préimplantatoire pour concevoir un « bébé médicament », autorisé en 2004, suscite déjà de nombreuses controverses. » Dans ce cas, seuls sont réimplantés les embryons in vitro non atteints de maladie génétique et présentant une compatibilité immunologique avec un frère ou une sœur. Le sang de cordon ombilical du bébé peut alors servir à soigner son aîné atteint de la maladie. Or en France, sur neuf tentatives, aucune n’a encore pu aboutir à une naissance… À ce jour, une seule tentative a réussi, en Espagne. Camille Lamotte 1. Laboratoire CNRS/Université Paris-VI. 2. La loi bioéthique de demain, rapport n°1325/107 de l’OPECST. 3. Centre CNRS/Université Paris-V. Naissance de Louise Brown, en Angleterre, premier « bébééprouvette » conçu grâce à une FIV (fécondation in vitro). CONTACTS ➔ Thierry Jaffredo, thierry.jaffredo@upmc.fr, ➔ Simone Bateman simone.bateman@parisdescartes.fr 1945 1954 1967 1975 Juillet 1978 Février 1982 Février 1983 Naissance d’Amandine, premier bébé-éprouvette français. François Mitterrand, président de la République française, crée par décret le premier Comité consultatif national d’éthique (CCNE) pour les sciences de la vie et de la santé.
1994 Procréation assistée : la loi face à l’évolution des mœurs Une italienne ménopausée de 63 ans accouche d’un petit garçon conçu grâce à une FIV avec don d’ovocyte. Depuis, quelques autres femmes ménopausées en ont fait autant dans différents pays. Juillet 1994 Juillet 1996 2003 2004 Promulgation des premières lois de bioéthique en France. Dispositif inédit, les textes eux-mêmes précisent la périodicité de leur révision, tous les cinq ans, dans le but de tenir compte des constantes avancées techniques de la science. Naissance de la brebis Dolly, premier mammifère cloné, issue des travaux d’un biologiste écossais. Le premier animal, une carpe, avait été cloné dès 1963 par un embryologiste chinois. Publication de la séquence du génome humain. Grâce à elle, plus de 2 700 gènes responsables de pathologies d’origine génétique ont depuis été identifiés. La liste des maladies que l’on peut diagnostiquer grâce à des tests prénataux s’allonge. L’ENQUÊTE 23 Le 24 février 1982, naissait Amandine, premier « bébé-éprouvette » conçu en France grâce à la fécondation in vitro. Dès 1973, les techniques d’insémination artificielle au sein du couple (IAC), ou avec le sperme d’un donneur (IAD), offraient déjà une aide médicale décisive aux hommes et aux femmes dont le corps se montrait rétif à engendrer. De fait, ces trente dernières années, l’assistance médicale à la procréation (AMP) est parvenue à des prouesses en progrès constant : aujourd’hui, une naissance française sur vingt est obtenue à l’issue d’un traitement ou d’une technique médicale. Est-ce à dire que l’on peut désormais « fabriquer » des bébés à tout va ? Que des médecins complaisants satisfont aux caprices de « clients », exigeant un fils blondinet, un enfant après 60 ans, ou même un bébé sans père ? Point du tout. Ces pratiques sont sous la haute surveillance de la loi de bioéthique. D’abord, « elle définit rigoureusement ceux et celles qui pourront bénéficier de l’AMP », explicite Marie Gaille, philosophe au Cerses. Ne peuvent y prétendre que les couples de sexe différent, dont les deux membres sont vivants, en âge de procréer, mariés ou pouvant attester de deux ans de vie commune, stériles ou souffrant d’une pathologie grave qu’ils pourraient transmettre à l’enfant. Ensuite, poursuitelle, « la loi interdit la gestation pour autrui (GPA) ou les « mères porteuses », prohibe la Insémination artificielle technique qui se résume à déposer des spermatozoïdes dans l’utérus de la femme à l’aide d’une sorte de seringue. Mères porteuses méthode pratiquée notamment en cas d’infertilité féminine liée à l’absence d’utérus, ou à sa déformation. La mère porteuse met à disposition son utérus en portant un enfant conçu avec l’ovule d’une autre femme. Révision des lois de bioéthique de 1994. Le clonage humain y est enfin abordé : il est interdit sous toutes ses formes, qu’il soit reproductif ou thérapeutique. 2006 > Malgré l’interdit qui figure dans les lois de bioéthique, l’agence de biomédecine française délivre jusqu’en 2011 des dérogations à certaines équipes pour travailler sur les cellules souches embryonnaires issues d’embryons surnuméraires obtenus par FIV. Le journal du CNRS n°233 juin 2009



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