CNRS Le Journal n°232 mai 2009
CNRS Le Journal n°232 mai 2009
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°232 de mai 2009

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 2,5 Mo

  • Dans ce numéro : Les talents cachés de la chimie

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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24 > © G. Rolle/REA L’ENQUÊTE Des experts contre la fraude Traquer le formol dans un lait de toilette pour bébé, rechercher la contrefaçon d’un brevet de médicament, dépister des produits dopants chez un sportif, et découvrir un pesticide dans un produit étiqueté bio : autant d’activités qui dépendent d’un savoir-faire et de méthodes de plus en plus sophistiquées d’analyse chimique. Comme ceux mis au point et utilisés quotidiennement au Service central d’analyse (SCA) du CNRS, à Lyon, dirigé par Jean- Jacques Lebrun. « L’analyse chimique est l’un des outils de lutte contre la fraude », explique Jean-Jacques Lebrun. Le Service central d’analyse est régulièrement saisi par les tribunaux au cours d’instructions judiciaires, par la Gendarmerie nationale ou des ministères. « Nous intervenons principalement sur des questions agroalimentaires, pharmaceutiques, cosmétiques, et sur le dopage », la face la plus spectaculaire de l’activité du SCA, même si elle ne représente que quelques pourcents de ses efforts 1. LE CONTRÔLE DES ÉTIQUETTES Le domaine phare, celui où la demande en analyse croit le plus vite, c’est l’agroalimentaire. Que cela soit pour repérer un ajout d’eau dans un produit « 100% jus de fruits », du sucre dans un produit « sans sucre » ou des produits de synthèse dans une gelée royale « 100% naturelle », les analystes du SCA utilisent des méthodes ultrasophistiquées pour repérer des substances qui ne se trouvent parfois qu’à l’état de traces. « Aujourd’hui, les instruments de mesure sont capables de repérer une substance à une concentration d’un milliardième, par exemple un nanogramme par gramme de matière. Mais nos méthodes permettent d’aller mille fois plus loin. » Pour en arriver là, il faut concentrer jusqu’à mille fois la substance recherchée dans Le journal du CNRS n°232 mai 2009 l’échantillon, sans accumuler au passage les produits qui risqueraient de la masquer. Par quel tour de passe-passe ? Pour saisir le principe (très) général, imaginez que vous prélevez mille litres d’eau et que vous les faites évaporer. Vous récupérez le résidu pour le mettre dans un litre d’eau pure : vous avez concentré mille fois. Sauf qu’en plus de l’eau, les chercheurs se sont débarrassés aussi, au passage, de substances gênantes. « Les performances des instruments Les analyses de mesure plafonnent depuis quelques années, c’est donc l’enrichis- chimiques permettent sement sélectif qui permet les meilleurs progrès. » Une méthode aux douaniers de débusquer les produits contrefaits, souvent compliquée par la nécessité de tester simultanément la comme ici de fausses pilules présence de dizaines de substances. « Par exemple pour détec- de Viagra. ter en une fois la présence ou l’absence de quatre-vingts pesticides différents dans un miel. » © F. Vielcanet/URBA IMAGES SERVER DES PRÉCAUTIONS DRACONIENNES Quand on travaille sur des traces, la préparation des échantillons est cruciale, et le maximum de précautions doivent être prises pour ne pas contaminer les prélèvements. « Nous nous sommes rendu compte, en essayant de déterminer la présence de Fipronil, un insecticide, dans du miel, que nos résultats étaient perturbés parce qu’une personne du laboratoire DES CHIMISTES EN CUISINE Hervé This, dans son labo. « L’alimentation, ce n’est pas de la chimie. » Venant d’Hervé This 1, un des deux créateurs de la gastronomie moléculaire avec Nicholas Kurti, physicien d’Oxford, le propos pourrait surprendre. Car cette discipline s’attache à comprendre les phénomènes qui surviennent lors des transformations culinaires. Mais pour lui, aucun doute : la chimie est une science, alors que la cuisine est une technique, parfois un art. Régulièrement, il met d’ailleurs son savoir-faire de chimiste au service de son ami, traitait son chien contre les tiques avec ce produit ! », souligne Jean-Jacques Lebrun. La précaution est aussi de mise quand les techniciens tentent de déterminer les traces de sous-produits dans un médicament, dont la présence marquerait la contrefaçon d’une méthode de préparation protégée par un brevet. Ou encore quand le laboratoire recherche des traces de Tamoxifène, un médicament contre le cancer du sein dont se servent certains sportifs pour masquer la prise d’anabolisants ! « Nous devons aussi nous préparer à une nouvelle forme de fraude qui s’installe depuis un ou deux ans dans notre pays, prévient Jean- Jacques Lebrun. Profitant de la mode des produits naturels, des sociétés commercialisent des produits par internet pour contourner les contrôles. Et là, on trouve de tout. Comme des extraits de plantes d’Amazonie qui n’en contiennent pas. » Mais cette fois, la balle n’est pas dans le camp des orfèvres de la chimie. Le consommateur doit être méfiant, car faute de pouvoir contrôler ces importations discrètes, les autorités et les analystes ne peuvent pas grand-chose… Denis Delbecq 1. Le Service conduit surtout des analyses pour le compte du CNRS, des universités et le secteur privé, et consacre un quart de son temps à la recherche et à la formation. CONTACT ➔ Jean-Jacques Lebrun jj.lebrun@sca.cnrs.fr le chef Pierre Gagnaire 2. « Nous avons accueilli au laboratoire des thèses sur le bouillon de carottes ou sur le stockage des oignons dans les sauces : qu’est-ce qui sort des tissus végétaux et, surtout, comment ? » Un travail qui s’est notamment appuyé sur la résonance magnétique nucléaire (RMN) quantitative et qui montre que les molécules qui migrent des végétaux aux bouillons et sauces (essentiellement des sucres et des acides aminés) étaient contenues dans les canaux qui font circuler la sève. « Il faut
