38 GUIDE Livres 3 questions à… Françoise Champion Psychothérapie et société Françoise Champion (dir.), éd. Armand Colin, coll. « Sociétales », janvier 2009, 335 p. – 24 € Françoise Champion est sociologue de la santé mentale, chargée de recherche au Centre de recherche « Psychotropes, santé mentale, société » (Cesames, CNRS/Inserm). Le journal du CNRS n°231 avril 2009 Plusieurs évènements semblent être à l’origine de ce premier état des lieux historique et socio-anthropologique sur la psychothérapie en tant que phénomène social. Quels sont-ils ? Disons d’abord que depuis le début du XX e siècle, ce phénomène social qu’est la psychothérapie n’a cessé de prendre de l’ampleur et qu’il n’y avait, jusqu’ici, en France, aucun travail sociologique sur le sujet. Ensuite, depuis les années 1990, des volontés administratives et politiques se sont manifestées pour contrôler la psychothérapie, sans, d’ailleurs, avoir su lancer d’appels à études pour connaître les usagers des psychothérapies ni les psychothérapeutes (à peine quelques enquêtes réalisées par Psychologie magazine, la MGEN, des psychothérapeutes euxmêmes, analysées, bien sûr, ici). Ces projets de réglementation et de contrôle ont abouti à une loi en 2004 portant sur le titre de psychothérapeute et à une expertise de l’Insermsur l’évaluation des méthodes psychothérapeutiques. Ces deux entreprises ont déclenché une violente « guerre des psy ». Les conflits se poursuivent, les décrets d’application de la loi ne sont toujours pas là… Ces conflits interviennent-ils sur un fond quelque peu miné ? En effet, des « déchirements » n’ont cessé de caractériser l’espace psychothérapeutique. Tout d’abord, parce que la psychothérapie est une pratique et une discipline mal définie depuis l’origine et exercée, de fait, aujourd’hui, par quatre catégories Les mots migrateurs Les tribulations du français en Europe Marie Treps, éd. Seuil, février 2009, 372 p. – 20 € En Lituanie, napoleon désigne un gâteau ; au Danemark, par temps froid, vous achetez du grand vin de pinard ; en néerlandais, un colbert est une veste, en allemand, saloppsignifie sympathique, etc. Linguiste, auteur, entre autres ouvrages, du Dico des mots-caresses, Marie Treps, convaincue qu’ « il suffit de quelques kilomètres et pfuitt… un mot se transforme… », emmène son lecteur dans un passionnant tour d’Europe, du Moyen Âge à nos jours, par les routes et les chemins où, sensibles à l’hospitalité des langues des pays visités, les mots français se sont aventurés – avec bonheur, souvent. Voici le récit allègre du devenir de ces émigrés dans les langues européennes : faux amis, décalages, absorptions, destins cocasses… les curiosités linguistiques sont au rendez-vous, témoignant de la vivacité des liens entre langue, politique, géographie, histoire et imaginaire. de professionnels : psychiatres, psychologues, psychanalystes et, enfin, psychothérapeutes qualifiés de « ni, ni, ni » (parce que n’appartenant à aucune de ces catégories), qui, à partir de 1990 ont revendiqué la création d’un titre de psychothérapeute. Ce faisant, ils ont mis en effervescence le milieu de la psychothérapie (psychanalyse comprise). Cette opposition entre médecins et psychologues renvoie à un désaccord quant à la nature de ce que prendrait en charge la psychothérapie : une maladie, un mal-être, une « souffrance psychosociale » ? Le conflit porte aussi sur la formation des praticiens de la psychothérapie : les psychiatres et les psychologues, dont le cursus universitaire ne comporte pas de formation spécifique à la psychothérapie peuvent-ils être psychothérapeutes ? Autre « déchirement » sur la conception des troubles psychiques : sont-ils circonscrits et isolés les uns des autres ou renvoient-ils à un « mal-être » global ? Enfin, la psychothérapie peut-elle être une pratique standardisée et codifiée ou bien repose-t-elle fondamentalement sur la relation entre le « psy » et son « patient », « client » … ? Quel est l’avenir de la psychothérapie ? Je pense qu’elle est appelée à se développer car les questions de santé mentale sont devenues un problème de santé publique majeur (en octobre 2007 a eu lieu la première campagne d’éducation et de prévention sur la dépression), avec un véritable coût économique que l’on chiffre désormais. Si nous ne sommes plus à l’heure du « tout psy », on s’oriente actuellement vers des prises en charge combinant médicaments et psychothérapies, et leurs usagers ont vite saisi les opportunités données par l’ouverture du marché psychothérapeutique. Si l’essentiel du livre porte sur les transformations du domaine de la santé mentale, nous terminons par une perspective anthropologique sur les changements de fonctionnement de l’individualisme : la norme de l’autonomie d’aujourd’hui consiste pour chaque individu à devoir choisir sa vie – jusqu’à être responsable de sa santé mentale. Propos recueillis par Léa Monteverdi L’école et son double Essai sur l’évolution pédagogique en France Nathalie Bulle, éd. Hermann, coll. « Société et pensées », janvier 2009, 324 p. – 15 € L’auteur montre comment la démocratisation des systèmes éducatifs a suscité un appel d’idées pédagogiques opposées aux besoins fondamentaux de l’enseignement. Elle met au jour une série de croyances fausses, mystificatrices, qui se sont constituées autour de l’école, de ses succès comme de ses échecs. De façon concise et claire, des clefs de compréhension de la « crise de l’enseignement en France » sont données, ici, au lecteur, esquissant les bases d’une refondation de l’école afin que celle-ci puisse avoir un avenir réel. |