6 © Photos : E. Perrin/CNRS Photothèque VIEDESLABOS Reportage Surprise en janvier lors de la remise des Trophées de l’innovation 2008 de l’Institut national de la propriété industrielle (Inpi) : dans la catégorie « Centre de recherche », le labo lauréat travaille sur… le cerveau ! Pour en savoir plus, Le journal du CNRS s’est rendu dans cette unité marseillaise et a découvert d’étonnants travaux aux belles applications médicales. NEUROSCIENCES Cerveau : ça innove ! Ci-dessus : chez le rat, les chercheurs vérifient grâce à l’imagerie optique si la greffe de cellules neurales olfactives dans la moelle épinière lésée a permis de réactiver la zone cérébrale de la sensibilité tactile. Dans ce labyrinthe olfactif on évalue chez la souris les capacités de mémorisation des odeurs, pour étudier des pathologies qui touchent la mémoire et l’apprentissage. Le journal du CNRS n°231 avril 2009 Un son inconnu et indéfinissable résonne dans le couloir du Laboratoire « Neurosciences intégratives et adaptatives » (LNIA) 1. Dans une pièce, un chercheur observe un tracé étrange sur son écran d’ordinateur. « Ce son et ce tracé traduisent le signal électrique émis par un neurone d’un volontaire lorsqu’il écrit la lettrem, révèle Jean-Pierre Roll. Nous l’avons obtenu par microneurographie, une technique très délicate qui consiste à recueillir ce signal via des microélectrodes insérées en des points bien précis d’un nerf superficiel de la main du sujet. Le laboratoire a ainsi créé une « neurothèque » unique au monde où sont stockés les codes neuronaux de nombreux mouvements. » Pour comprendre les retombées médicales de ce travail, le chercheur nous entraîne dans une salle voisine. Ici, ces travaux vont peut-être permettre de réduire de 30 à 50% le temps nécessaire à la rééducation pour les patients qui ont un membre immobilisé. La preuve par l’expérience : assise devant une table, une volontaire à la main artificiellement immobilisée par une orthèse 2 depuis une semaine, suit une séance de rééducation expérimentale hors du commun. Car l’orthèse est un peu particulière : elle contient de minuscules vibrateurs qui vont transférer au cerveau les codes neuronaux – issus de la fameuse neurothèque – correspondant à différents mouvements de la main. « Ma main ne bouge pas, mais j’ai l’impression qu’elle s’ouvre, se ferme… », lance la jeune femme. « L’objectif est de leurrer son cerveau pour que celui-ci ne se déshabitue pas à percevoir et contrôler les mouvements de sa main, explique Régine Roll, une des responsables de ce projet, baptisé Orthosens. Afin de vérifier si la zone cérébrale liée aux mouvements de cette main a été entretenue, elle passera un IRM fonctionnel cet aprèsmidi qui sera comparé à celui d’un témoin. » Également testée sur des patients dont une articulation est immobilisée pour raison médicale, cette nouvelle génération d’orthèses pourrait être commercialisée d’ici à trois ou cinq ans. « En attendant, nous étudions déjà l’intérêt de ce concept breveté pour la rééducation de patients atteints de troubles locomoteurs », annonce Jean- Pierre Roll, qui n’en est pas à son coup d’essai. La technique a en effet été testée avec succès dans divers secteurs, et notamment dans le domaine spatial pour l’adaptation de l’homme à la microgravité ! « La perception et le contrôle par le cerveau des mouvements, de l’équilibre et de la posture sont des thématiques de recherche sur lesquelles notre laboratoire est à la pointe », confirme Christian Xerri, directeur du LNIA, où travaillent 85 personnes. En témoignent les dispositifs disséminés dans les salles d’expérimentation : plateforme de posturologie permettant d’enregistrer les mouvements du patient au dixième de millimètre près, fauteuil rotatoire… RÉORGANISATION NEURONALE Si le projet Orthosens montre que les zones cérébrales peuvent être entretenues sans que l’organe dont elles gèrent l’information soit sollicité, que deviennent-elles en cas de lésions anatomiques ? Direction la salle d’électrophysiologie. Ici, des chercheurs étudient des rats adultes présentant une lésion de la moelle épinière qui altère sévèrement le contrôle d’une de leurs pattes antérieures. Objectif : enregistrer l’activité de la zone du cortex où se trouve le groupement de neurones qui ne reçoit plus d’informations de cette patte. Et les résultats sont surprenants. « La lésion provoque une réorganisation |