CNRS Le Journal n°231 avril 2009
CNRS Le Journal n°231 avril 2009
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°231 de avril 2009

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 2,8 Mo

  • Dans ce numéro : Les enjeux scientifiques de la communication

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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6 © Photos : E. Perrin/CNRS Photothèque VIEDESLABOS Reportage Surprise en janvier lors de la remise des Trophées de l’innovation 2008 de l’Institut national de la propriété industrielle (Inpi) : dans la catégorie « Centre de recherche », le labo lauréat travaille sur… le cerveau ! Pour en savoir plus, Le journal du CNRS s’est rendu dans cette unité marseillaise et a découvert d’étonnants travaux aux belles applications médicales. NEUROSCIENCES Cerveau : ça innove ! Ci-dessus : chez le rat, les chercheurs vérifient grâce à l’imagerie optique si la greffe de cellules neurales olfactives dans la moelle épinière lésée a permis de réactiver la zone cérébrale de la sensibilité tactile. Dans ce labyrinthe olfactif on évalue chez la souris les capacités de mémorisation des odeurs, pour étudier des pathologies qui touchent la mémoire et l’apprentissage. Le journal du CNRS n°231 avril 2009 Un son inconnu et indéfinissable résonne dans le couloir du Laboratoire « Neurosciences intégratives et adaptatives » (LNIA) 1. Dans une pièce, un chercheur observe un tracé étrange sur son écran d’ordinateur. « Ce son et ce tracé traduisent le signal électrique émis par un neurone d’un volontaire lorsqu’il écrit la lettrem, révèle Jean-Pierre Roll. Nous l’avons obtenu par microneurographie, une technique très délicate qui consiste à recueillir ce signal via des microélectrodes insérées en des points bien précis d’un nerf superficiel de la main du sujet. Le laboratoire a ainsi créé une « neurothèque » unique au monde où sont stockés les codes neuronaux de nombreux mouvements. » Pour comprendre les retombées médicales de ce travail, le chercheur nous entraîne dans une salle voisine. Ici, ces travaux vont peut-être permettre de réduire de 30 à 50% le temps nécessaire à la rééducation pour les patients qui ont un membre immobilisé. La preuve par l’expérience : assise devant une table, une volontaire à la main artificiellement immobilisée par une orthèse 2 depuis une semaine, suit une séance de rééducation expérimentale hors du commun. Car l’orthèse est un peu particulière : elle contient de minuscules vibrateurs qui vont transférer au cerveau les codes neuronaux – issus de la fameuse neurothèque – correspondant à différents mouvements de la main. « Ma main ne bouge pas, mais j’ai l’impression qu’elle s’ouvre, se ferme… », lance la jeune femme. « L’objectif est de leurrer son cerveau pour que celui-ci ne se déshabitue pas à percevoir et contrôler les mouvements de sa main, explique Régine Roll, une des responsables de ce projet, baptisé Orthosens. Afin de vérifier si la zone cérébrale liée aux mouvements de cette main a été entretenue, elle passera un IRM fonctionnel cet aprèsmidi qui sera comparé à celui d’un témoin. » Également testée sur des patients dont une articulation est immobilisée pour raison médicale, cette nouvelle génération d’orthèses pourrait être commercialisée d’ici à trois ou cinq ans. « En attendant, nous étudions déjà l’intérêt de ce concept breveté pour la rééducation de patients atteints de troubles locomoteurs », annonce Jean- Pierre Roll, qui n’en est pas à son coup d’essai. La technique a en effet été testée avec succès dans divers secteurs, et notamment dans le domaine spatial pour l’adaptation de l’homme à la microgravité ! « La perception et le contrôle par le cerveau des mouvements, de l’équilibre et de la posture sont des thématiques de recherche sur lesquelles notre laboratoire est à la pointe », confirme Christian Xerri, directeur du LNIA, où travaillent 85 personnes. En témoignent les dispositifs disséminés dans les salles d’expérimentation : plateforme de posturologie permettant d’enregistrer les mouvements du patient au dixième de millimètre près, fauteuil rotatoire… RÉORGANISATION NEURONALE Si le projet Orthosens montre que les zones cérébrales peuvent être entretenues sans que l’organe dont elles gèrent l’information soit sollicité, que deviennent-elles en cas de lésions anatomiques ? Direction la salle d’électrophysiologie. Ici, des chercheurs étudient des rats adultes présentant une lésion de la moelle épinière qui altère sévèrement le contrôle d’une de leurs pattes antérieures. Objectif : enregistrer l’activité de la zone du cortex où se trouve le groupement de neurones qui ne reçoit plus d’informations de cette patte. Et les résultats sont surprenants. « La lésion provoque une réorganisation
