CNRS Le Journal n°232 mai 2009
CNRS Le Journal n°232 mai 2009
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°232 de mai 2009

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 2,5 Mo

  • Dans ce numéro : Les talents cachés de la chimie

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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26 © Garftys > L’ENQUÊTE ensuite à détacher ces dépôts de quelques dizaines de nanomètres d’épaisseur de leur support de fabrication, avant de pouvoir créer les revêtements souhaités. L’équipe de Pierre Schaaf a d’autres cordes à son arc. Un exemple, les matériaux à vocation biologique : « En effet, précise le chercheur, nous travaillons aussi en collaboration avec l’Inserm. Par exemple en intégrant de l’ADN dans les films, pour apporter des fonctions biologiques à des implants. » QUAND LA CHIMIE PREND CORPS D’ailleurs ces matériaux biomédicaux ont le vent en poupe. À Nantes, au laboratoire « Chimie et interdisciplinarité : synthèse, analyse, modélisation » (Ceisam) 2, en coopération avec une équipe de l’Inserm, Bruno Bujoli se penche sur les matériaux dits « réparateurs ». « Nous essayons de mettre au point des ciments injectables afin de prévenir les fractures dues à l’ostéoporose, un problème majeur de santé publique. » Des ciments qui sont par exemple implantés dans le col du fémur, après avoir été modifiés par un principe actif contre l’ostéoporose. Au fil du temps, les fluides qui pénètrent dans ce phosphate de calcium, un matériau identique au principal constituant de l’os, captent et diffusent le médicament, ce qui stimule la repousse osseuse. « Nous achevons des études sur l’animal, explique Bruno Bujoli. Nous espérons bien démarrer les essais cliniques de phase 1 cette année en association avec une PME (Graftys). » Un beau résultat à suivre ! Revenons dans le Sud de la France, à Toulouse, au Centre interuniversitaire de recherche et d’ingénierie des matériaux (Cirimat) 3, où l’équipe de Christèle Combes travaille elle aussi sur les tissus biologiques durs, en particulier sur les nanocristaux qui forment 70% de nos os. « Nous étudions leurs phénomènes de minéralisation », explique Christian Rey. Outre les matériaux de réparation osseuse, l’équipe s’intéresse aussi à l’utilisation de ces minuscules cristaux pour l’imagerie médicale. « Nous avons un projet avec le pôle Cancer-Bio-Santé de Toulouse, poursuit la chercheuse. En rendant Le journal du CNRS n°232 mai 2009 Un ciment à base de phosphate de calcium combiné à un médicament (le bisphosphonate) et injecté dans un fémur atteint d’ostéoporose (en bas à gauche) permet la repousse osseuse (en bas à droite). © B. Bujoli ces nanocristaux luminescents et en fixant un composé à leur surface pour qu’ils soient reconnus par les cellules cancéreuses, nous espérons vivement améliorer l’imagerie des tumeurs. » Finissons ce tour de France par la capitale, où Ludwik Leibler, du Laboratoire « Matière molle et chimie » 4, s’est illustré il y a peu. Avec son équipe, il a réussi à fabriquer un matériau extraordinaire : une matière élastique capable de se réparer toute seule. Après avoir coupé le matériau, il suffit de remettre les deux morceaux en contact pour qu’il retrouve sa résistance de départ. Le secret ? L’usage de molécules qui ont la propriété de s’autoassembler, de la même manière que les molécules d’un brin d’ADN peuvent se « reconnaître » et s’apparier. « Pendant le processus d’autoréparation, les liaisons qui ont été rompues se reforment et redonnent la cohésion au matériau », explique Ludwik Leibler. Après une heure de réparation, l’élastique retrouve sa capacité d’extension initiale de 700% ! Aujourd’hui, la technologie est commercialisée par Arkema et les perspectives de ces produits hors du commun sont en phase d’exploration : adhésifs, films de protection, avec des applications imaginables dans le bâtiment. Ou encore, bien entendu, les pneumatiques… Denis Delbecq 1. Institut CNRS/Université de Pau. 2. Institut CNRS/Université de Nantes. 3. Centre CNRS/Université Toulouse-III/INP Toulouse. 