12 VIEDESLABOS Actualités BIOLOGIE CELLULAIRE La seconde jeunesse du cœur Tout au long de la vie, la plupart des tissus de l’organisme se régénèrent. Des cellules meurent et d’autres, identiques, les remplacent. Or, question régénération, le cœur a plutôt mauvaise réputation : lorsque ses cellules disparaissent naturellement ou à cause d’une maladie, elles ne sont pas remplacées. C’est du moins ce que l’on croyait jusqu’à aujourd’hui. Dans un article publié dans Science en avril 1, l’équipe de Jonas Frisén, de l’Institut Karolinska de Stockholm (Suède), en collaboration avec celle de Samuel Bernard, de l’Institut Camille Jordan (ICJ) 2, vient de montrer que les cellules musculaires cardiaques – les cardiomyocytes – se renouvellent aussi. Un résultat qui pourrait se révéler fort utile pour la mise au point de traitements de maladies du cœur et qui s’appuie sur une analyse comparative des plus originales, fondée sur le carbone 14. Explications… Durant la guerre froide, lors des différents essais nucléaires des années 1950, l’atmosphère s’est chargée en carbone 14 (14 C) radioactif. Après leur arrêt, en 1963, la radioactivité a chuté d’année en année, le carbone 14 étant progressivement incorporé dans les plantes, l’océan… À chaque année correspond donc un taux déterminé de carbone 14 dans l’atmosphère. Or, lorsqu’une cellule naît, elle synthétise de l’ADN qui intègre du carbone issu de l’environnement extérieur. En comparant le taux de carbone radioactif de l’atmosphère et celui des cellules, il est possible de déterminer en quelle année elles ont synthétisé leur ADN et donc de donner leur âge. En d’autres termes, les chercheurs ont mesuré le 14 C dans les cellules puis ont recherché l’année correspondant à ce taux. Grâce à cette comparaison, ils ont constaté que les cardiomyocytes des 13 personnes de leur étude étaient plus jeunes que leurs propriétaires. En effet, du carbone 14 était présent dans les cardiomyocytes de personnes pourtant nées avant les essais nucléaires. Et chez les individus nés juste au moment des essais, les taux de 14 C correspondaient à ceux présents dans l’atmosphère des années après la fin des explosions. Forts de ces résultats, ils en ont déduit que de l’ADN avait bien été synthétisé alors que les personnes étaient adultes, ce qui prouve le renouvellement de ces cellules cardiaques. Restait alors aux scientifiques à déterminer comment ce renouvellement se déroulait au cours de la vie. « Nous avons testé une dizaine de modèles mathématiques, indique Samuel Bernard. C’est ainsi que nous avons pu déter- Le journal du CNRS n°233 juin 2009 miner qu’à l’âge de 25 ans, 1% de ces cellules se renouvelle, tandis qu’à 75 ans, ce taux tombe à 0,45%. De fait, au cours de la vie d’un individu d’environ 75 ans, la moitié des cardiomyocytes a été renouvelée. » En revanche, de l’aveu même des chercheurs, cette étude ne permet pas d’indiquer si ces nouvelles cellules sont issues de la division de cardiomyocytes déjà existants ou de cellules souches, ces cellules indifférenciées capables de donner naissance à des cellules musculaires cardiaques. En outre, ce renouvellement reste faible, puisque « lors d’un infarctus, les lésions du cœur se cicatrisent avec du tissu fibreux et non des cardiomyocytes, ce qui diminue la capacité cardiaque, précise le mathématicien. Cependant, ces résultats ouvrent la voie à la mise au point de traitements qui accéléreront ce renouvellement physiologique et compléter ont par exemple des transplantations de cellules souches ». Des pistes thérapeutiques qui pourraient se confirmer avec les nouvelles études sur le sujet menées actuellement chez des personnes victimes de maladies cardiaques. Françoise Dupuy-Maury 1. « Evidence for cardiomyocyte renewal in humans », Science, vol. 324, n°5923, 3 avril 2009,pp. 98-102. 2. Institut CNRS/Université Lyon-I/École centrale de Lyon/Insa Lyon. CONTACT ➔ Samuel Bernard Institut Camille Jordan (ICJ), Villeurbanne bernard@math.univ-lyon1.fr BRÈVE ARCHÉOLOGIE Sur la piste des c Un traitement allégé contre la tuberculose Une molécule capable d’augmenter l’efficacité des traitements contre les formes du bacille de la tuberculose résistantes aux antibiotiques a été mise au point par une équipe de chercheurs de l’Inserm, de l’Institut Pasteur de Bruxelles et de l’Institut de biologie de Lille 1. Chaque année, dix millions de personnes sont touchées par la tuberculose. Il existe bien des traitements antibiotiques mais leur mauvaise observance, liée notamment à des effets indésirables, entraîne l’apparition de résistances. Un autre traitement est alors possible, mais il s’avère encore plus toxique pour l’organisme et provoque hépatites, troubles neurologiques et intolérances digestives sévères. Les scientifiques ont donc adopté une approche inédite : réduire les doses d’antibiotiques en améliorant leur rendement. La substance synthétisée, nommée BDM31343, augmente la production d’une enzyme bactérienne nécessaire à l’activation de l’antibiotique : le bacille devient hypersensible au traitement. Le résultat est probant. Chez la souris, la dose de médicament suffisante à la guérison est divisée par trois en présence de cette molécule 2 et elle ne pose plus de problème de toxicité pour l’organisme. Les premiers essais chez l’homme sont attendus à l’horizon 2012. 1. Laboratoire CNRS/Universités de Lille-I et II/Institut Pasteur. 2. Nature Medicine 15,pp. 537-544, 2009. ➔ Pour en savoir plus : www.nature.com/nm/journal/v15/n5/abs/nm.1950.html © Direction Générale des Antiquités et des musées de Syrie. Estampage relevé sur le site de Basufan. Il est réalisé à partir d'un "papier buvard" mouillé. |