26 L’ENQUÊTE LES EXPERTS AU CŒUR DES DÉBATS Pour permettre au grand public de se forger une opinion sur un sujet polémique, rien de tel que la communication scientifique exercée par les experts. Mais qu’est-ce qu’un expert ? Comment est-il désigné et quel est son niveau d’indépendance lorsque l’on touche à certains intérêts économiques (toxicité des OGM, dangers du téléphone portable…) ? Telles sont quelques-unes des questions auxquelles Gérard Arnold, directeur adjoint scientifique de l’ISCC et responsable de l’équipe « Génomique, biodiversité, comportements de l’abeille » au sein du Laboratoire « Évolution, génomes et spéciation » (Legs), s’efforce de répondre, en lien avec des sociologues et des historiens : « Mes travaux m’ont conduit à exercer des activités d’expert, notamment dans un groupe de travail monté par le ministère de l’Agriculture et chargé d’évaluer les effets de certains pesticides sur l’abeille. D’une manière générale, la composition et le fonctionnement des groupes de travail consacrés à cette problématique ne sont pas totalement satisfaisants. Les chercheurs spécialisés dans le domaine y sont parfois minoritaires et les critères de nomination ne sont pas toujours clairs. » Il rappelle qu’un des critères principaux de l’évaluation du travail d’un chercheur est le nombre de ses publications dans des revues scientifiques de haut niveau. « Que cette règle soit également appliquée dans la composition des comités d’experts !, plaide Gérard Arnold. Et que la question des conflits d’intérêt soit systématiquement posée : certains chercheurs reçoivent des crédits de laboratoire provenant de firmes dont ils doivent évaluer les produits. » Un retour d’expérience tempéré par Françoise Gaill, directrice scientifique au CNRS (Institut écologie et environnement, INEE), pour qui certains types d’expertise échappent à la critique. « Ainsi, l’expertise collective réalisée par le CNRS à la demande du Meeddat (ministère de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement durable et de l’Aménagement du territoire) et du Minefi (ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie) sur les enjeux scientifiques liés aux substances chimiques dans le cadre du règlement Reach bénéficie d’une base solide en s’appuyant sur les membres et les activités du programme interdisciplinaire « Chimie pour le développement durable » du CNRS. » P.T.-V. Contacts : Gérard Arnold, gerard.arnold@iscc.cnrs.fr Françoise Gaill, francoise.gaill@cnrs-dir.fr Le journal du CNRS n°231 avril 2009 > yeux dans les yeux avec l’électeur potentiel et d’approcher ce dernier au plus près pour tenter de le convaincre. D’où l’usage intensif du réseau par les principaux candidats en lice lors de la dernière présidentielle en France. Ségolène Royal a fondé toute sa campagne sur l’idéal de « démocratie participative » dont le vecteur principal a été la consultation en ligne, par le biais de « forums participatifs ». « Les cyber-militants du PS ont été organisés selon un véritable plan de bataille, rappelle Arnaud Mercier, professeur d’information et communication à l’université de Metz. Certains étaient chargés de surveiller les forums des adversaires et de faire remonter des arguments échangés pour y trouver des parades, d’autres de répondre sur des forums. ». L’UMP, de son côté, a compris plus vite que les autres partis l’utilité de la bataille sur le Net avec, par exemple, « l’achat de mots pour faire aboutir les recherches Google sur son site de campagne, ou encore les adhésions express par électronique et le marketing politique par courriel ou SMS, poursuit le même expert. L’innovation est aussi venue de la montée en puissance de la NSTV, une « télévision » faite de centaines de reportages vidéo (meetings, visites, déclarations, témoignages de soutien…) sur Nicolas Sarkozy ». Le « réseau des réseaux », de l’avis des stratèges, aurait joué également un rôle déterminant dans la victoire de Barack Obama. Ses équipes, très jeunes, ont fait preuve d’un savoir-faire remarquable pour mobiliser grâce à Internet une armée de militants prêts à donner de leur temps pour soutenir sa candidature. « Ce réseau n’a fait que grandir au fil des mois, dit François Heinderyckx, professeur de communication politique à l’Université libre de Bruxelles. On estime qu’environ 13 millions de personnes ont rejoint l’équipe de campagne d’Obama après s’être connectées sur son site. Chacun de ces « petits soldats » recevait régulièrement sur son téléphone portable ou par courriel des messages « exclusifs » qui l’informaient avant tout le monde des derniers rebondissements de la campagne. Chacun avait par conséquent le sentiment de faire partie d’une avantgarde, d’une élite privilégiée. Grâce à ces canaux de communication directe, le Q.G. de campagne du candidat démocrate pouvait atteindre directement les militants avec des messages de première main, avant que l’information ne circule tronquée et déformée par les médias et les opposants. » © Illustration : P.Pasadas pour le Journal du CNRS LE NOUVEAU RÊVE AMÉRICAIN De quoi faire du 44 e locataire de la Maison Blanche le « premier-président-Internet-dutroisième-millénaire » ? À l’évidence, non !, répond Dominique Wolton. Son succès, le quadra désormais aux commandes de la première puissance mondiale le doit d’abord et avant tout à son art d’imposer ses arguments politiques, son identité et son style. Internet n’est qu’ « un « tuyau de plus », certes très puissant et très interactif, mais un système de communication supplémentaire ne suffit pas à créer une mutation sociopolitique. C’est parce qu’Obama a su se montrer extrêmement convaincant que ses arguments se sont propagés sur le Net et y ont galvanisé ses « troupes ». En tant que simple technique, ce réseau n’aurait jamais réussi à déclencher par luimême une telle vague de militantisme, à catalyser un tel enthousiasme. Le Net est venu accélérer une situation qui existait préalablement (un « désir de changer » après les huit années de présidence Bush) ». Obama a pu faire un usage maximal d’Internet parce qu’il avait le vent en poupe. Plus largement, renchérit Arnaud Mercier, toute l’histoire de la communication politique démontre que la montée en puissance d’un nouveau média s’accompagne toujours d’ « un discours simpliste prophétisant la mort des médias traditionnels ». Et que la crédibilité d’un homme politique dépend moins de l’usage qu’il fait des nouvelles technologies que de sa capacité d’action et de conviction. Que reste-t-il du dispositif élaboré par l’étatmajor de Barack Obama depuis que celui-ci a prêté serment ? L’effet « lune de miel », visiblement, persiste. « Toutes les lois que doit signer le nouveau président américain sont mises en ligne sur le site web de la Maison Blanche pendant cinq jours pour « avis du peuple », explique François Heinderyckx. Mais on est en droit de se demander, même si la nouvelle administration a promis d’être la plus transparente et la plus accessible de l’histoire des États-Unis, comment ce système de |