4. Laboratoire CNRS/Éc. sup. phys. chim. ind. Paris. CONTACTS ➔ Philippe Poulin poulin@crpp-bordeaux.cnrs.fr ➔ Stéphanie Reynaud stephanie.reynaud@univ-pau.fr ➔ Pierre Schaaf, schaaf@ics.u-strasbg.fr ➔ Bruno Bujoli, bruno.bujoli@univ-nantes.fr ➔ Christèle Combes christèle.combes@ensiacet.fr ➔ Christian Rey, christian.rey@ensiacet.fr ➔ Ludwik Leibler, ludwik.leibler@espci.fr L’élastomère supramoléculaire fait à partir d’acides gras est capable de s’autoréparer et de résister à un test de traction. © F. Tournilhac,L. Leibler/CNRS Photothèque Les sentinelles Les chimistes s’occupent bel et bien de dépollution. Ils n’ont d’ailleurs pas leur pareil pour traquer polluants aquatiques et atmosphériques. Mais la tâche est immense. « En effet, dans les milieux aquatiques, nous avons affaire à des milliers de molécules », précise Hélène Budzinski, animatrice du Groupe de recherches de physico- et toxicochimie de l’environnement à l’Institut des sciences moléculaires 1. Avec ses collègues, la scientifique tente de repérer la présence des composés organiques et de diagnostiquer leurs effets sur les organismes aquatiques. Et le catalogue est impressionnant : pesticides, médicaments, solvants, retardateurs de flamme et toutes sortes de perturbateurs endocriniens soupçonnés de participer aux phénomènes de féminisation observés chez de nombreux organismes aquatiques. « Or, les substances que l’on retrouve sont liées à notre mode de vie. » C’est pour cette raison que la chercheuse appelle parfois en renfort ses collègues des sciences humaines et sociales. « Les études sociales, les enquêtes peuvent nous faire gagner beaucoup de temps, explique Hélène Budzinski. Car elles nous orientent sur le type de molécules à rechercher dans un environnement donné. Chaque ville, chaque pays, chaque région affiche souvent des habitudes qui lui sont propres. » CES ESPÈCES QUI DONNENT Plus elle progresse, plus l’analyse chimique se heurte au problème des faibles doses, sans pouvoir répondre à la question essentielle des effets sur la santé des cocktails de substances qui nous entourent. Pour le toxicologue Jean-François Narbonne, de l’Institut des sciences moléculaires 1, il y a urgence à développer les « bioessais », c’est-à-dire les essais sur des tissus vivants. « Une substance ou un mélange de substances peuvent être indétectables mais modifier le comportement cellulaire. Les bioessais sont indispensables pour l’avenir. » C’est le cas du fameux test « souris », qui détecte la présence de toxines dans les huîtres : on prélève un échantillon sur des mollusques pour l’injecter dans l’abdomen de trois souris. La mort de deux souris sur trois dans les 24 heures implique un danger pour l’homme et l’interdiction de la consommation. « Nous travaillons avec l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) pour déterminer des types cellulaires plus sensibles et spécifiques pour détecter les phycotoxines, explique Jean-François Narbonne. Nous avons aussi développé depuis trente ans des biomarqueurs sur espèces sentinelles, véritables reporters de la contamination des milieux. » Ainsi,
de l’environnement L’été dernier, une étude de l’Université de Barcelone avait relevé un pic de cocaïne et de MDMA (la molécule de l’ecstasy) à la fin des week-ends, dans les eaux d’une usine espagnole de retraitement des eaux usées ! L’ALERTE des mollusques permettent de détecter la pollution le long des côtes françaises. Les grandes agences nationales et internationales travaillent sur cette question, le consensus n’étant pas facile à trouver. Aujourd’hui, la plupart des réglementations reposent sur des analyses chimiques dont l’interprétation par rapport à une valeur limite est simple et qui représentent un énorme marché. Face aux défis sanitaires accrus par la mondialisation et à la réalité des contaminations multiples, les bioessais et biomarqueurs constituent une approche indispensable pour mieux évaluer les dangers et les risques pour l’homme et son environnement. D.D. 1. Institut CNRS/ENSCP Bordeaux/Universités Bordeaux-I et IV. Contact : Jean-François Narbonne, jf.narbonne@ism.u-bordeaux1.fr Le test d’inoculation d’un extrait de glande digestive d’huître chez la souris empêche le risque d’intoxication alimentaire des consommateurs. Les stations d’épuration, ici à Bordeaux, représentent de bons sites d’études chimiques environnementales. © J.