10 © VictorL. Solozhenko VIEDESLABOS Actualités BIOLOGIE MOLÉCULAIRE Une clé de plus dans la lutte contre les cancers Il y a dans l’organisme une myriade de petites molécules dont le rôle – réguler l’activité des cellules – est primordial. Appelées kinases, elles sont notamment impliquées dans la multiplication cellulaire. Alors quand elles déraillent, les conséquences peuvent être désastreuses, avec par exemple l’apparition de cancers. Une équipe de l’Institut européen de chimie et biologie (IECB) 1, à Bordeaux, en collaboration avec des chercheurs britanniques 2, s’est intéressée à leur mode de fonctionnement et en révèle aujourd’hui l’extrême complexité 3. Plus précisément, les chercheurs se sont focalisés sur la kinase pKB, connue pour son implication dans de nombreux cancers. Après plus de deux ans de travaux, ils ont réussi à disséquer toutes les étapes de son processus d’activation. « Il y a quatre niveaux de sécurité à franchir dans un ordre précis pour arriver à l’activation ou à la désactivation définitive de la kinase », explique Michel Laguerre, de l’IECB. Un tel mécanisme est en quelque sorte un système de sécurité naturel visant à limiter une activation ou une désactivation intempestive, à l’origine des processus classiques de cancérisation. Mais il y a aussi un revers à la médaille. Car le dysfonctionnement d’un seul niveau de sécurité peut parfois, lui aussi, entraîner un cancer. Et selon l’étape à laquelle intervient la dérégulation, un type de cancer particulier se développera. Grâce à cette découverte, les cher- MATÉRIAUX Plus solide que le diamant Le journal du CNRS n°232 mai 2009 La dureté du diamant est légendaire. Pourtant, un nouveau matériau pourrait venir sérieusement lui faire de l’ombre dans les années qui viennent. Mis au point par des chercheurs du Laboratoire des propriétés mécaniques et thermodynamiques des matériaux (LPMTM) du CNRS, à Villetaneuse, ce composé, qui répond au nom de carbure de bore cubique, est presque aussi dur que le diamant et a sur celui-ci l’avantage d’être plus résistant à la chaleur C’est dans cette cellule à enclumes (ici en carbure de tungstène, mais elles peuvent aussi être en diamant) qu’est synthétisé le carbure de bore cubique, d’une dureté comparable au diamant. Les kinases sont impliquées dans la multiplication cellulaire. Quand la kinase pKB se referme grâce à la complémentarité de régions (en bleu), la zone catalytique (en mauve) est masquée et la kinase devient inactive. cheurs espèrent ouvrir le champ à une thérapeutique « microciblée » qui pourra intervenir sur l’une des étapes clés selon la kinase impliquée, et selon la pathologie. En effet, les traitements actuels ne ciblent pas spécifiquement la fautive et ils ont tendance à perturber d’autres kinases qui, elles, fonctionnent normalement. Mais Michel Laguerre tempère : « Il s’agit certes d’une avancée, mais nous avons mis deux années à comprendre le fonctionnement d’une Aussi dur et plus résistant à la chaleur et à l’oxydation que le diamant… Voici le carbure de bore cubique, un nouveau matériau mis au point par les chercheurs du CNRS. et à l’oxydation 1. Un atout majeur qui pourrait lui permettre de s’imposer rapidement dans l’industrie. « Prenez l’usinage de l’acier, explique Vladimir Solozhenko, à la tête de l’équipe du LPMTM. Découper et percer nécessitent un matériau capable d’endurer des seule kinase. Or, il en reste encore 517 à étudier ! » Un travail de longue haleine les attend donc. Nadia Daki 1. Groupement d’intérêt scientifique CNRS/Inserm/Universités Bordeaux-I et II. 2. Collaboration entre le laboratoire « Chimie et biologie des membranes et des nanoobjets » (CBMN, CNRS/Enita/Université Bordeaux-I) et l’équipe de Cell Biophysics Laboratory au Cancer Institute de Londres. 3. Ces travaux ont été publiés en début d’année dans la revue Plos Biology. CONTACT ➔ Michel Laguerre Institut européen de chimie et biologie, Talencem.laguerre@iecb.u-bordeaux.fr fortes températures et qui ne réagisse pas chimiquement avec le métal. Notre invention serait parfaite dans cette tâche. » Quelle est la recette de ce composé miracle ? Pour le fabriquer, nos chercheurs ont eu l’idée d’ajouter à la structure du diamant des atomes de bore. En effet, cet élément est connu des chimistes pour être très stable thermiquement et chimiquement. D’autres équipes avaient d’ailleurs déjà tenté ce rapprochement entre le diamant et le bore, mais sans succès. La solution ? « Utiliser un précurseur 2 du diamant, le graphite [celuilà même qui compose la mine des crayons à papier], le mélanger au niveau atomique avec le bore et exposer le tout à très haute température et à très haute pression », explique Vladimir Solozhenko. Pour obtenir de telles conditions, un simple four ne suffit pas. L’équipe place la poudre de graphite et de bore dans un équipement, appelé cellule à enclumes, qui comprime l’échantillon pendant qu’un laser fait monter sa température. Grâce aux images en rayons X obtenues au synchrotron de Grenoble, les chercheurs ont même pu contrôler en temps réel comment réagissait la structure de l’échantillon. Et à 2000 °C, pour une pression 250000 fois supérieure à celle de l’atmo- © M.Laguerre/CBMN/CNRS |