CNRS Le Journal n°232 mai 2009
CNRS Le Journal n°232 mai 2009
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°232 de mai 2009

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 2,5 Mo

  • Dans ce numéro : Les talents cachés de la chimie

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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20 © BASF > L’ENQUÊTE d’énergie et de matière première », confirme Bernard Chambon. Lorsqu’une nouvelle génération de piles à hydrogène ou de panneaux photovoltaïques sera mise au point, c’est tout le secteur de l’automobile et de l’habitat qui réduira sa consommation d’énergie et ses émissions de dioxyde de carbone. La directive européenne « Registration, Evaluation, Authorisation and Restriction of Chemicals » (Reach), mise en place en 2007 et obligeant les industriels à prouver l’innocuité de leurs produits chimiques pour la santé humaine et l’environnement, propulse également la chimie vers un avenir plus propre. « L’objectif est notamment de contrôler les substances dites existantes, mises sur le marché avant 1981 sans que les industriels aient eu l’obligation de faire des tests de toxicité, et d’éliminer celles qui présentent des risques », expose Brigitte Diers, chargée de mission « Hygiène et sécurité » à l’Institut de chimie du CNRS (INC). Entre 2009 et 2018, plus de 30 000 substances produites ou importées en Europe devraient ainsi être analysées et enregistrées auprès de l’Agence européenne des produits chimiques à Helsinki, à commencer par celles dont les quantités dépassent 1000 tonnes par an. Par ailleurs, les substances mutagènes, cancérigènes, toxiques qui représentent un risque pour la reproduction humaine ou une menace pour les espèces aquatiques devront être enregistrées d’ici à novembre 2010. « Ce règlement est très ambitieux, mais il sera bénéfique à l’environnement et aux utilisateurs. Il va également pousser à innover, à trouver des produits de substitution plus sûrs », affirme Brigitte Diers. LA FRANCE DANS LES STARTING-BLOCKS Pour relever tous ces défis, le groupe de travail « Chimie Défis Innovations » du Conseil Le journal du CNRS n°232 mai 2009 stratégique des industries chimiques (Cosic) a identifié pour la France huit domaines d’action prioritaires : la toxicologie, les nanomatériaux et les matériaux intelligents, la gestion de l’énergie et la valorisation du CO 2, les biotechnologies, les ressources renouvelables, l’électronique moléculaire, l’eau et enfin la catalyse. « Nous avons une longueur d’avance dans beaucoup de ces domaines, même si la UN PROGRAMME POUR UN MONDE DURABLE La catalyse est concurrence des États-Unis et de l’un des huit domaines la Chine est de plus en plus vive. d’actions prioritaires Nous avons les compétences, à de la nouvelle chimie française. Ici, nous de savoir les utiliser », un catalyseur en nid affirme Olivier Homolle, président de la Société chimique de d’abeille mis au point par BASF et destiné France et de BASF France. aux pots catalytiques. Mais il est d’autres domaines plus inattendus dans lesquels la chimie n’a pas fini d’exceller, comme lorsqu’elle aide les historiens à percer le mystère des œuvres d’art, les policiers à retrouver les traces de substances illicites ou encore quand elle nous dévoile les coulisses moléculaires des plats qui ravissent nos papilles. Aujourd’hui plus que jamais, la chimie gagne à être connue. Laurianne Geffroy 1. À la fin des années 1950, ce médicament a été prescrit à des femmes enceintes contre les nausées, et a provoqué d’importantes malformations chez plusieurs milliers de fœtus dans le monde. CONTACTS ➔ Bernard Chambon, bchambon@uic.fr ➔ Brigitte Diers, brigitte.diers@cnrs-dir.fr ➔ Olivier Homolle, olivier.homolle@sfc.fr 3 questions à Isabelle Rico-Lattes, responsable du programme interdisciplinaire du CNRS « Chimie pour le développement durable » (CPDD) Quel est l’objectif de ce programme créé fin 2006 ? Isabelle Rico-Lattes : L’objectif était vraiment de trouver un outil pour fédérer la recherche française autour de la chimie pour le développement durable. Quatre réseaux interinstituts au CNRS et interorganismes de recherche ont ainsi été créés, comme par exemple celui des « Ressources renouvelables comme matières premières, sources de nouveaux produits et de matériaux », dans lequel l’Inra est très impliqué aux côtés du CNRS. En quoi l’interdisciplinarité qui apparaît dans ce programme est-elle capitale ? I.R.-L. : J’ai la conviction que la chimie est trop sur la défensive. Elle doit s’ouvrir davantage aux autres disciplines. Elle y gagnera en lisibilité, en crédibilité et en innovation. Par exemple, dans le cadre du programme interdisciplinaire Amazonie, une équipe d’écologues et de chimistes que nous finançons s’est intéressée aux molécules émises par certains arbres pour se protéger des champignons. Or le mécanisme d’action des champignons sur ces arbres est analogue à certaines mycoses humaines. L’identification de la structure chimique de ces molécules antifongiques peut donc aboutir à une nouvelle source de médicaments pour l’homme. Quels sont vos objectifs pour les années à venir ? I.R.-L. : J’aimerais développer de nouvelles passerelles entre la chimie et les autres disciplines, comme par exemple l’écologie chimique, l’ingénierie écologique, ou encore les biotechnologies. Je souhaiterais également intégrer des chercheurs des sciences humaines et sociales afin qu’ils conduisent avec les chimistes une réflexion sur la place de la chimie dans une société durable. Nous devons être à l’écoute de la société et répondre de manière ouverte à ses attentes. Et je crois que l’on n’a pas encore mesuré toute l’originalité, en termes de nouveaux concepts, qui va émerger de la chimie pour le développement durable. Propos recueillis par Laurianne Geffroy Contact : Isabelle Rico-Lattes, rico@chimie.ups-tlse.fr
