14 INNOVATION PARTENARIAT Essilor voit plus loin avec le CNRS Le leader mondial des verres ophtalmiques s’associe au CNRS depuis plus de trente ans pour mettre au point des innovations. Jean-Luc Schuppiser, directeur R&D d’Essilor International 1, nous dévoile les secrets de cette collaboration fructueuse. Essilor investit 30% de son budget R&D dans des recherches menées par des partenaires extérieurs, dont le CNRS. Pourquoi un tel engagement ? Jean-Luc Schuppiser : Notre industrie n’a pas les moyens de mener elle-même sa propre recherche fondamentale. Nous sommes donc très attentifs aux recherches développées dans les autres secteurs, afin d’adapter à nos besoins les nouvelles techniques qui en sont issues. En effet, Essilor n’est l’inventeur que de 20% des technologies qu’elle utilise ! À titre d’exemples, les verres plastiques proviennent des techniques d’injection mises au point par les plasturgistes ; et les verres antireflets sont issus du procédé de dépôts d’oxydes par évaporation sous vide développé dans la microélectronique. Reste ensuite à effectuer un important travail d’adaptation à nos propres contraintes de ces technologies extérieures. Le CNRS et Essilor partagent un laboratoire commun dénommé « Pix-Cell ». Sur quoi travaille-t-il ? J.-L.S. : Pix-Cell regroupe des chercheurs d’Essilor et du Laboratoire d’analyse et d’architecture des systèmes (Laas) du CNRS, près de Toulouse (lire p. 6). Ils y développent une nouvelle génération BRÈVE Les transferts technologiques récompensés Trois équipes du CNRS ont reçu le 12 mars dernier le prix de la valorisation de l’IN2P3, catégorie « Transfert de technologie » : celle de Jacques Pelletier, du Laboratoire de physique subatomique et de cosmologie, à Grenoble, pour ses travaux sur les sources d’ions et de plasmas, et celles de Marc Winter, de l’Institut pluridisciplinaire Hubert Curien, à Strasbourg, et de Rémi Barbier, de l’Institut de physique nucléaire de Lyon, pour leur développement de nouveaux détecteurs. > http:Ilvalorisation.in2p3.fr/spip.php ? article93 Le journal du CNRS n°232 mai 2009 de verres digitaux totalement révolutionnaires. Jusqu’ici, l’intégration de propriétés optiques, mécaniques, antireflets, antisalissures, antirayures… se faisait par dépôt de couches successives sur le verre des lunettes. Pix-Cell développe une tout autre approche. Fortes des compétences en microtechnologie du Laas, ses équipes tentent non plus d’intégrer ces propriétés par couches, mais par points, dans une logique de pixellisation. Chaque point est une microcuvette indépendante réalisée par une technique dite de photolithographie 2 et encapsulant des matériaux spécifiques apportant telle ou telle propriété. Dans le domaine de l’optique, nous sommes les seuls à développer cette technologie prometteuse qui permettra de multiplier à l’infini la personnalisation des verres ! Nous espérons un premier lancement commercial d’ici à 2010 ou 2011. Quelles autres formes prennent les échanges entre Essilor et le CNRS ? J-L.S. : Tout comme le laboratoire Pix-Cell, les autres échanges entre Essilor et le CNRS sont régis par un accord cadre de collaboration en cours de renouvellement. Celui-ci prévoit le partage de moyens humains et financiers afin de développer des recherches innovantes dans le domaine de la vision et des composants optiques. Nous participons ainsi au financement d’une vingtaine de projets menés avec des chercheurs du CNRS, ce qui représente environ 5% de notre budget recherche et développement. L’accord nous permet aussi d’accéder à certains instruments très spécifiques du CNRS, tels que ses installations de résonance magnétique nucléaire ou ses instruments d’analyse très pointus. Mais ce partenariat ne date pas d’hier ! En effet, depuis sa création en 1972, notre société a toujours étroitement collaboré avec le CNRS. Et pour l’anecdote, bien avant mon entrée chez Essilor, j’ai moi-même réalisé ma thèse au sein du Département de photochimie générale du CNRS 3 ! Les choses se sont toutefois accélérées depuis cinq ans. En témoignent le laboratoire Pix-Cell, créé en 2004, et notre étroite collaboration au sein du récent projet Descartes, destiné à apporter des solutions innovantes pour les malvoyants (lire l’encadré). Avec quels autres acteurs académiques la société Essilor collabore-t-elle dans le monde ? J-L.S. : Nous partageons un laboratoire commun avec le CEA à Grenoble, qui travaille également sur les verres digitaux, et un autre avec l’université de Shanghai, sur la thématique des nanoparticules. Par ailleurs, Essilor finance une chaire d’optométrie à Montréal. Aujourd’hui, la R&D est totalement mondiale et aucun grand groupe ne limite exclusivement ses investissements en recherche au sol français. Académiques, privés, français, européens, occidentaux ou asiatiques : nos partenaires sont donc très divers. Car, quelle Les travaux du CNRS et d’Essilor pourraient révolutionner l’incorporation de diverses propriétés aux verres. Ici, traitement antireflet classique (1), contrôle cosmétique (2), tests (3) et production (4). 1 ©C. Chamourat |