20 > L’ENQUÊTE catastrophe naturelle, guerre, assassinat, naissance…) survenant n’importe où dans le village global de plus en plus numérisé qu’est devenue la planète, renchérit Dominique Wolton, directeur de l’Institut des sciences de la communication du CNRS (ISCC). Cela représente une rupture dans notre rapport au monde, parce que cela nous rend visibles tous les autres, toutes les cultures, les religions, les couleurs de peau… ». Mais avec l’augmentation des flux d’informations, le taux de compréhension et de tolérance entre les hommes s’accroît-il ? Avec l’explosion du nombre d’ordinateurs, de serveurs Internet, de téléphones portables, de radios et de télévisions, nous rapprochons-nous davantage les uns des autres ? De toute évidence, non. La prolifération des techniques d’information abolit les distances physiques et dilue les frontières nationales, mais « elle ne dissout pas les difficultés d’intercompréhension, elle ne débouche pas automatiquement sur l’universalité de la communication, assure Dominique Wolton. En créant CNN au début des années 1980, les Américains se figuraient naïvement que cette chaîne d’information mondiale allait servir de rampe de lancement à leurs valeurs, propager urbi et orbi leur « way of life » ou leur « world thinking », et ensemencer la « conscience démocratique » là où elle n’existait pas. Or, c’est exactement l’inverse qui s’est produit. Loin de féconder du lien social, CNN n’a cessé de sécréter de l’anti-américanisme et d’attiser des revendications identitaires. Ce n’est pas parce qu’un émetteur répète indéfiniment un message que celui-ci devient forcément un modèle universel. Regarder ne suffit pas à adhérer. Être influencé ne signifie pas être dupe... » LE FACTEUR HUMAIN En d’autres termes, aucun lien mécanique n’existe entre la production exponentielle d’informations, via des médias de plus en plus performants, et le succès du dialogue, du partage, de la cohabitation avec l’Autre, celui dont la langue, l’idéologie, les codes, la religion, les rituels, les références historiques…, sont bien souvent aux antipodes des nôtres. Plus il y a d’information et de « tuyaux » pour la faire transiter et plus la communication, paradoxalement, s’avère ardue. « Le plus simple, dans la communication, reste les techniques, le plus compliqué, les hommes, les sociétés, la diversité culturelle dont l’importance a été reconnue officiellement par la communauté des États grâce à l’adoption par l’Unesco, en octobre 2005, de la « Convention internationale sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles » (56 États ont ratifié ce traité) », insiste Dominique Wolton, pour qui la question de la communication humaine dans la mondialisation se pose après la victoire de l’information. « C’est même la question essentielle de ce début du XXI e siècle après celle de l’environnement, Le journal du CNRS n°231 avril 2009 © Illustration : P.Pasadas pour le Journal du CNRS |