14 INNOVATION MATÉRIAUX Une forêt d’innovations Le bois fait aujourd’hui l’objet d’un fourmillement d’innovations aussi diverses qu’insoupçonnées. Alors que deux salons dédiés à ses utilisations s’apprêtent à ouvrir leurs portes 1, l’Unité sciences du bois et des biopolymères (US2B) 2 nous dévoile ses travaux. C’est un avenir un or qui se dessine actuellement pour le bois ! Qu’on en juge : les nouveaux produits à base de ce matériau durable trouvent leur place dans des domaines aussi variés que la papeterie (évidemment), la chimie, mais aussi la construction automobile (plus surprenant)… et même l’ingénierie médicale. Néanmoins, l’habitat reste le secteur d’activité le plus gourmand en termes d’innovations visant à valoriser le bois, matériau à la fois résistant, esthétique et isolant. C’est pourquoi les recherches en la matière sont si foisonnantes. Parmi elles, on trouve les divers projets menés au sein de l’Unité Sciences du bois et des biopolymères (US2B), en Gironde : « Nous travaillons par exemple à la fabrication d’une cloison acoustique à base de fibres végétales et de bois, explique Patrick Castéra, directeur de l’US2B. Dénommée « Silent Wall », elle vise à empêcher le passage d’une pièce à l’autre des ondes basse fréquence, qui représentent une nuisance sonore en pleine augmentation, avec la multiplication d’appareils de type home cinéma. » Autre innovation étonnante mise au point par le laboratoire, une mousse constituée de fibres de bois dilatées par un gaz ! Isolante et légère, elle est destinée à certains mobiliers et aux faux plafonds. Afin de prédire l’efficacité et les conséquences environnementales de l’utilisation de produits d’origine végétale tel que le bois pour des applications si diverses, le laboratoire dispose aujourd’hui d’une nouvelle arme créée en interne. « Il s’agit d’un logiciel de modélisation baptisé TED pour « Tool for Ecodesign », annonce Patrick Castéra. Unique en son genre, cet outil d’éco-conception sera prochainement déposé à l’Agence de protection des programmes. » Si la simulation est concluante, la phase expérimentale peut débuter. C’est ainsi qu’avec un équipementier automobile, l’unité teste actuellement l’incorporation de farine de maïs en remplacement de certaines matières plastiques dans les garnitures de portières de voitures… avec de premiers résultats très encourageants. Le journal du CNRS n°231 avril 2009 Mais les innovations développées par ces chercheurs créatifs ont bien d’autres applications. Un exemple : le traitement de faibles volumes d’eau contaminés par des métaux lourds, grâce à un tout nouveau filtre à base Une chercheuse mesure, par profilométrie laser, la rugosité de surface d’un matériau à base de bois. Le but ? Étudier ses propriétés acoustiques en vue de son intégration dans une cloison d’habitat. de tiges de maïs, substituables aux résines issues du pétrole utilisées aujourd’hui. « Et il y a quelques années, l’US2B démontrait l’intérêt de molécules contenues dans le bois – les phosphates de cellulose – comme biomatériaux intégrables dans certaines prothèses médicales », ajoute Stéphane Grelier, directeur adjoint du laboratoire. On l’aura compris, certaines molécules végétales peuvent se substituer efficacement à celles issues de la chimie classique. Ainsi, la transformation de la lignine, un des composants de base du bois, peut générer des molécules très puissantes pour tuer des insectes, champignons et micro-organismes. Ces substances dites « biocides » pourraient donc constituer une alternative à certains produits phytosanitaires actuels. « Une de nos équipes développe également des huiles végétales modifiées pour remplacer les colles chimiques qui lient entre elles les fibres des panneaux de bois, annonce Patrick Castéra. En effet, ces colles à base de formaldéhyde dégagent des composés organiques volatils nocifs pour la santé et l’environnement. » Mais le bois représente aussi une importante source d’énergie. Dans ce domaine, l’US2B s’implique notamment dans l’amélioration du procédé transformant la cellulose, un polysaccharide présent dans le bois, en bioéthanol. Et travaille plus particulièrement sur le concept de « bioraffinerie », qui doit permettre d’obtenir des produits de base pour l’industrie, comme l’éthylène, à partir de ce bioéthanol. « Car l’éthylène est potentiellement transformable en polyéthylène, benzène, styrène, polystyrène… Autrement dit, il est capable de générer la plupart des molécules issues de la pétrochimie, à la différence qu’elles sont alors d’origine naturelle », explique Stéphane Grelier. Cette cellulose peut être récupérée dans les déchets de l’industrie du bois, les coupes rases de forêts, mais aussi la paille des céréales, les cannes de maïs, la bagassen, résidu fibreux de canne à sucre… Le bois et les végétaux qui le produisent n’ont pas fini de nous étonner ! Jean-Philippe Braly 1. « Salon européen du bois et de l’habitat durable », du 23 au 26 avril à Grenoble, et « Salon Bois Énergie », du 2 au 5 avril à Lons-le-Saunier. 2. Unité CNRS/Inra/Université Bordeaux-I. CONTACTS Unité Sciences du bois et des biopolymères (US2B), Bordeaux ➔ Patrick Castéra patrick.castera@us2b.pierroton.inra.fr ➔ Stéphane Greliers.grelier@us2b.u-bordeaux1.fr © S. Godefroy/CNRS Photothèque |