30 © Photos : Programme TA KEO/LGPE GEOLAB 10 13 ZOOM 11 10 L’éponge de contact est une technique mise au point par des conservateurs de Florence, qui permet d’évaluer la perméabilité de la pierre. Si l’eau – principal vecteur d’altération – reste en surface, dans l’éponge, c’est que la roche est en bonne santé. 11 Les capteurs de température et d’humidité permettent de définir le niveau de stress climatique auquel est soumis un temple dégagé de la forêt. Ces capteurs sont placés à divers endroits du temple pour mettre en évidence des différences de comportement thermique liées à la microtopographie des moulures. Ils restent actifs tout au long de l’année. 12 et 13 Sous la forêt, dans une ambiance relativement humide, des lichens blancs, gris et verdâtres colonisent la pierre monumentale et la protègent en retenant l’eau en surface. Ils forment un écran protecteur qui s’interpose entre les agents atmosphériques et la pierre des monuments. Le journal du CNRS n°232 mai 2009 > 12 d’Extrême-Orient (EFEO), notamment par l’architecte Jacques Dumarçay en 1967, s’ajoutent les banques d’images conservées au musée Guimet et dans les collections privées. « Ces photographies anciennes nous montrent le temple avant et après son dégagement. En les comparant avec nos propres relevés, il devenait possible de quantifier visuellement la dégradation du temple et de mesurer l’impact du stress climatique subi en un siècle. » Munis de ces atouts, les chercheurs de Geolab ont donc programmé six missions de terrain, échelonnées entre 2008 et 2012, et commencé à estimer les surfaces et volumes détériorés grâce à des équipements cofinancés par le CNRS, l’université Blaise Pascal et la Maison des sciences de l’homme (MSH) de Clermont-Ferrand. Franck Vautier et Olivier Voldoire, formés aux nouvelles techniques de spatialisation 3D, ont lancé en 2008 une première campagne de mesures sur le premier niveau est de la pyramide centrale. « Car c’est pour ce niveau que l’équipe dispose de la documentation iconographique la plus riche grâce à des clichés dont les plus vieux remontent à 1905 », explique Marie-Françoise André. Tout d’abord, la photogrammétrie permet de corriger les déformations des photographies prises avec des luminosités, des définitions et des focales différentes, avant de les intégrer dans un référentiel métrique. Grâce à cette technique, les différents clichés pris sur la période 1905-2008 deviennent parfaitement superposables. L’équipe peut alors mesurer les surfaces dégradées et reconstituer le « tempo » de la dégradation contemporaine de la pierre. Parallèlement, les ingénieurs utilisent un balayage laser des surfaces ornementées pour obtenir une modélisation en 3D à très haute définition (300 micromètres) des motifs sculptés et une estimation volumétrique des parties érodées. Mais l’équipe exploite aussi d’autres techniques, comme celle du monitoring climatique : des capteurs de la forme d’une pile bouton, placés à différents endroits du temple, sont programmés pour prendre simultanément des mesures de température et d’humidité afin de déceler une influence des agressions climatiques en fonction de l’exposition de la pierre. Ces résultats, comparés à ceux d’autres capteurs fixés sur un temple enfoui sous la jungle, ont déjà révélé que les variations climatiques étaient bien plus faibles sous l’épaisse végétation. D’après l’analyse des photographies, le dégagement du temple de la forêt aurait même décuplé la vitesse de détérioration des sculptures. À terme, l’équipe de Geolab espère aboutir à un scénario prédictif d’aggravation des dommages et participer à la définition de stratégies de gestion durable du parc archéologique d’Angkor. Ne serait-ce qu’en plaidant pour le maintien ou la restauration d’un écran forestier protecteur autour des temples. Une telle proposition rencontre d’ailleurs depuis peu un écho favorable auprès de l’Apsara. Car les visiteurs eux-mêmes viennent en grande partie pour admirer ce mariage inédit de l’arbre et de la pierre. Faire table rase de la forêt d’Angkor reviendrait donc à tuer la poule aux œufs d’or. Camille Lamotte 1. Laboratoire CNRS/Université de Limoges/Université de Clermont-Ferrand-II. CONTACT ➔ Marie-Françoise André Laboratoire de géographie physique et environnementale (Geolab), Clermont-Ferrand m-francoise.andre@univ-bpclermont.fr |