22 © LRMF © Service de restauration des musées de France > L’ENQUÊTE « Les documents historiques racontent qu’au marché de Francfort, au début du XVI e siècle, il existait trois sortes de blanc de plomb. Le peintre choisissait donc certainement des pigments extrêmement fins et de bonne qualité pour éclaircir ses couleurs, et des pigments bon marché pour mettre en dessous », retrace Philippe Walter. GUIDER LES RESTAURATEURS Passé la question de la création, reste celle des transformations que va subir l’œuvre au fil des siècles. Un point essentiel pour les restaurateurs, une autre population bien aidée par la chimie. « Le discernement entre les parties originales de l’œuvre et les parties altérées ou rajoutées est indispensable pour choisir la façon dont on va la restaurer, témoigne Christiane Naffah, directrice du LC2RMF. Certaines restaurations anciennes nécessitent par exemple d’être retirées parce qu’elles gênent la lisibilité de l’œuvre originale. » En découvrant grâce aux analyses du C2RMF que le manteau de l’intendant des Noces de Cana – le plus grand tableau du Louvre – n’était pas rouge à l’origine, les restaurateurs ont ainsi décidé de révéler la couleur verte choisie par Véronèse. Bref, la connaissance d’une œuvre grâce à la chimie permet d’avoir, comme le souligne Christiane Naffah, « le geste juste ». AIDER À LA CONSERVATION Mais on ne peut pas toujours réparer les effets du temps. La priorité est alors de stopper son action en conservant l’objet dans les meilleures conditions. Or, le conservateur doit protéger, mais aussi diffuser : « Les œuvres traversent les siècles, supportent mal la lumière, les variations climatiques, les déplacements, mais il faut les montrer à un maximum de personnes Le journal du CNRS n°232 mai 2009 pour qu’elles portent leurs discours », explique Christiane Naffah. Une question épineuse quand il s’agit d’un instrument de musique, qui a vocation à être utilisé et non seulement vu. Jean-Philippe Échard, ingénieur chimiste au Musée de la musique, détaché au Centre de recherche sur la conservation des collections (CRCC) 8, se penche sur les vernis protecteurs des violons – dont des Stradivarius –, mais aussi des luths conservés au musée de la Musique, et tente de déterminer leur résistance aux agressions du temps mais aussi des musiciens. « En vieillissant, la composition du vernis change : les huiles et les résines végétales qui le composent s’oxydent. La chimie analytique permet d’évaluer ce degré d’oxydation et de savoir si le processus de vieillissement est encore actif, explique le chercheur. L’analyse chimique a permis de retrouver la couleur verte choisie par Véronèse pour le manteau de l’intendant des Noces de Cana (Louvre). En bas : coupe stratigraphique de la peinture du manteau avant la restauration. Nous voulons aussi évaluer l’action de la sueur et donc le risque que l’on prend à faire jouer un instrument. » Qu’on se le dise : les chimistes veillent sur le patrimoine. Tout le patrimoine. Laurianne Geffroy 1. Centre CNRS/Université de Nice. 2. Qui, à l’inverse des matériaux organiques, ne sont pas fabriqués par des organismes vivants. Il s’agit par exemple de minéraux ou de métaux. 3. Laboratoire CNRS/Minist. Cult. et Com. 4. Technique d’analyse permettant de séparer les différents composés d’un mélange. 5. Technique d’analyse permettant d’identifier des molécules en fonction de leur masse. 6. Faisceau de lumière dont l’intensité permet de déterminer très précisément la composition de la matière. 7. Associant des chercheurs du LC2RMF, de l’Institut Néel et de l’ESRF à Grenoble. 8. Centre CNRS/MNHN/Minist. Cult. et Com. CONTACTS ➔ Martine Regert, regert@cepam.cnrs.fr ➔ Philippe Walter philippe.walter@culture.gouv.fr ➔ Pascale Richardin pascale.richardin@culture.gouv.fr ➔ Alain Brunelle alain.brunelle@icsn.cnrs-gif.fr ➔ Christiane Naffah christiane.naffah@culture.gouv.fr ➔ Jean-Philippe Échard jpechard@cite-musique.fr © J.-P. Echard/Cité de la musique Grâce à la chimie analytique, les chercheurs étudient les effets du temps sur les huiles et les résines du vernis des violons. © E. Perrin/CNRS Photothèque Une chimie Vous n’y pensez pas le matin en vous rasant ou en vous maquillant, mais la chimie se cache aussi dans les tiroirs de votre salle de bain. Elle a beau s’y faire discrète, on lui doit d’innombrables propriétés des produits cosmétiques, depuis la haute tenue des rouges à lèvres jusqu’aux teintes irisées des ombres à paupière en passant par les capacités antirides de certaines crèmes. L’inventaire serait trop long. Forte de ce palmarès, la chimie se reposerait-elle sur ses acquis ? Loin de là. C’est en effet au rayon « cosmétiques » que se cache sûrement l’un des plus gros défis actuels de la chimie : introduire le maximum d’ingrédients naturels dans les recettes de beauté, pour répondre à nos attentes mais aussi, plus pragmatiquement, pour se conformer au règlement Reach (lire p. 19). « Cette pression réglementaire est contraignante pour la formulation de nouveaux produits mais, en termes de recherche, cela ouvre la porte à des projets très stimulants », avoue Xavier Fernandez, du Laboratoire de chimie des molécules bioactives et des arômes 1. LA BIODIVERSITÉ COSMÉTIQUE Shampoing à l’huile de jojoba, crème de jour à la lécithine de soja, parfum aux extraits naturels de vanille… les produits de beauté ne se privent pas de mettre en avant leur profil le |