CNRS Le Journal n°231 avril 2009
CNRS Le Journal n°231 avril 2009
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°231 de avril 2009

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 2,8 Mo

  • Dans ce numéro : Les enjeux scientifiques de la communication

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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16 PAROLED’EXPERT L’Otan, une alliance en mutation Ce mois-ci, l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (Otan) célèbre ses 60 ans, notamment lors d’un sommet les 3 et 4 avril à Strasbourg et à Kehl en Allemagne. A-t-elle rempli les missions qui ont présidé à sa création ? Bastien Irondelle : Créée le 4 avril 1949 par les États-Unis, le Canada et plusieurs pays européens 2, l’Otan avait à l’origine un double rôle, qu’elle a effectivement tenu : assurer la défense de l’Europe dans un contexte de guerre froide et instaurer des relations transatlantiques entre l’Europe de l’Ouest et les États-Unis. Elle garantissait l’implication des États-Unis dans la sécurité européenne. Or la guerre froide s’est achevée en 1989 par une « victoire » de l’Otan : non seulement le pacte de Varsovie (l’alliance entre la plupart des pays du bloc communiste) a été dissous, mais les pays d’Europe centrale et orientale (Hongrie, Pologne, Roumanie), ainsi que d’anciennes républiques socialistes et soviétiques tels les Pays baltes, ont rejoint l’alliance atlantique. Les relations transatlantiques ont aussi été maintenues. Et après 1989, bien que sa mission de défense collective se soit atténuée, elle a offert une garantie de sécurité pour les nouveaux venus en 1999 et 2004, inquiets d’une résurgence de la menace venant de leur voisin russe. L’Otan aurait donc encore une utilité… B.I. : Indiscutablement. D’abord, elle demeure la seule organisation internationale à la fois politique et militaire constituée par les États- Unis et l’Europe. Ensuite, depuis 1989, ses Le journal du CNRS n°231 avril 2009 Bastien Irondelle, spécialiste des relations internationales au Centre d’études et de recherches international (Ceri) 1 missions ont évolué : elle a élargi son champ d’action hors de la zone euro-atlantique, intervenant dans les Balkans, au Kosovo et en Afghanistan. Et elle a étendu ses fonctions : elle s’occupe de crises internationales, se déployant dans des opérations de stabilisation et de reconstruction ; elle s’inscrit par ailleurs dans la lutte contre le terrorisme et le trafic de drogue, et peut intervenir en cas de catastrophe naturelle. Revers de la médaille, on lui reproche parfois de sortir de son terrain de compétences. Justement, l’Otan est-elle adaptée à ses nouvelles fonctions ? B.I. : Loin de là. Pour preuve, l’intervention en Afghanistan dure depuis huit ans et son résultat est plus que mitigé… L’Otan a en effet été conçue dans le cadre d’une « grande guerre classique » et non pour lutter contre la guérilla. Elle doit aussi prendre en compte la délicate période de transition « Elle demeure la seule organisation internationale à la fois politique et militaire constituée par les États-Unis et l’Europe. » entre le conflit armé et la stabilisation d’une région, tandis qu’il y a souvent concomitance entre phases d’affrontements militaires et phases de stabilisation. C’est pourquoi elle entreprend sa « transformation militaire » pour disposer d’armées plus souples, capables de se déployer vite et loin et de s’adapter à l’évolution du contexte conflictuel d’une crise. Le retour annoncé de la France dans l’Otan divise l’opinion. Pourquoi ? B.I. : Rappelons que la France, l’un des premiers contributeurs de l’Otan en termes de troupes et de budget, n’a jamais quitté l’alliance : c’est de son commandement qu’elle s’est retirée en 1966, lorsque le général De Gaulle a estimé qu’elle devait retrouver sa pleine souveraineté, grâce à l’arme nucléaire. Or sur le plan militaire, France et Otan collaborent de plus en plus depuis 1990, et cette coopération fonctionne plutôt bien. Du coup, se demandent certains, à quoi bon une telle réintégration, ou plutôt une « normalisation » ? D’un point de vue politique, les souverainistes dénoncent un risque d’alignement sur les États-Unis et une perte d’indépendance. Cet argument est à nuancer : l’Otan garantit l’autonomie de ses membres quant à leur participation à des opérations. De plus, la France resterait indépendante en matière nucléaire. Il est vrai, cela dit, qu’en politique étrangère, ne pas être membre à part entière lui conférait plus de marge de manœuvre et d’importance pour dialoguer avec certains pays, notamment le monde arabo-musulman. Enfin, pour les « pro-Européens », ce retour annihilerait le développement d’une défense européenne autonome. Les « atlantistes » estiment au contraire que la relance de la Politique européenne de sécurité et de défense (PESD) suppose la levée de notre statut particulier. Dans tous les cas, il faudra éviter que ne se mette en place un partage inégal des tâches entre l’Otan et l’UE, que ne s’instaure un « droit de premier regard » de l’Otan sur les dossiers concernant la sécurité des Européens. Enfin, il faudra que les États-Unis acceptent à long terme le développement d’une défense européenne. Rien n’est moins sûr. Propos recueillis par Stéphanie Arc 1. Centre CNRS/Sciences-Po. 2. L’Otan rassemblait d’abord les signataires du Traité de Bruxelles (Belgique, France, Luxembourg, Pays-Bas et Royaume-Uni), les États-Unis et le Canada ainsi que cinq autres pays d’Europe occidentale (Danemark, Italie, Islande, Norvège et Portugal). Elle compte aujourd’hui 26 membres. CONTACT ➔ Bastien Irondelle Sciences Po, Paris bastien.irondelle@sciences-po.fr
