CNRS Le Journal n°232 mai 2009
CNRS Le Journal n°232 mai 2009
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°232 de mai 2009

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 2,5 Mo

  • Dans ce numéro : Les talents cachés de la chimie

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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16 PAROLED’EXPERT Les nations montent les marches Le 13 mai, le 62 e Festival de Cannes déroulera une fois de plus le tapis rouge à une sélection de films très diversifiés. Pourquoi le premier festival du monde est-il une extraordinaire vitrine des cultures, des valeurs ou des idées venues des quatre coins de la planète ? Monique Dagnaud : Le cinéma reflète presque toujours une culture, une identité nationale ou régionale. Lorsque l’on regarde un film, et même sans le son, on retrouve une signature très identitaire. Y compris si le casting ou l’équipe technique sont internationaux. En peu de temps, le spectateur est capable d’identifier la nationalité du film. Car le plus souvent, ce dernier dénote un regard, une esthétique qui portent l’empreinte d’un contexte socio-géographique ; il exprime une société particulière. Les décors, la manière de filmer, le jeu des acteurs, le rythme sont des indicateurs très précieux. Le cinéma social anglais, par exemple, est reconnaissable par ses mises en scène d’univers déstructurés ou par ses acteurs qui ont toujours l’air de gens ordinaires. Des cas plus extrêmes existent également, tel que le cinéma de Bollywood, fortement marqué par le « Bollywood masala 1 » : un mélange de danses, de musiques, de chants… Justement, le cinéma indien et sa culture s’exportent de plus en plus. En quoi ces films contribuent-ils à construire une image de l’Inde dans le monde ? M.D. : Le cinéma indien est le miroir des traditions et des modes de vie. On retrouve très souvent des scénarios où sont interrogées les valeurs morales de la société traditionnelle (déchirements familiaux, mariages arrangés, combats sociaux et politiques). En Inde, le cinéma est partout : dans le quotidien, à la radio qui diffuse à 80% des musiques de films, dans la mode où les saris sont ceux des derniers films à succès… Le public indien adhère complètement à ce cinéma. C’est avant Le journal du CNRS n°232 mai 2009 Monique Dagnaud, directrice de recherche CNRS à l’Institut Marcel Mauss (CNRS/EHESS) à Paris tout pour lui qu’il est fabriqué ! Avec plus de 1000 films par an, le pays est le plus prolifique du monde. Les films sont certes un divertissement lucratif mais ils représentent aussi une institution qui définit et assure la cohésion de ce pays qui compte des groupes d’intérêts très divers depuis son indépendance, obtenue en 1947. D’ailleurs, dans chaque pays où il existe une tradition cinématographique, le cinéma joue ou a joué un rôle dans les processus d’affirmation nationale. « Le cinéma reflète presque toujours une culture, une identité nationale ou régionale. » Aujourd’hui, le phénomène de mondialisation affecte l’organisation du cinéma, historiquement structuré au niveau national. Quelles en sont les conséquences pour le 7 e art ? M.D. : La mondialisation a apporté un certain élan à l’industrie du 7 e art. Les données réunies par l’Observatoire européen de l’audiovisuel en mai 2008 témoignent de ces tendances. Si l’hégémonie du cinéma américain demeure 2, la Chine, la France, l’Inde, le Japon ou la Corée du Sud se révèlent être de redoutables concurrents. Le cinéma chinois, par exemple, est en plein essor : 260 films produits en 2005, 330 en 2006, 402 en 2007. Quant à l’Europe, elle finance de plus en plus de films : 921 en 2007 dont 240 films pour la France. Ces grandes puissances cinématographiques ne cessent de produire davantage et de diversifier les genres : blockbusters 3, comédies sentimentales, policiers, films d’animation, films d’auteur plus identitaires ou encore documentaires. On note toutefois l’absence de pays tels que le Brésil ou la Grande-Bretagne sur la scène cinématographique internationale. Pourquoi ? M.D. : Il existe en effet peu de pays disposant d’industries cinématographiques d’envergure. Plusieurs raisons à cela. Premièrement, toutes les nations ne privilégient pas l’investissement dans le cinéma. C’est le cas de l’Angleterre qui, malgré une tradition et un milieu cinématographiques talentueux, a préféré parier sur la production télévisuelle pour diffuser sa culture, ses valeurs ou ses idées. Ce sont ainsi près de 1 600 heures de fictions télévisées produites par an, le double de la France ! Deuxièmement, tous ne possèdent pas le dynamisme financier des entrepreneurs privés américains ou indiens ni les aides publiques apportées, par exemple, par l’État français à tous les stades de la production et de la diffusion. Quels autres atouts permettent au cinéma français de véhiculer et de valoriser sa culture et ses idées ? M.D. : Le rayonnement culturel du cinéma français tient dans une large mesure à sa force de production et à la compétence de son milieu professionnel. Favorable à une sorte d’équilibre entre l’expression d’auteur et la recherche d’un cinéma de qualité, il ne se cantonne pas à exporter un type de films. Ainsi sont distribués à l’étranger des films très marqués par la « french touch », tels que Le fabuleux destin d’Amélie Poulain, des films aux sujets universels (La marche de l’empereur) ou encore des films d’auteur comme Le scaphandre et le papillon, de Julian Schnabel. En France, le cinéma est considéré comme un art à part entière. Il est consacré au même titre que la peinture ou l’architecture. Propos recueillis par Géraldine Véron 1. Mélange d’épices. 2. Plus de 60% de ses revenus proviennent de l’exportation. 3. Films bénéficiant d’un budget de production et de promotion très important et marqués par des scènes d’action spectaculaires. Ils visent un public planétaire jeune. CONTACT ➔ Monique Dagnaud Institut Marcel Mauss, Paris dagnaud@ehess.fr
