8 VIEDESLABOS Actualités GÉNOMIQUE Chez le melon, un seul gène contrôle le sexe Qu’est-ce qui détermine le sexe d’une plante ? Pour le melon, il ne s’agit que d’un seul et unique gène, comme viennent de le découvrir les chercheurs de l’Unité de recherche en génomique végétale (URGV) 1, à Évry. Une première dans le monde végétal. Chez Cucumis melo, le sexe est un peu particulier. La majorité des variétés cultivées possède des fleurs mâles et des fleurs hermaphrodites (avec les organes des deux sexes) sur un même plant. Un phénomène appelé andromonoécie. « La présence de fleurs hermaphrodites permet à la plante de s’autoféconder, tandis que les fleurs mâles augmentent sa capacité à disséminer ses gènes, en fécondant d’autres plantes », explique Adnane Boualem, co-auteur de Le journal du CNRS n°227 décembre 2008 THÉRAPIES Une piste contre l’ostéoporose Un nouveau traitement contre l’ostéoporose est peut-être né. Des chercheurs niçois de l’Institut de signalisation, biologie du développement et cancer 1, en collaboration avec l’Inserm, le service de rhumatologie du CHU de Nice et l’université de Graz, en Autriche, viennent en effet de montrer le rôle clé d’une hormone naturelle, l’ocytocine, pour contrer cette maladie qui touche un tiers des femmes de plus de 50 ans 2 et augmente le risque de fracture des os. Chez les patients atteints d’ostéoporose, les os se fragilisent à la fois parce que la fabrication de cellules osseuses ralentit et parce que la graisse s’accumule dans la moelle osseuse. Partant de ce double constat, les biologistes ont eu l’idée de travailler sur les cellules souches dites multipotentes, présentes dans le tissu adipeux (la graisse) et dans la moelle. « Ces cellules souches ont la faculté de se transformer soit en cellules osseuses, soit en cellules adipeuses », explique Ez Zoubir Amri, chercheur de l’IBDC. Ainsi, favoriser l’apparition de nouvelles cellules osseuses pourrait sans doute permettre de contrecarrer la maladie. Reste à savoir comment. Rapidement, les biologistes suivent la piste de l’ocytocine. Ils découvrent en effet que ces cellules souches portent des récepteurs à cette hormone. Par ailleurs, chez la souris modèle, la quantité d’ocytocine diminue avec l’apparition de la maladie. Ils montrent alors que c’est la quantité d’ocytocine que reçoit chaque cellule qui dicte son avenir. Avec peu d’hormone elle devient une cellule graisseuse, et l’étude publiée dans la revue Science 2. C’est en cherchant l’origine moléculaire de ce caractère sexuel avantageux que les biologistes sont tombés sur le fameux gène, baptisé CmACS-7. Il code pour une enzyme clef de la synthèse de l’éthylène, une molécule impliquée dans divers processus biologiques de la plante et dont on savait déjà qu’elle pouvait agir sur son sexe (elle est en effet utilisée par les agronomes). Et c’est une mutation unique qui provoque l’andromonoécie des melons. Ceux dont le gène est normal possèdent quant à eux des fleurs mâles et femelles. Comment la mutation génétique influe-t-elle sur le sexe du melon ? « L’expression du gène CmACS-7 au niveau des ébauches des organes reproducteurs femelles, les carpelles, y entraîne la synthèse d’éthylène, répond Abdelhafid Bendahmane, co-auteur de l’étude. Cette hormone inhibe ensuite le développement des organes mâles, les étamines, aboutissant ainsi à une fleur femelle. Chez les plantes mutées, la synthèse de l’éthylène est bloquée et les organes mâles se développent aux côtés des organes femelles, d’où la présence de fleurs hermaphrodites. » L’analyse de près de 500 variétés cultivées de melons en provenance du monde entier a démontré que la mutation à l’origine de l’andromonoécie chez cette espèce est sans doute survenue récemment et sur une seule variété. « Aujourd’hui, les variétés de melons andromonoïques issues de cet ancêtre commun sont très 1 2 3 largement réparties géographiquement, indique Abdelhafid Bendahmane. C’est probablement le fait des agronomes, car l’andromonoécie est liée à la faculté de se reproduire en l’absence d’insectes pollinisateurs, ainsi qu’à un taux élevé de sucre dans le fruit. » Reste à identifier la variété sur laquelle est apparue cette mutation, et à retracer l’histoire de sa fulgurante dispersion géographique. Marie Lescroart 1. Unité CNRS/Inra/Université Évry. 2. Science, vol. 321, n°5890,pp. 836-838, août 2008. CONTACT ➔ Abdelhafid Bendahmane Unité de recherche en génomique végétale (URGV), Évry bendahm@evry.inra.fr au-delà d’un certain seuil elle devient une cellule osseuse. Administrer de l’ocytocine pourrait donc rétablir la fabrication de cellules osseuses. Pour le vérifier, ils traitent par une injection quotidienne d’hormone des souris malades. Résultat concluant : « La maladie a été fortement atténuée au bout de huit semaines », indique Ez Zoubir Amri. Aujourd’hui, les chercheurs ne cachent pas leur espoir de voir un jour leur découverte profiter aux malades. « Premier pas : nous avons montré que la quantité d’ocytocine diminuait aussi chez les femmes atteintes d’ostéoporose. Pour le traitement, les tests cliniques devraient commencer dans les années qui viennent », précise le biologiste. L’ocytocine a plusieurs avantages : outre son prix peu élevé (elle est facile à produire en grandes quantités), elle n’a pas les effets secondaires néfastes des traitements hormonaux existants à base d’œstrogènes. Une piste pleine de promesses donc pour les malades. Pierre Mira 1. Laboratoire CNRS/université de Nice. 2. Travaux publiés dans Stem Cells, vol. 26, n°9, septembre 2008. CONTACT ➔ Ez Zoubir Amri Institut de signalisation, biologie du développement et cancer, Nice amri@unice.fr Après un traitement à l’ocytocine, les chercheurs sont parvenus à améliorer l’architecture osseuse de souris modèles atteintes d’ostéoporose. Ici, on voit l’intérieur du fémur avant (2) et après traitement (3). À comparer à la structure de l’os sain (1). © Photos : A. Basillais/INSERM |