-P. Muller/AFP ENQUÊTES DANS L’EAU ET DANS L’AIR Afin d’améliorer encore leurs résultats, les détectives des pollutions aquatiques doivent disposer de bons outils d’analyse afin de repérer des substances très souvent présentes à l’état de traces. Un exemple qui donne du fil à retordre aux chercheurs : l’amoxicilline, un antibiotique dont la présence dans l’environnement pourrait favoriser une plus grande résistance des bactéries. Les scientifiques doivent aussi imaginer de nouvelles méthodes de mesure. « Une analyse ponctuelle, à la fois dans le temps et dans l’espace, ne signifie pas grand-chose. C’est pour cette raison que nous essayons de mettre au point des capteurs capables de stocker les molécules présentes dans les milieux au fil du temps. De cette manière, il suffit d’un seul relevé pour disposer d’un suivi de la pollution accumulée sur quinze jours. » Si nos activités menacent les organismes aquatiques, elles sont aussi une source de pollution pour l’air que nous respirons. À l’Institut de recherches sur la catalyse et l’environnement de Lyon (Ircelyon) 2, Christian George et ses collègues s’efforcent de comprendre les modifications physico-chimiques que subissent les composés émis dans notre atmosphère. Et notamment de déterminer ce qu’il advient des aérosols, ces poussières et gouttelettes qui sont rarement inertes. « Nous essayons d’observer et de simuler ces transformations afin de déterminer leur impact sur le climat et la qualité de l’air. » L’institut suit plusieurs voies originales, dont l’étude des aérosols organiques secondaires, issus de l’oxydation des polluants gazeux, comme le dioxyde d’azote émis notamment par le trafic routier. « Depuis peu, on réalise que ceux-ci sont prédominants dans l’air. Nous avons montré comment l’interaction avec la lumière constituait une étape essentielle de leur vieillissement. » Ici, la plupart des travaux s’effectue en laboratoire, pour reconstituer la formation et l’évolution des aérosols afin de déterminer, par exemple, les sous-produits qui apparaissent au cours des réactions photochimiques. « Mais nous avons également participé à de récentes campagnes de mesures avec un spectromètre de masse à aérosols (AMS) – instrument très original, pour l’instant unique en France », souligne Christian George. L’AMS donne, en quelques minutes, pour chaque particule sa taille et sa composition chimique. « Toutes les mesures faites à ce jour soulignent la complexité chimique des particules atmosphériques. » Aujourd’hui, les métropoles sont assez bien équipées pour le suivi de polluants « simples » comme l’ozone. Mais pour maîtriser l’impact des aérosols, il reste beaucoup à faire, notamment sur la compréhension de la physico-chimie de ces particules petites – moins d’un micromètre – et néanmoins souvent néfastes pour la santé et la qualité de l’air. Denis Delbecq L’ENQUÊTE 27 Les échantillonneurs passifs de type Pocis (Polar Organic Chemical Integrative Sampler), ici en cours d’étalonnage, permettent de collecter les composés organiques présents dans l’eau. 1. Institut CNRS/ENSCP Bordeaux/Universités Bordeaux-I et IV. 2. Institut CNRS/Université de Lyon. CONTACTS ➔ Hélène Budzinskih.budzinski@ism.u-bordeaux1.fr ➔ Christian George christian.george@ircelyon.univ-lyon1.fr POUR EN SAVOIR PLUS À LIRE > La sagesse du chimiste, Hervé This, coll. « Sagesse d’un métier », L’œil neuf éditions, 2009 EN LIGNE > Dossier Sagasciences « Art et sciences », www.cnrs.fr/cw/dossiers/dosart/accueil.html > Dossier Sagasciences « Chimie et beauté », www.cnrs.fr/cw/dossiers/doschim/accueil.html À VOIR > Dans les secrets des œuvres d’art (2008, 30 min) de Didier Deleskiewicz, produit par CNRS Images. http:Ilvideotheque.cnrs.fr/index.php ? urlaction=doc&id_doc=1920 Contact : Véronique Goret (Ventes), CNRS Images – Vidéothèque Tél. : 01 45 07 59 69 – videotheque.vente@cnrs-bellevue.fr Le journal du CNRS n°232 mai 2009 © Photos : H.Budzinski/ISM



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