Franck Selsis L’étoile mystérieuse L’important, c’est le mystère. » Comme celui de l’apparition de la vie sur Terre et de sa présence sur d’autres planètes. Plus que toute autre chose, voilà ce qui passionne Franck Selsis, chercheur au Laboratoire d’astrophysique de Bordeaux (LAB) 1. D’où sa surprise de recevoir, le 12 février dernier, le prix du Chercheur de l’année en Aquitaine, décerné par Le nouvel économiste dans le cadre des trophées « Hommes et femmes d’Aquitaine 2009 ». « Je n’imaginais pas que ce prix récompensait des recherches sans impact économique et social direct », s’étonne l’astrophysicien de 37 ans. « Je suis spécialiste de l’évolution des atmosphères planétaires, que j’étudie en réalisant des simulations numériques », précise celui qui a versé dans l’exobiologie à la fin de son DEA de physique, au moment où les premières planètes extérieures au système solaire étaient découvertes. « Je me suis rendu compte que la vie a non seulement bouleversé la Terre, mais a induit des modifications visibles depuis l’espace, explique-t-il. Par exemple, sans la vie, l’oxygène disparaîtrait de l’atmosphère terrestre en quelques centaines de milliers d’années. » D’où son idée de consacrer son doctorat à la possibilité de déduire la présence de vie sur des planètes extrasolaires de signatures atmosphériques tel l’ozone. À voir Franck Selsis, yeux écarquillés, faire de grands gestes pour mimer la course d’une planète autour de son étoile ou évoquer Star Wars pour illustrer la diversité des « mondes » extrasolaires, on l’imagine petit garçon, rêvassant l’œil rivé à sa première lunette astronomique. Il dément : « Jusqu’à tard, je ne savais pas quoi faire, car tout m’intéressait. Et enfant, je me passionnais plutôt pour les dinosaures. » Cette première passion s’affiche encore sur ses murs, avec un poster représentant des tricératops et autres iguanodons scotché au-dessus de son bureau. Le lien avec les exoplanètes ? Le mystère probablement : « Les paléontologues apprennent des choses sur les dinosaures, mais ils n’en verront jamais. Et moi je ne mettrai jamais les pieds sur une planète extrasolaire. » Le parcours scientifique de Franck Selsis n’a pas été de tout repos. Lorsqu’il débute son doctorat, seules quelques planètes géantes ont été détectées autour d’autres étoiles que le soleil, et on est encore loin d’étudier leur composition atmosphérique. « Quand j’expliquais mon sujet de recherche, beaucoup de gens souriaient », se souvient-il. Aussi mettra-t-il plus de quatre ans avant de pouvoir soutenir sa thèse, ce qui est rarissime en sciences de l’Univers. « Lorsque j’ai annoncé à mon équipe qu’une revue de vulgarisation m’offrait un poste de rédacteur, on m’a dit : « fonce ». C’est « Les paléontologues apprennent des choses sur les dinosaures, mais ils n’en verront jamais. Et moi je ne mettrai jamais les pieds sur une planète extrasolaire. » JEUNESCHERCHEURS 17 peut-être ça qui m’a fait m’accrocher à la recherche, le fait d’avoir encore des choses à prouver. » Tenace notre astrophysicien ? « C’est quelqu’un qui n’abandonne pas », confirme Valentine Wakelam, sa compagne, astrophysicienne dans le même laboratoire, avec laquelle il a entretenu pendant sept ans une relation à distance imposée par les contraintes de leur vie de jeunes chercheurs. Franck Selsis reprend : « J’ai compris que ce que je faisais convergeait vers des choses qui allaient devenir très intéressantes. Et c’est effectivement ce qui s’est passé, en particulier grâce aux progrès prodigieux des techniques d’observation. » Recruté au CNRS en 2004, il rejoint en 2008 Bordeaux où, grâce à un financement du Conseil européen de la recherche destiné aux jeunes chercheurs, il met sur pied sa propre équipe. Au menu : développement d’outils pour interpréter les observations de la prochaine génération d’instruments destinés à la recherche de la vie « ailleurs », mais aussi pour étudier la physico-chimie de la Terre primordiale. Ici ou ailleurs, après tout, peu importe. Car « ce que j’aime, ce sont ces instants où l’on sent comme une vague de compréhension qui passe », avoue-t-il. De ce côté, probable que la période soit faste pour les exoplanètes. Ce qui ravit l’astrophysicien : « Actuellement, une énigme est résolue chaque année. Ce qui suscite de nouvelles questions. » De quoi entretenir le mystère ! Mathieu Grousson 1. Laboratoire CNRS/Université Bordeaux-I. CONTACT ➔ Franck Selsis Laboratoire d’astrophysique de Bordeaux (LAB) selsis@obs.u-bordeaux1.fr Le journal du CNRS n°232 mai 2009 ©C. Lebedinsky/CNRS Photothèque



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