Moustafa Bensafi Du goût pour les odeurs Un parfum de réussite plane sur les travaux de ce jeune chercheur lyonnais de 36 ans, lauréat en 2008 de la médaille de bronze du CNRS et d’un prix américain 1 pour ses découvertes sur l’olfaction. Fasciné depuis l’enfance par le monde des fragrances, il entreprend en 1998 une thèse en psychologie cognitive sur le traitement affectif des odeurs, autour de deux questions essentielles : comment mesurer les émotions olfactives ? Comment les odeurs influencent-elles notre comportement ? Il poursuit ces recherches lors de son postdoctorat à Berkeley et entre au CNRS en 2004, au laboratoire « Neurosciences sensorielles, comportement, cognition » 2. Le rôle des émotions est primordial dans la survie et l’adaptation de l’espèce, et l’odorat en est un facteur essentiel. C’est en effet sur la base d’alertes olfactives que les animaux apprennent à éviter les prédateurs, à chasser leurs proies ou à choisir leurs aliments. Dans l’espèce humaine, les réactions émotionnelles aux odeurs contribuent également de façon majeure aux relations sociales. Moustafa Bensafi va en explorer tous les aspects et les circuits. Il commence par révéler l’existence de différents systèmes, en privilégiant l’observation de caractéristiques non verbales, comme les mimiques faciales ou les variations du rythme cardiaque. Puis démontre, dans des expériences réalisées à Berkeley, que les odeurs influencent le comportement humain et cela, même hors du champ de la conscience. Mais son terrain de prédilection, « ce sont les représentations mentales ! » Comment les odeurs sont-elles pensées par le cerveau humain ? L’imagerie fonctionnelle montre que la pensée des odeurs et la sensation réelle d’odeurs activent les mêmes réseaux neuronaux, notamment situés dans le cortex piriforme. Confirmation avec une expérience sur le « flairage » à laquelle a contribué Moustafa Bensafi, où les participants devaient penser à un parfum. Les chercheurs ont alors constaté qu’ils humaient activement pour générer cette odeur et cela, d’autant plus fort et plus longtemps que l’odeur imaginaire leur était plaisante. Mais qu’il suffisait de leur mettre un clip sur le nez pour que la clarté de l’image olfactive se dégrade. Les réponses hédoniques aux odeurs varient au cours de la vie. Codées et mémorisées dans l’enfance, elles se développent durant © B. Rajau/CNRS Photothèque l’adolescence et l’âge adulte puis décroissent. Une expérience réalisée avec Lancôme montre une « anhédonie » chez certaines femmes autour de la ménopause, c’est-à-dire une baisse de la capacité à éprouver du plaisir en réponse à des stimulations sensorielles ; mais l’usage de crèmes parfumées provoque Dans l’espèce humaine, les réactions émotionnelles aux odeurs contribuent de façon majeure aux relations sociales. des effets relaxants et apaisants même chez les femmes les moins réceptives au plaisir. Ce qui ouvre d’immenses perspectives dans l’industrie des cosmétiques et de l’environnement. « Nous sommes très sollicités par l’industrie, reconnaît Moustafa Bensafi, mais je privilégie la recherche fondamentale ! » Il travaille actuellement sur deux projets. L’un sur les différences transculturelles : JEUNESCHERCHEURS 17 à partir de groupes humains géographiquement éloignés, il étudie avec d’autres scientifiques le rôle que joue, dans la formation des préférences olfactives, l’exposition à des saveurs pendant l’enfance. L’autre projet porte sur l’inné et l’acquis : en travaillant sur le modèle animal avec son équipe, il cherche à vérifier si des constantes se sont maintenues au cours de l’évolution des espèces. Une hypothèse récemment vérifiée, puisqu’il s’avère que les souris et les hommes ont les mêmes préférences olfactives, ce qui confirme que ces préférences ne sont pas seulement déterminées par l’expérience ou la culture mais aussi par la structure de la molécule odorante 3. Reste-t-il à Moustafa un peu de temps libre ? Avec trois jeunes enfants, il avoue que les loisirs sont rares. Mais il se régale à voir sa fille et ses deux garçons commencer à flairer les roses du jardin… Françoise Tristani 1. Le Moskowitz Jacobs Inc. Award for Research Excellence in the Psychophysics of Taste and Smell. 2. Laboratoire CNRS/Université Lyon-I. 3. www2.cnrs.fr/presse/communique/1495.htm CONTACT ➔ Moustafa Bensafi Laboratoire « Neurosciences sensorielles, comportement, cognition », Lyon bensafi@olfac.univ-lyon1.fr Le journal du CNRS n°231 avril 2009



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