CNRS Le Journal n°231 avril 2009
CNRS Le Journal n°231 avril 2009
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°231 de avril 2009

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 2,8 Mo

  • Dans ce numéro : Les enjeux scientifiques de la communication

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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22 L’ENQUÊTE ISCC : UN INSTITUT INTERDISCIPLINAIRE AU CNRS « Information, communication et sciences forment plus que jamais un trio inséparable », affirme Dominique Wolton. Et de rappeler que la première est au fondement de toute connaissance, la deuxième le moteur de l’interdisciplinarité (laquelle consiste, pour des sciences différentes souhaitant apprendre à travailler ensemble, à se rapprocher et à coopérer, à communiquer) et les troisièmes sont les productrices essentielles de connaissances dans nos sociétés. « Plus précisément, poursuit le directeur de l’Institut des sciences de la communication du CNRS (ISCC), l’information et la communication siègent au centre des relations de plus en plus étroites qu’entretiennent les sciences, les techniques et la société. Elles jouent donc un rôle « interne » aux sciences et aux techniques, et un rôle « externe » dans les rapports que celles-ci entretiennent avec la société. Les sciences de la communication, dont je ne cesse de répéter qu’elles doivent être l’affaire de toutes les branches de la recherche, et non l’apanage des sciences humaines et sociales, constituent un ensemble de savoirs nécessaires à une société dominée par les interactions, mais aussi un objet théorique interdisciplinaire et une théorie de la connaissance. Des sciences formelles aux sciences de la matière et de l’environnement, des technologies aux organisations, des sciences du vivant aux sciences de l’homme et de la société, toutes les sciences, quelles qu’elles soient, sont concernées. » Voilà pourquoi, depuis sa création en 2006, l’ISCC, qui dans le domaine des sciences de l’information et de la communication a reçu pour mission de mettre en place une politique structurelle interdisciplinaire au CNRS, en lien avec l’université et les autres institutions de recherche, s’attache à mettre en avant trois champs de recherche transversaux qui forcément se fichent au cœur des préoccupations des autres instituts du CNRS : l’épistémologie comparée (pour comprendre comment l’information et la communication n’ont pas le même sens selon les disciplines) ; la construction de nouveaux domaines de recherches interdisciplinaires ; l’expertise, les controverses et les industries de la connaissance. À leurs côtés, l’institut a également initié dix domaines de recherche qui sont liés à l’émergence des sciences de l’information et de la communication : l’épistémologie comparée, la place des concepts d’information et de communication dans les différentes sciences ; les conditions et les modalités du développement de l’interdisciplinarité ; les controverses aux champs scientifiques et techniques ; la place Le journal du CNRS n°231 avril 2009 des systèmes d’information et des bases de données dans l’évolution des connaissances ; l’histoire et l’anthropologie des sciences et des domaines de connaissance ; l’expertise, les risques et les normes ; les rapports, dans les deux sens, entre les communautés scientifiques et techniques et la société ; les enjeux liés à la mondialisation des industries de la connaissance et à la responsabilité des scientifiques ; les mutations de la culture scientifique et des rapports entre information scientifique, communication et vulgarisation dans l’espace public des sociétés médiatisées ; les conflits de légitimité et de responsabilité dans les relations entre sciences, techniques et société. « Les six premiers items sont liés à la place de l’information et de la communication dans la dynamique des connaissances scientifiques et techniques, commente Dominique Wolton. Les quatre derniers concernent les rapports de plus en plus importants, et compliqués, entre le monde scientifique et la société. Enfin parallèlement, l’ISCC continue de développer ses cinq axes de recherche prioritaires » : langage et communication ; communication politique, espace public et société ; mondialisation et diversité culturelle ; information scientifique et technique ; sciences, techniques et société. « L’ISCC s’appuie enfin sur un pôle Édition regroupant la revue Hermès (20 ans, 53 numéros et plus de 1000 auteurs), la collection « Les essentiels d’Hermès » (3 numéros par trimestre depuis 2007) et la collection « CNRS communication ». » P.T.-V. > © Illustrations : P.Pasadas pour le Journal du CNRS Internet, un outil Net-politique », « e-gouvernement et e-administration », « citoyenneté numérique » … : autant d’expressions en vogue qui traduisent un « reformatage », grâce aux nouvelles technologies de l’information et de la communication, des règles à la base du fonctionnement de l’espace public dans nos sociétés. Ce dernier, rappelle Éric Dacheux, professeur à l’université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand, et membre du laboratoire « Communication et politique » du CNRS, « est un des concepts fondamentaux de la démocratie. Il désigne le lieu symbolique où peuvent s’exprimer toutes les opinions qui structurent le jeu politique, où l’on traite des questions relevant de la collectivité ». Sauf que cet espace, qui concourt à une certaine pacification des mœurs sociales « en substituant la communication à la violence physique » et qui se veut universel, est inégalitaire puisque tout le monde n’y a pas accès. Ce qui explique, selon Laurence Monnoyer-Smith, professeur en sciences de l’information et de la communication à l’université de Compiègne et membre du même laboratoire, qu’ « un mouvement de fond, venu de la société civile, se dessine, qui réclame d’autres « modalités de participation » que celles qui exis-
