38 GUIDE Livres 3 questions à… Olivier Galland Les jeunes français ont-ils raison d’avoir peur ? Éd. Armand Colin, avril 2009, 158 p. – 18 € Olivier Galland est sociologue, directeur de recherche au Groupe d’étude des méthodes de l’analyse sociologique (Gremas, CNRS/Université Paris-IV). Métaphysiciens, anthropologues, prêtres, neurologues, juristes, chirurgiens parlent-ils tous de la même chose quand ils parlent de la « personne » ? Ce volume 52 de la revue Terrain se consacre à l’ « union d’un esprit et d’un corps formant un individu possédant des droits et des devoirs fixés par la loi », c’est-à-dire à la personne – et à ses troubles. Différents spécialistes internationaux croisent ici leurs points de vue sur les troubles dits de la personnalité multiple, sur le concept de personne dans le champ psychiatrique (à l’hôpital et dans les groupes d’entraide mutuelle). Les articles abordent les xénogreffes et ses conséquences sur la personne, ou encore le jeu de rôle World of Warcraft (WoW), où le spectateur est à la fois l’utilisateur et une personne morale agissant dans le monde virtuel par le biais de son propre personnage. Le journal du CNRS n°232 mai 2009 Être une personne Vous dressez, dans cet essai incisif, un constat inquiétant sur la représentation que se font les jeunes français de leur avenir : de quoi ontils peur ? On voit, d’abord, un sentiment général de crainte vis-à-vis de l’avenir, qui s’exprime à travers un certain nombre d’enquêtes. Par exemple, celle, récente, de la Fondation pour l’innovation politique, montrait un extraordinaire pessimisme des jeunes français à l’égard de l’avenir. Le contraste est saisissant avec l’optimisme d’autres jeunes, européens ou américains. Au-delà de ce constat, j’essaie de comprendre les causes de ce pessimisme. Des causes connues relèvent de discriminations économiques dont souffrent les jeunes français sur le marché de l’emploi notamment ; d’autres sont de nature plus politique – la sous-représentation des jeunes dans les corps intermédiaires, syndicats, associations, partis politiques – et l’absence en France d’une véritable politique de jeunesse… Ces causes sont sérieuses, évidemment, mais mon sentiment est qu’elles n’expliquent pas tout et, surtout, le principal – ce qui ressort aussi des enquêtes –, une sorte de fatalisme des jeunes français, comme s’ils avaient le sentiment de n’avoir aucune maîtrise sur leur destin personnel. Et c’est là qu’une autre interprétation s’impose, liée à la façon dont on conçoit la formation des jeunes dans notre pays. Cette conception repose sur l’idée de méritocratie, dont la spécificité française est ce qu’on appelle l’ « élitisme républicain », c’est-à-dire la sélection des « meilleurs » : tout le système est conçu autour de cette obsession du classement scolaire qui va départager les « vainqueurs » et les « vaincus » de la « compétition ». Terrain, n°52, éd. MSH/Ministère de la Culture et de la Communication, mars 2009, 174 p. – 16 € Il y a, pourtant, un paradoxe : les jeunes semblent réticents à accepter des réformes d’un système éducatif qui ne les favorise pas… Effectivement, depuis une vingtaine d’années, les jeunes ont refusé presque toujours les réformes du système éducatif, de quelque bord politique qu’elles viennent, ceci au nom de principes égalitaires, bien que cette égalité formelle ne vaut plus du tout du fait de ce fonctionnement extrêmement élitiste. Alors, pourquoi les jeunes adoptent-ils ce comportement ? Il y a d’abord, sans doute, l’incapacité des hommes politiques à expliquer et à justifier les réformes qu’ils proposent : ils ont peur des jeunes et essaient de faire passer les réformes à la sauvette ou de manière plus ou moins subreptice, ce qui ne fait qu’accroître la défiance. Dans cette opacité, les différentes catégories de jeunes croient connaître les avantages dont ils disposent et leur réflexe est, généralement, « mieux vaut tenir que courir » : ils préfèrent préserver un système, même insatisfaisant, plutôt que de courir le risque d’un changement dont Petites leçons de physique dans les jardins de Paris ils ne perçoivent pas assez clairement les avantages collectifs. Comment améliorer les choses ? L’essentiel est de parvenir à redonner confiance à la jeunesse, confiance en elle-même et dans la société. La création du Haut Commissariat à la jeunesse est une bonne nouvelle qui inaugure peut-être la mise en œuvre d’une véritable politique de jeunesse. En tant que spécialiste de la transition vers l’âge adulte, je peux dire qu’il y a, en effet, besoin d’une véritable politique publique d’accompagnement de cette transition, sans paternalisme, mais en donnant aux jeunes les ressources notamment en matière d’information, dans tous les aspects interdépendants de leur vie – formation, emploi, logement, santé, loisirs, voyages, etc. Il faut aussi enclencher dans le système éducatif une véritable pédagogie de la réussite, en insistant un peu sur les « principes égalitaires » et en considérant que chacun peut et doit réussir à son niveau et trouver sa voie d’excellence. Pour finir, je dirai qu’il faut réconcilier la société française avec sa jeunesse afin de faire surgir le dynamisme que celle-ci porte en elle : la jeunesse n’est pas seulement un problème, elle est aussi une ressource. Propos recueillis par Léa Monteverdi Hans Christian von Baeyer, préf. Georges Charpak, trad. Julien Randon-Furling, ill. Lili von Baeyer, éd. Dunod, mars 2009, 192 p. – 15 € « … Ce livre est écrit par un scientifique de haute culture doublé d’un amoureux de Paris » (Georges Charpak). Du Champ de Mars au Jardin des plantes, du parc Montsouris au jardin du Luxembourg, le grand scientifique américain Hans Christian von Baeyer propose une balade d’initiation à la physique dans un Paris, le lecteur le devine, qu’il connaît bien. Style raffiné et illustrations peu bavardes rendent sensibles ces promenades réflexives où se marient avec bonheur gravitation universelle et va-et-vient d’une balançoire. |