de la géographie corticale, relate Yohi Zennou-Azogui, chercheuse de cette équipe. Les neurones sont réaffectés à d’autres tâches comme la gestion des informations nerveuses en provenance de la face ! » Mais la zone en question peut-elle retrouver sa fonction première ? Réponse dans une des salles d’étude du comportement animal : dans la pièce, un carrousel miniature, une échelle pour rongeurs, une mini-arène… « En rééduquant ces rats sur ce type de dispositifs, nous avons noté une amélioration de leurs performances tactiles et locomotrices et une réactivation de la zone corticale de représentation de la patte », déclare la scientifique. Autre stratégie, testée pour faire récupérer à ces rats leurs fonctions sensorimotrices perdues : la thérapie cellulaire. Dans la salle de chirurgie, les chercheurs greffent, au niveau de la lésion de la moelle, des cellules spécifiques de la muqueuse olfactive. Celles-ci sont susceptibles de reconstituer la gaine protectrice des fibres nerveuses endommagées et de faciliter leur régénération. « Là encore, l’objectif est de déterminer si la greffe permet la réactivation de la zone du cortex privée d’informations par la lésion », précise Yohi Zennou-Azogui. Son équipe étudie aussi cette plasticité en cas de traumas acoustiques et d’infirmités motrices cérébrales. ENTRAÎNEMENT CÉRÉBRAL Autant de preuves que le cerveau adulte possède une plasticité étonnante. Mais aussi que la stimulation est indispensable pour l’entretenir. Béatrice Alescio-Lautier applique cet enseignement à l’homme. Sur son écran d’ordinateur : un programme pas comme les autres. Dénommé Mémo-Technik, il fait l’objet d’un brevet européen et est aujourd’hui développé par une spin-off baptisée Mind Autonomy Research. « Il s’agit d’un programme d’entraînement cérébral issu de nos recherches, lance la chercheuse. Destiné aux personnes âgées, il a prouvé son efficacité pour ralentir les déficits de la mémoire et de l’attention survenant avec le vieillissement. » Un projet évalue actuellement le bénéfice que pourrait procurer une thérapie couplant Mémo-Technik à certains médicaments prescrits pour les troubles légers de la mémoire. « Et le programme est testé en parallèle sur des patients atteints de la maladie d’Alzheimer, avec des résultats préliminaires encourageants », ajoute-t-elle. Car à terme, l’idée serait de proposer une variante du programme d’entraînement pour ce type de patients. Par ailleurs, l’équipe cherche à déterminer les mécanismes impliqués dans le vieillissement et les pathologies associées à l’échelle moléculaire et cellulaire. « Grâce à des puces à ADN, nous traquons les gènes dont l’expression est modifiée chez des rats mimant la maladie d’Alzheimer, explique sa collègue Véronique Paban. Et ces modifications d’expression sont parfois très importantes. » DES CELLULES SOUCHES POUR LA MÉMOIRE Mené par François Roman, un autre groupe teste quant à lui la greffe de cellules souches humaines chez des souris présentant une lésion de l’hippocampe, structure cérébrale indispensable à la mémorisation. « Nos résultats indiquent que ces cellules souches sont capables de migrer jusqu’à la zone lésée et de s’y différencier en cellules nerveuses. Mieux, la greffe permet aux rats de retrouver une mémoire à long terme ! » indique Évelyne Marchetti devant un labyrinthe olfactif mis au point par l’équipe. À l’intérieur, les souris y sont testées avant et après la greffe sur leur capacité à mémoriser des odeurs. Mais un des objectifs reste bien sûr de soigner les patients. Or leur greffer dans le cerveau leurs propres cellules souches prélevées par simple biopsie au niveau de l’épithélium nasal est une piste de recherche intéressante… mais lourde au niveau chirurgical. D’où l’intérêt du projet dans lequel est engagé Stéphane Girard, un des jeunes thésards de l’unité. « Des études récentes suspectent la capacité de ces cellules souches humaines à passer de la circulation sanguine générale au cerveau, annoncet-il. Nous allons donc les injecter directement dans le sang de ces souris. » Parallèlement, l’équipe teste des molécules pharmacologiques et poursuit ses travaux visant à identifier les traces cérébrales que laisse l’information lors de tâches d’apprentissage et de mémorisation. On l’aura compris, le LNIA ne se cantonne pas à l’étude du cerveau sous un angle unique, mais sous toutes les coutures. « Son approche combine en effet des techniques aussi diverses que complémentaires : de la biologie cellulaire à l’étude du comportement, en passant par l’histologie, l’imagerie par résonance magnétique, la microneurographie, l’électrophysiologie corticale… jusqu’à la récente acquisition d’une plate-forme d’imagerie optique ultramoderne », résume Christian Xerri. Une approche qui fait la force du laboratoire et ses récents succès. Jean-Philippe Braly 1. Laboratoire CNRS/Universités Aix-Marseille-I et II. 2. À l’image d’un plâtre ou d’une attelle, une orthèse est un appareil orthopédique fixé contre la partie du corps atteinte qui permet de soutenir une fonction locomotrice déficiente. ➔ En savoir plus « Cerveau, Les découvertes qui changent tout », Le journal du CNRS, n°230, mars 2009. VIEDESLABOS 7 Avec ces dispositifs, on peut donner au cerveau l’illusion de certains mouvements. Des microvibrateurs lui envoient des informations sensorielles simulant différents mouvements de la main et du bras (à gauche) et de la main immobilisée par une orthèse (à droite). Objectif : entretenir la zone cérébrale liée aux mouvements d’un membre, en cas d’immobilisation pour raison médicale. Ce masque enregistre les mouvements oculaires d’un patient placé sur un fauteuil rotatoire afin d’étudier les troubles de stabilisation du regard provoqués par une lésion neurologique. CONTACTS Laboratoire « Neurosciences intégratives et adaptatives » (LNIA), Marseille ➔ Jean-Pierre Roll jean-pierre.roll@univ-provence.fr ➔ Régine Roll, regine.roll@univ-provence.fr ➔ Christian Xerri christian.xerri@univ-provence.fr ➔ Yohi Zennou-Azogui yohi.zennou-azogui@univ-provence.fr ➔ Béatrice Alescio-Lautier beatrice.alescio-lautier@univ-provence.fr ➔ Véronique Paban veronique.paban@univ-provence.fr ➔ Évelyne Marchetti evelyne.marchetti-gauthier@univ-provence.fr ➔ Stéphane Girard stephane.girard@etu-univ-provence.fr Le journal du CNRS n°231 avril 2009



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