S’il est un lieu où l’on ne s’attend pas à voir des chimistes, c’est bien au musée. Et pourtant ! Ils y sont même vraiment les bienvenus. Car si les toiles de maîtres, les statuettes ou les instruments de musique de collection sont plutôt l’apanage des historiens de l’art, voire des archéologues, certains de leurs secrets seraient restés entiers si la chimie ne s’en était pas mêlée. « Une partie de l’histoire des objets et du mode de vie des populations du passé a été imprimée dans les matériaux à l’échelle élémentaire et moléculaire, témoigne Martine Regert, du Centre d’études Préhistoire, Antiquité, Moyen Âge 1. C’est cette information que le chimiste va aller chercher. » Avec des méthodes de plus en plus sophistiquées, la chimie arrive à faire parler les objets du patrimoine, que ce soit sur des pratiques culturelles disparues, sur le savoirfaire d’un artiste ou sur les transformations subies par une œuvre au cours du temps. Des données aussi précieuses pour les scientifiques que pour les restaurateurs et les conservateurs. © LRMF La chimie s’invite au musée CONNAÎTRE LA NATURE DE L’OBJET Premier objectif pour reconstituer l’histoire d’un objet : connaître sa véritable nature. La composition des matériaux inorganiques 2, comme le métal ou le verre, peut être étudiée directement sur l’œuvre, sans l’abîmer. Il a par exemple suffi de placer la statuette de la déesse Ishtar, découverte en Mésopotamie en 1863, devant le faisceau d’Aglaé (Accélérateur Grand Louvre d’analyse élémentaire), un accélérateur de particules situé dans les soussols du Louvre, pour que les pierres de ses yeux et son nombril livrent leur secret. « Un gemmologue avait des doutes sur la nature de ces incrustations. Après une analyse qui a duré cinq minutes, nous avons obtenu un spectre de rayons X montrant la présence d’oxyde d’aluminium et de chrome. Il s’agissait donc de rubis et non de pâte de verre », raconte Philippe Walter, physico-chimiste et directeur du Laboratoire du Centre de recherche et de restauration des musées de France (LC2RMF) 3. Ce type de méthode peut aussi révéler les impuretés des matériaux, qui sont d’excellents mouchards pour retrouver les gisements d’origine. Pour la déesse Ishtar, des traces de métaux ont permis de découvrir l’origine des rubis : la Birmanie. Et d’en déduire qu’il existait à l’époque, il y a environ 2000 ans, des échanges de gemmes entre l’Asie du Sud-Est et la Mésopotamie. Même résultats spectaculaires avec les matériaux organiques (cire, résine, parfum…). Avec un inconvénient toutefois : il faut prélever un échantillon et, bien souvent, le détruire. Grâce à des méthodes de chimie analytique basées sur la chromatographie 4 et la spectrométrie de masse 5, Martine Regert © C2RMF, D. Vigears Un échantillon de patine d’une statuette Dogon a été observé au microscope optique. (à droite). Les analyses ont révélé l’utilisation de sang animal lors de certains rituels. a ainsi pu identifier des fragments de résine retrouvés sur le site portuaire médiéval de Sharma, au Yémen : « Il s’est avéré que c’était du copal venant d’Afrique de l’Est ou de Madagascar, et non de l’encens comme nous l’imaginions. On a donc mis en évidence l’exploitation d’un nouveau matériau sur ce site mais aussi une nouvelle route d’importation qui va de la côte est-africaine au Yémen. » AUX ORIGINES DES CULTURES Et s’il n’est pas encore possible de se passer de prélèvement, l’évolution des techniques permet aujourd’hui d’obtenir des résultats étonnants. Un exemple ? Pascale Richardin, du LC2RMF, et ses collègues ont réussi à voir du sang sur un petit morceau de patine de 1 mm 3, prélevé sur des statuettes Dogon… du XIV e siècle ! « En couplant l’imagerie moléculaire par spectrométrie de masse – dont la résolution est micrométrique – et l’imagerie infrarouge par rayonnement synchrotron 6, nous avons réussi à localiser au même endroit des molécules d’hèmes et des ions de fer, deux éléments qui nous ont donné la certitude que c’était du sang », explique Alain Brunelle, directeur de recherche à l’Institut de chimie des substances naturelles (ICSN) du CNRS. Une première, qui a son importance pour les historiens : elle a confirmé l’usage de sang animal lors de certains rituels Dogon. Autres éléments sur lesquels la chimie mène l’enquête : les pratiques d’un artiste. En examinant par cristallographie les minéraux du retable d’Issenheim, célèbre tableau de Matthias Grünewald conservé à Colmar, des scientifiques, du CNRS notamment 7, ont ainsi démontré que le peintre n’avait pas utilisé le même « blanc de plomb » pour les couches du dessous et celles du dessus. En analysant la statuette de la déesse Ishtar (Mésopotamie), l’accélérateur Aglaé a permis d’identifier la nature des incrustations des yeux et du nombril : du rubis. L’ENQUÊTE > Le journal du CNRS n°232 mai 2009 © C2RMF, V. Mazel 21



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