© Photos : F. Vrignaud/CNRS Photothèque Des matériaux nouvelle formule Plus légers, plus solides, avec des propriétés étonnantes comme la capacité de s’autoréparer : ainsi seront les matériaux que préparent actuellement les chimistes. Avec une foison d’applications à la clef, allant des casques de motos à la réparation des os ! Prenez l’exemple des nanotubes de carbone, dont le diamètre se mesure en millionièmes de millimètre, pour une longueur mille fois plus élevée. Voilà un peu plus de dix ans que physiciens et chimistes se penchent sur ces matériaux aux propriétés mécaniques exceptionnelles, par exemple la capacité d’absorber les chocs d’une violence nettement supérieure à celle des fibres de carbone dans les donc broyer les carottes si on veut tout récupérer dans un bouillon », propose Hervé This. Ce travail a aussi montré qu’on peut colorer un bouillon sans ajouter d’oignons brunis, en l’exposant à la lumière pendant la cuisson. « Nous cherchons encore à comprendre les mécanismes. » D.D. 1. UMR 214 Inra/Institut des sciences et techniques du vivant et de l’environnement (AgroParisTech). 2. Voir les recettes du duo sur www.pierre-gagnaire.com/francais/cdthis.htm Contact: Hervé This, herve.this@paris.inra.fr © S. Reynaud/CNRS/Université de Pau composites. Leur secret ? Une structure et une géométrie hors du commun. Plus précisément, « ils ont un rapport surface-volume exceptionnel », explique Philippe Poulin, du Centre de recherche Paul Pascal (CRPP) du CNRS à Bordeaux. Comprenez qu’ils présentent une très grande surface par rapport à leur volume. Mais avant de pouvoir utiliser ces qualités hors du commun (rigidité donc, mais aussi légèreté, très bonne conductivité, etc.), les chercheurs doivent résoudre un véritable casse-tête : « Aujourd’hui, nous ne pouvons obtenir des nanotubes bruts que sous forme d’une poudre, « en vrac » », rappelle Philippe Poulin. Tout le défi consiste donc à ordonner ces tubes, dont les propriétés mécaniques ou électriques dégringolent s’ils ne sont pas assemblés de façon optimale. Et l’équipe bordelaise y travaille d’arrache-pied. Pour cela, les chercheurs les incorporent dans des fibres qu’ils vont étirer. Les nanotubes s’ordonnent alors dans la direction de l’étirement. « Nous espérons savoir dans trois à cinq ans s’il est possible ou pas de fabriquer L’injection de nanotubes de carbone en solution dans un bain spécial, dit de coagulation, tournant sur lui-même permet de former des fibres de nanotubes. Certains films à base de polymères conducteurs peuvent émettre de la chaleur, visible ici sur l’appareil de mesure. L’ENQUÊTE 25 des gilets pare-balles, des vêtements de protection et casques de moto, explique Philippe Poulin. Si tout va bien, nous devrions produire dans ce délai notre premier textile à partir de ces fibres mélangées. » Pour le moment, les nanotubes sont surtout voués à remplacer le noir de carbone, un matériau formé de microsphères de carbone et fabriqué à partir de produits pétroliers lourds. Il constitue un antistatique très recherché pour les emballages électroniques, le stockage de poudres et les réservoirs d’essence. « On obtient déjà dans ce domaine les mêmes propriétés qu’avec le noir de carbone, mais avec dix fois moins de matière », confirme Philippe Poulin. LES MATÉRIAUX SE FONT DES FILMS Plus au sud, à l’Institut pluridisciplinaire de recherche sur l’environnement et les matériaux (Iprem) 1 de Pau, on se penche sur des films polymères conducteurs d’électricité. Applications ? Des surfaces chauffantes, des protections contre la corrosion, ou encore des capteurs psychosensoriels capables de distinguer les surfaces douces de celles qui ne le sont pas, qui pourraient intéresser les roboticiens. « Pour le moment, les surfaces chauffantes sont les matériaux les plus aboutis, résume Stéphanie Reynaud. Elles pourraient servir dans des bâtiments à très faible consommation énergétique, ou pour élaborer des vêtements chauffants. » À Pau, les chercheurs souhaitent aussi anticiper la pénurie programmée du pétrole : « C’est pour cela que nous testons des composés associant des polymères tirés du pétrole à des polymères dérivés des ressources agricoles ou marines. » À l’autre extrémité de l’Hexagone, à Strasbourg, l’Institut Charles Sadron (ICS) du CNRS planche quant à lui sur la mise au point de revêtements antiréfléchissants, de protection anti-corrosion ou de surfaces antibactériennes. Par exemple pour protéger les coques de bateaux des salissures, ou mettre au point des pare-brise autonettoyants. Pierre Schaaf précise son procédé : « Nous élaborons des revêtements de surface organiques à l’aide de polymères chargés, en alternant les couches dotées de charges électriques positives et négatives », ce qui leur permet d’adhérer les unes aux autres. Le choix des matériaux est déterminé en fonction des propriétés recherchées. Reste > Le journal du CNRS n°232 mai 2009



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