au service de la démocratie ? taient jusqu’ici et qui passaient par les instances que sont le Parlement, les syndicats, les partis politiques et les associations ». LA PAROLE POUR TOUS Cette tendance est liée à divers facteurs sociopolitiques, au premier rang desquels l’élévation générale du niveau de l’instruction, l’ébranlement de l’idéologie du Progrès, la montée de l’individualisme et la globalisation des risques inhérents au changement climatique en cours, aux OGM, aux choix énergétiques tournés vers le nucléaire… Sachant que ces problèmes sociétaux risquent d’appeler des décisions aux conséquences très lourdes pour les populations, ces dernières ne veulent plus que les experts et les États soient « les seuls acteurs à participer au « processus décisionnel » et à détenir les clés de l’intérêt général, poursuit la même chercheuse. Or, les nouveaux supports de l’information et de la communication permettent de créer des dispositifs de concertation inédits à même de répondre à cette attente : blogs, forums, réseaux sociaux, sites de débats publics comme celui mis en place lors du Grenelle de l’environnement, celui géré par la Commission nationale du débat public, ou encore, plus localement, celui ouvert à propos du projet L’ENQUÊTE 23 d’implantations d’éoliennes en Nord-Pas-de- Calais ». De fait, un nombre croissant d’individus « ordinaires » s’emparent de ces outils numériques pour prendre la parole, remettre en cause les « formats d’autorité traditionnels », déplacer le centre de gravité des décisions et signer une poussée de « l’expertise profane ». Et monsieur tout-le-monde de pouvoir faire entendre sa voix dans le concert de l’espace public. Entièrement d’accord, opine Dominique Boullier, ancien directeur du Laboratoire des usages en technologies d’information numériques (Lutin) 1 et actuel directeur du Laboratoire d’anthropologie et de sociologie (LAS) de l’université Rennes-II, mais au-delà de ces débats publics « formalisés » frayant « des pistes de relance » pour la démocratie représentative, d’autres formes de participation émergent, en dehors de toute procédure publique. Exemple : ce groupe de citoyens anonymes baptisé « Pièces et main-d’œuvre » et basé à Grenoble qui a « généré sur Internet un mouvement contestant le développement des bio- et nanotechnologies dans l’agglomération alpine. Ce type d’interventions issues de la sphère privée et destinées à semer le doute, à tirer le signal d’alarme sans viser nécessairement un but précis comme le ferait un mouvement social organisé (la satisfaction d’une revendication, le vote d’une loi…), est intéressant parce que son principe de fonctionnement relève de l’influence et de la contagion, et parce qu’il détrône les médias de masse dans la fabrication de l’opinion ». QUI GOUVERNE INTERNET ? Mais comment est gouverné Internet lui-même, cet enfant surprise de la guerre froide conçu à la demande des militaires américains dans les années 1960 et devenu depuis le milieu des années 1990 la principale infrastructure mondiale de communication doublée du seul dispositif à permettre des échanges « many to many » (de « tous à tous » et non de « un à un », comme avec le téléphone, ou de « un à tous », comme avec les médias de masse) ? Pour Françoise Massit-Folléa, chercheuse en sciences de l’information et de la communication à la Fondation Maison des sciences de l’homme et responsable scientifique du programme Vox Internet 2, il s’agit de distinguer la gouvernance avec Internet, la gouvernance sur Internet et la gouvernance de l’Internet. La première, dit-elle, renvoie à la manière, évoquée plus haut, dont « le réseau des réseaux est susceptible d’accélérer la modernisation et la gestion des politiques publiques, de renforcer le dialogue entre l’administration et les administrés, de faciliter les relations hommes politiques-citoyens… L’Angleterre, de ce point de vue, est un des pays qui multiplient le plus les initiatives en matière d’ « e-government » et d’ « e-administration », encore que ce soit aussi outre- Manche que se produisent les bugs les plus fâcheux (données détruites, dossiers égarés…). Et ce n’est pas parce que l’on fait du débat en ligne, sur tel ou tel sujet de politique publique, que la décision ultime débouche sur la satisfaction des opposants ! » La gouvernance sur Internet, quant à elle, concerne la régulation des contenus : droit des personnes et des marques, lutte contre les spams (messages électroniques non sollicités), la cyberdélinquance, le racisme, la pornographie… Cette régulation est soumise, pour l’heure, aux législations nationales ou internationales en vigueur, dont l’articulation s’avère très complexe. UNE NORMALISATION NÉCESSAIRE Reste la gouvernance d’Internet, laquelle invite à une réflexion sur la construction démocratique des normes. Attention ! « « Normalisation » est un mot trompeur qui ne signifie pas du tout « uniformisation des contenus », comme on le pense souvent à tort, mais production de standards techniques en matière d’interopérabilité (c’est-à-dire la capacité qu’ont des systèmes informatiques à fonctionner ensemble), d’adressage, de cryptage, d’accès au réseau…, autrement dit tout ce qui > Le journal du CNRS n°231 avril 2009



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