20 © BASF > L’ENQUÊTE d’énergie et de matière première », confirme Bernard Chambon. Lorsqu’une nouvelle génération de piles à hydrogène ou de panneaux photovoltaïques sera mise au point, c’est tout le secteur de l’automobile et de l’habitat qui réduira sa consommation d’énergie et ses émissions de dioxyde de carbone. La directive européenne « Registration, Evaluation, Authorisation and Restriction of Chemicals » (Reach), mise en place en 2007 et obligeant les industriels à prouver l’innocuité de leurs produits chimiques pour la santé humaine et l’environnement, propulse également la chimie vers un avenir plus propre. « L’objectif est notamment de contrôler les substances dites existantes, mises sur le marché avant 1981 sans que les industriels aient eu l’obligation de faire des tests de toxicité, et d’éliminer celles qui présentent des risques », expose Brigitte Diers, chargée de mission « Hygiène et sécurité » à l’Institut de chimie du CNRS (INC). Entre 2009 et 2018, plus de 30 000 substances produites ou importées en Europe devraient ainsi être analysées et enregistrées auprès de l’Agence européenne des produits chimiques à Helsinki, à commencer par celles dont les quantités dépassent 1000 tonnes par an. Par ailleurs, les substances mutagènes, cancérigènes, toxiques qui représentent un risque pour la reproduction humaine ou une menace pour les espèces aquatiques devront être enregistrées d’ici à novembre 2010. « Ce règlement est très ambitieux, mais il sera bénéfique à l’environnement et aux utilisateurs. Il va également pousser à innover, à trouver des produits de substitution plus sûrs », affirme Brigitte Diers. LA FRANCE DANS LES STARTING-BLOCKS Pour relever tous ces défis, le groupe de travail « Chimie Défis Innovations » du Conseil Le journal du CNRS n°232 mai 2009 stratégique des industries chimiques (Cosic) a identifié pour la France huit domaines d’action prioritaires : la toxicologie, les nanomatériaux et les matériaux intelligents, la gestion de l’énergie et la valorisation du CO 2, les biotechnologies, les ressources renouvelables, l’électronique moléculaire, l’eau et enfin la catalyse. « Nous avons une longueur d’avance dans beaucoup de ces domaines, même si la UN PROGRAMME POUR UN MONDE DURABLE La catalyse est concurrence des États-Unis et de l’un des huit domaines la Chine est de plus en plus vive. d’actions prioritaires Nous avons les compétences, à de la nouvelle chimie française. Ici, nous de savoir les utiliser », un catalyseur en nid affirme Olivier Homolle, président de la Société chimique de d’abeille mis au point par BASF et destiné France et de BASF France. aux pots catalytiques. Mais il est d’autres domaines plus inattendus dans lesquels la chimie n’a pas fini d’exceller, comme lorsqu’elle aide les historiens à percer le mystère des œuvres d’art, les policiers à retrouver les traces de substances illicites ou encore quand elle nous dévoile les coulisses moléculaires des plats qui ravissent nos papilles. Aujourd’hui plus que jamais, la chimie gagne à être connue. Laurianne Geffroy 1. À la fin des années 1950, ce médicament a été prescrit à des femmes enceintes contre les nausées, et a provoqué d’importantes malformations chez plusieurs milliers de fœtus dans le monde. CONTACTS ➔ Bernard Chambon, bchambon@uic.fr ➔ Brigitte Diers, brigitte.diers@cnrs-dir.fr ➔ Olivier Homolle, olivier.homolle@sfc.fr 3 questions à Isabelle Rico-Lattes, responsable du programme interdisciplinaire du CNRS « Chimie pour le développement durable » (CPDD) Quel est l’objectif de ce programme créé fin 2006 ? Isabelle Rico-Lattes : L’objectif était vraiment de trouver un outil pour fédérer la recherche française autour de la chimie pour le développement durable. Quatre réseaux interinstituts au CNRS et interorganismes de recherche ont ainsi été créés, comme par exemple celui des « Ressources renouvelables comme matières premières, sources de nouveaux produits et de matériaux », dans lequel l’Inra est très impliqué aux côtés du CNRS. En quoi l’interdisciplinarité qui apparaît dans ce programme est-elle capitale ? I.R.-L. : J’ai la conviction que la chimie est trop sur la défensive. Elle doit s’ouvrir davantage aux autres disciplines. Elle y gagnera en lisibilité, en crédibilité et en innovation. Par exemple, dans le cadre du programme interdisciplinaire Amazonie, une équipe d’écologues et de chimistes que nous finançons s’est intéressée aux molécules émises par certains arbres pour se protéger des champignons. Or le mécanisme d’action des champignons sur ces arbres est analogue à certaines mycoses humaines. L’identification de la structure chimique de ces molécules antifongiques peut donc aboutir à une nouvelle source de médicaments pour l’homme. Quels sont vos objectifs pour les années à venir ? I.R.-L. : J’aimerais développer de nouvelles passerelles entre la chimie et les autres disciplines, comme par exemple l’écologie chimique, l’ingénierie écologique, ou encore les biotechnologies. Je souhaiterais également intégrer des chercheurs des sciences humaines et sociales afin qu’ils conduisent avec les chimistes une réflexion sur la place de la chimie dans une société durable. Nous devons être à l’écoute de la société et répondre de manière ouverte à ses attentes. Et je crois que l’on n’a pas encore mesuré toute l’originalité, en termes de nouveaux concepts, qui va émerger de la chimie pour le développement durable. Propos recueillis par Laurianne Geffroy Contact : Isabelle Rico-Lattes, rico@chimie.ups-tlse.fr |