CNRS Le Journal n°231 avril 2009
CNRS Le Journal n°231 avril 2009
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°231 de avril 2009

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 2,8 Mo

  • Dans ce numéro : Les enjeux scientifiques de la communication

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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24 > L’ENQUÊTE permet à Internet d’exister sous sa forme actuelle », intervient Jacques Perriault, professeur honoraire en sciences de l’information et de la communication à l’Université Paris-X-Nanterre. Et de rappeler que si la norme TCP/IP et la norme HTML 3 n’avaient pas été adoptées voilà un quart de siècle, Internet aurait aujourd’hui des allures d’agrégat de microréseaux locaux faiblement connectés entre eux, voire incapables de dialoguer. « C’est un peu comme avec la prise courant 220 volts, poursuit le même expert. Faute d’avoir le même type de prise et le même courant partout, on ne peut pas utiliser n’importe où tel ou tel appareil électrique. » Les sociétés ont toujours eu besoin de standards techniques (les monnaies, les unités de mesure de l’espace et du temps en témoignent tout au long de l’histoire), mais leur numérisation galopante amplifie considérablement le mouvement. Que de multiples organismes 4 où siègent essentiellement des représentants des pays et des grands groupes industriels soient en charge de la normalisation technique de la Toile est une chose. Que le « design technique » qu’ils conçoivent réponde à un dessein réellement éthique en est une autre. L’un des principaux enjeux actuels consiste à « distiller plus de démocratie et de transparence dans les processus d’élaboration de normes, ce qui suppose que les experts ne soient pas les seuls à trancher, mais que les représentants de la société civile, des organisations sociales, les élus et les développeurs de logiciels libres s’impliquent vraiment », plaide Jacques Perriault. D’autant, rappelle Françoise Massit-Folléa, que le caractère de « ressource publique » d’Internet, tout en ranimant le vieux débat entre technique et société, « l’inscrit dans un contexte politique nouveau : celui de la gouvernance multi-acteurs internationale, en quête de principes pour dépasser les conflits d’intérêts et de valeurs ». Le journal du CNRS n°231 avril 2009 L’INTERNET DES OBJETS Une évolution souhaitable alors que prend corps « l’Internet des objets » qui promet de relier entre eux des milliards et des milliards de produits physiques, chacun doté de sa propre adresse IP – IP pour Internet Protocol, série unique de nombres qui permet d’identifier un ordinateur sur Internet. Ce nouveau réseau mondial permettrait par exemple, au risque de transférer le contrôle de la vie quotidienne de chacun à des dispositifs maîtrisés par d’autres, d’envoyer un SMS à la chaudière de sa maison de campagne pour qu’elle se mette en route plusieurs heures avant votre arrivée, à un chéquier d’interroger un compte bancaire en ligne et d’alerter son titulaire en cas de découvert, à une imprimante de commander automatiquement de nouvelles cartouches d’encre… Pareille mutation de l’outil le plus puissant jamais inventé pour le partage de l’information a de quoi nourrir des craintes : comment éviter que la traçabilité des objets ne se transforme en traçabilité des personnes ? Comment faire en sorte qu’un tel réseau ne soit pas LES DÉFIS DES INDUSTRIES DE LA CONNAISSANCE La recherche de masse 1, tout en produisant de plus en plus d’information scientifique et technique (IST), induit une nouvelle façon de faire de la science. « Certains secteurs (la physique des particules, l’astrophysique, l’espace, le climat…) deviennent de plus en plus « collaboratifs », constate Michel Spiro, directeur de l’Institut national de physique nucléaire et de physique des particules (IN2P3). Cette coopération mondiale se traduit par l’émergence d’outils inédits comme la « grille de calcul » du LHC (Large Hadron Collider, le plus grand accélérateur de particules du monde), un superordinateur délocalisé qui fonctionne entre autres grâce à un réseau de fibres optiques permettant d’envoyer les données du Cern vers onze centres de calcul majeurs en Europe, en Amérique du Nord et en Asie. Par ailleurs, les nouvelles technologies de l’information débouchent sur une éthique scientifique partagée et une entraide entre les chercheurs : quand un collègue connaît des problèmes avec les autorités de son pays, elles accélèrent la création de réseaux de solidarité et d’entraide. » La « révolution numérique » retentit également sur le mode de diffusion du gigantesque volume de savoir généré par les scientifiques aux quatre coins de la planète. « L’avènement d’Internet et de l’édition électronique remet lentement mais sûrement en cause le modèle classique de l’industrie de la publication scientifique dominée aujourd’hui encore à 80% par cinq gros éditeurs (Reed Elsevier, Thomson, Wolter Kluwer, Springer, Wiley), dit Marc Guichard, directeur adjoint de l’Institut de l’information scientifique et technique (Inist) du CNRS 2 et directeur adjoint scientifique de l’ISCC. Les chercheurs peuvent mettre maintenant une version de leurs articles sur leurs propres sites ou les déposer dans des archives ouvertes telles que le serveur HAL du CNRS (www.hal.archives-ouvertes.fr). On voit donc émerger un modèle alternatif au schéma d’édition existant, au nom du « libre accès à