22 L’ENQUÊTE ISCC : UN INSTITUT INTERDISCIPLINAIRE AU CNRS « Information, communication et sciences forment plus que jamais un trio inséparable », affirme Dominique Wolton. Et de rappeler que la première est au fondement de toute connaissance, la deuxième le moteur de l’interdisciplinarité (laquelle consiste, pour des sciences différentes souhaitant apprendre à travailler ensemble, à se rapprocher et à coopérer, à communiquer) et les troisièmes sont les productrices essentielles de connaissances dans nos sociétés. « Plus précisément, poursuit le directeur de l’Institut des sciences de la communication du CNRS (ISCC), l’information et la communication siègent au centre des relations de plus en plus étroites qu’entretiennent les sciences, les techniques et la société. Elles jouent donc un rôle « interne » aux sciences et aux techniques, et un rôle « externe » dans les rapports que celles-ci entretiennent avec la société. Les sciences de la communication, dont je ne cesse de répéter qu’elles doivent être l’affaire de toutes les branches de la recherche, et non l’apanage des sciences humaines et sociales, constituent un ensemble de savoirs nécessaires à une société dominée par les interactions, mais aussi un objet théorique interdisciplinaire et une théorie de la connaissance. Des sciences formelles aux sciences de la matière et de l’environnement, des technologies aux organisations, des sciences du vivant aux sciences de l’homme et de la société, toutes les sciences, quelles qu’elles soient, sont concernées. » Voilà pourquoi, depuis sa création en 2006, l’ISCC, qui dans le domaine des sciences de l’information et de la communication a reçu pour mission de mettre en place une politique structurelle interdisciplinaire au CNRS, en lien avec l’université et les autres institutions de recherche, s’attache à mettre en avant trois champs de recherche transversaux qui forcément se fichent au cœur des préoccupations des autres instituts du CNRS : l’épistémologie comparée (pour comprendre comment l’information et la communication n’ont pas le même sens selon les disciplines) ; la construction de nouveaux domaines de recherches interdisciplinaires ; l’expertise, les controverses et les industries de la connaissance. À leurs côtés, l’institut a également initié dix domaines de recherche qui sont liés à l’émergence des sciences de l’information et de la communication : l’épistémologie comparée, la place des concepts d’information et de communication dans les différentes sciences ; les conditions et les modalités du développement de l’interdisciplinarité ; les controverses aux champs scientifiques et techniques ; la place Le journal du CNRS n°231 avril 2009 des systèmes d’information et des bases de données dans l’évolution des connaissances ; l’histoire et l’anthropologie des sciences et des domaines de connaissance ; l’expertise, les risques et les normes ; les rapports, dans les deux sens, entre les communautés scientifiques et techniques et la société ; les enjeux liés à la mondialisation des industries de la connaissance et à la responsabilité des scientifiques ; les mutations de la culture scientifique et des rapports entre information scientifique, communication et vulgarisation dans l’espace public des sociétés médiatisées ; les conflits de légitimité et de responsabilité dans les relations entre sciences, techniques et société. « Les six premiers items sont liés à la place de l’information et de la communication dans la dynamique des connaissances scientifiques et techniques, commente Dominique Wolton. Les quatre derniers concernent les rapports de plus en plus importants, et compliqués, entre le monde scientifique et la société. Enfin parallèlement, l’ISCC continue de développer ses cinq axes de recherche prioritaires » : langage et communication ; communication politique, espace public et société ; mondialisation et diversité culturelle ; information scientifique et technique ; sciences, techniques et société. « L’ISCC s’appuie enfin sur un pôle Édition regroupant la revue Hermès (20 ans, 53 numéros et plus de 1000 auteurs), la collection « Les essentiels d’Hermès » (3 numéros par trimestre depuis 2007) et la collection « CNRS communication ». » P.T.-V. > © Illustrations : P.Pasadas pour le Journal du CNRS Internet, un outil Net-politique », « e-gouvernement et e-administration », « citoyenneté numérique » … : autant d’expressions en vogue qui traduisent un « reformatage », grâce aux nouvelles technologies de l’information et de la communication, des règles à la base du fonctionnement de l’espace public dans nos sociétés. Ce dernier, rappelle Éric Dacheux, professeur à l’université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand, et membre du laboratoire « Communication et politique » du CNRS, « est un des concepts fondamentaux de la démocratie. Il désigne le lieu symbolique où peuvent s’exprimer toutes les opinions qui structurent le jeu politique, où l’on traite des questions relevant de la collectivité ». Sauf que cet espace, qui concourt à une certaine pacification des mœurs sociales « en substituant la communication à la violence physique » et qui se veut universel, est inégalitaire puisque tout le monde n’y a pas accès. Ce qui explique, selon Laurence Monnoyer-Smith, professeur en sciences de l’information et de la communication à l’université de Compiègne et membre du même laboratoire, qu’ « un mouvement de fond, venu de la société civile, se dessine, qui réclame d’autres « modalités de participation » que celles qui exis- |