l’IST ». » excessivement intrusif, etc. ? « Le développement de « l’Internet des objets », qui risque de modifier la vie quotidienne de milliards d’internautes, ne saurait être laissé entre les mains des seuls industriels tant il soulève des enjeux sociaux, politiques, philosophiques, cognitifs, juridiques et éthiques, conclut Dominique Boullier. Il est assez paradoxal de constater qu’Internet sert aujourd’hui de support matériel aux discussions publiques autour de grands choix technologiques comme la construction d’une ligne de TGV, mais que l’on peine à inventer des procédures semblables dans le domaine des technologies de l’information, en préférant les instances de régulation où se retrouvent uniquement les experts. » Philippe Testard-Vaillant 1. Laboratoire CNRS/Université de Compiègne/Université Paris-VIII/Cité des sciences et de l’industrie. 2. Vox Internet a reçu le soutien de l’Agence nationale de la recherche (ANR). Site web : www.voxinternet.org. 3. La norme TCP/IP (Transmission Control Protocol/Internet Protocol) définit les règles s’appliquant au transfert des messages, la norme HTML (Hypertext Marking Language) à la présentation d’une page web. 4. IETF (Internet Engineering Task Force), W3C (World Wide Web Consortium), ou ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers)… Cette dernière est une association de droit privé américaine qui gère, sous le contrôle du gouvernement des États-Unis, les noms de domaine et contrôle ainsi l’ensemble du système d’adressage du réseau… Par exemple, le projet SCOAP3, initié par le Cern et soutenu par le CNRS, modifie le modèle économique d’au moins six grandes revues internationales du domaine de la physique des hautes énergies. Les sommes versées jusqu’ici aux éditeurs par les organismes de recherche pour s’abonner à ces publications le sont toujours, mais les éditeurs, qui ne devraient pas perdre pas un centime dans l’affaire, vont désormais recevoir cet argent sous forme de subventions pour la mise en « open access » du contenu de leurs revues. P.T.-V. 1. La France compte à elle seule quelque 100000 chercheurs publics. 2. L’Inist, issu des centres de documentation du CNRS créés en 1998, facilite l’accès aux résultats des différents champs de la recherche mondiale. Sa base de données multidisciplinaire comprend 18 millions de références bibliographiques et reçoit entre 500000 et 800000 requêtes par jour. Site web : www.inist.fr Contacts : Michel Spiro mspiro@admin.in2p3.fr Marc Guichard guichard@inist.frs CONTACTS ➔ Éric Dacheux eric.dacheux@univ-bpclermont.fr ➔ Laurence Monnoyer-Smith laurence.smith@club-internet.fr ➔ Dominique Boullier dominique.boullier@uhb.fr ➔ Françoise Massit-Folléa francoise.massit@voxinternet.org ➔ Jacques Pierrault jacques.perriault@wanadoo.fr
© Illustration : P.Pasadas pour le Journal du CNRS Quand le politique surfe sur le numérique L’ENQUÊTE 25 Qui se réveillerait après un demisiècle d’hibernation et s’intéresserait aux formes de la communication politique en ce début de XXI e siècle n’en reviendrait pas. Car autant le souci propre à tout dirigeant politique d’ « aller au charbon », de se « mettre en scène et en récit » pour s’imposer dans l’arène électorale ou confirmer son statut, n’a pas varié d’un iota depuis des lustres, autant les méthodes ad hoc ont changé du tout au tout, ce qu’aucun augure n’avait prévu. Blogs, forums, chats, SMS, télévision sur Internet, réseaux sociaux (Facebook, Myspace, Twitter…) : toute une batterie de dispositifs interactifs, mis à profit par des escouades de conseillers en communication (« spins doctors ») et permettant de jouer la carte de la modernité, de la rapidité, de la transparence et de la proximité (le web-citoyen a l’impression d’être enfin écouté, voire entendu), et de se montrer sous un jour plus décontracté (au risque de tomber dans la « pipolisation ») , a révolutionné l’univers de la « com’ politique » et ringardisé les médias de masse. Difficile, aujourd’hui, de trouver un homme ou une femme politique, quelle que soit son étiquette, qui clame sa nostalgie pour les conférences de presse gaulliennes aux allures de longs monologues, et qui n’informe pas ses amis et adhérents, en temps réel ou presque, via la Toile, de ses moindres faits et gestes. TOILE DE PROXIMITÉ D’innombrables enquêtes montrent en effet que la presse écrite, la radio et la télévision ne sont pas les médias les plus efficaces pour peser sur la décision de l’électeur. C’est que « les intentions de vote sont très tôt et très fortement ancrées, dit Isabelle Veyrat-Masson, directrice du Laboratoire « Communication et politique » (LCP). Ces médias tendent donc moins à aider des citoyens cherchant à s’informer qu’à renforcer des opinions lourdement déterminées par des caractéristiques sociales. Pour décider de leur vote, les moins convaincus (les électeurs les plus susceptibles de changer d’opinion) s’adressent en priorité aux « guides d’opinion » (parents, mari/épouse, patron, syndicalistes…) qu’ils jugent les mieux informés », et surtout en qui ils ont confiance. Bref, l’influence des médias classiques demeure très limitée, alors qu’Internet, malgré l’effet de saturation qu’il peut déclencher, donne à l’homme politique le sentiment, sinon l’illusion, de pouvoir engager une communication interpersonnelle, de pouvoir dialoguer quasiment les > Le journal du CNRS n°231 avril 2009



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