CNRS Le Journal n°227 décembre 2008
CNRS Le Journal n°227 décembre 2008
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°227 de décembre 2008

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 3 Mo

  • Dans ce numéro : 150 ans après, le monde selon Darwin

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

Dans ce numéro...
< Pages précédentes
Pages : 6 - 7  |  Aller à la page   OK
Pages suivantes >
6 7
© Photos : P.Vrignaud/CNRS Photothèque 6 VIEDESLABOS Reportage AÉRONOMIE Le ciel sous haute surveillance Alors qu’il vient de fêter son cinquantième anniversaire, le Service d’aéronomie (SA) 1 nous a ouvert ses portes. De l’étude de l’atmosphère des corps célestes à la traque de la vie extraterrestre, découverte des missions d’un laboratoire renommé qui a bien les pieds sur terre. Ci-dessus et ci-dessous : des chercheurs recréent l’atmosphère de Titan dans une cuve à plasma pour étudier les fines particules organiques qui s’y créent. Celles-ci pourraient donner des indications sur l’origine de la vie sur Terre. Ci-dessus, à droite : assemblage du prototype de Phébus, un spectromètre ultraviolet destiné à étudier l’atmosphère de Mercure. Il sera intégré à un satellite dont la mise en orbite est prévue pour 2020. Le journal du CNRS n°227 décembre 2008 Vers quelle planète je vous emmène ? » Ainsi nous accueille Christian Malique, responsable du département technique du Service d’aéronomie, sur le site de Verrières-le- Buisson, dans l’Essonne. Une question posée à l’entrée d’un dédale de couloirs souterrains abritant des salles d’expérimentation aux noms plus mystérieux les uns que les autres : « Phébus », « Pampre », « Moma » … Déjà surpris par l’extérieur du site, un ancien fort militaire datant de 1875 au cœur d’une forêt luxuriante, nous embarquons pour… Titan ! Derrière la porte, trois jeunes chercheurs – parmi les 140 personnes environ qui œuvrent au SA – dans la pénombre. Au centre de la pièce, une lumière rose hypnotisante… « Cette couleur provient d’un plasma 2. Celui-ci simule la physico-chimie qui se produit dans l’atmosphère de ce satellite de Saturne, déclare Guy Cernogora, chercheur en charge du projet Pampre. Cette réaction aboutit à la formation de fines particules organiques, telles qu’observées par la sonde spatiale Huygens. Nous les étudions de près car elles pourraient nous donner des indications sur l’origine de la vie sur Terre. » Mais la visite reprend déjà au pas de charge, direction… Mercure. Deuxième salle, deuxième ambiance. Un jeune ingénieur en gants blancs assemble le prototype de Phébus, un spectromètre ultraviolet destiné à équiper une sonde qui devrait partir en 2013 et arriver sur Mercure en… 2020. « Cet instrument permettra de caractériser la composition et la dynamique de l’exosphère 3 de Mercure », explique Pierre-Olivier Mine. En effet, excités par le rayonnement solaire, les atomes de l’exosphère émettent des photons, dont le spectromètre captera la longueur d’onde caractéristique. À peine sortis de la pièce, nous tombons nez à nez avec une tête de fusée soviétique M 100 de la Seconde Guerre mondiale. Puis, nous enchaînons avec la salle « Moma ». Ici, David Coscia et ses collègues mettent au point un « chromatographe en phase gazeuse » : « Cet appareil traquera les traces de vie sur la planète rouge. Comment ? En analysant les échantillons de sol que prélèvera la sonde européenne Exomars, dont le lancement vient à l’instant d’être repoussé de 2014 à 2016 », nous explique-t-il, avant de nous entraîner vers la salle blanche. Celle-ci, complètement vitrée, contient un air filtré en permanence pour éviter toute contamination. Au centre, sur la table : cinq petites bobines. « En cas de besoin, ces chromatographes sont destinés à remplacer ceux que nous avons fournis à la Nasa pour la mission américaine MSL, une mission analogue à Exomars, qui atteindra Mars en 2010. » Durant ces missions, tout l’enjeu consistera à analyser correctement un véritable prélèvement, « ce qui est plus délicat à réaliser que les mesures par télédétection obtenues par satellite », ajoute Franck Montmessin, jeune chercheur en charge de l’un des instruments d’Exomars. L’OZONE DANS LA LIGNE DE MIRE « Télédétection » : ce terme résume bien ce qui a fait, et fait encore, la renommée mondiale du Service d’aéronomie, notamment grâce aux fameux « lidars ». « Le lidar est un laser pulsé, précise Alain Hauchecorne, directeur du SA. Lorsqu’il entre en contact avec les différents composants atmosphériques, il est renvoyé à des longueurs d’onde caractéristiques de ceux-ci. L’analyse de ces longueurs d’onde permet de déterminer et de quantifier ces composants présents sur le parcours du laser. » Des lidars du laboratoire équipent aujourd’hui les observatoires de haute Provence, de Dumont d’Urville (Antarctique), d’Alomar (Norvège) et de l’Île de la
Réunion. Mais aussi certains avions, comme ce fut le cas en 2008 dans le cadre de la mission Polarcat, en Arctique 4. Principal objectif : la surveillance de l’ozone stratosphérique et troposphérique mondial, dont le laboratoire coordonne la contribution française. « En combinant ces résultats aux mesures réalisées par des spectromètres au sol et sur ballons et montgolfières, nous avons mesuré une diminution de 3% de la quantité mondiale d’ozone entre 1991 et 2001, annonce Philippe Keckhut, en charge de la coordination française du réseau d’observation de la stratosphère. La baisse atteint même jusqu’à 50% aux pôles certains hivers ! » Ces données permettent aussi de valider les mesures fournies par les satellites d’observation, au premier rang desquels Envisat avec l’instrument Gomos. Dans son bureau ou s’entassent des monticules de dossiers aux noms évocateurs (Mars Express, Venus, Nasa…), Jean-Loup Bertaux nous en explique le fonctionnement. « Gomos mesure le spectre de la lumière émise par une étoile. En comparant ce dernier avec celui de la même étoile quand elle traverse l’atmosphère terrestre en se couchant, on en déduit l’absorption de lumière caractéristique des composants de l’atmosphère terrestre, parmi lesquels l’ozone. » CQFD. Via cette technique dite d’ « occultation d’étoiles », Gomos réalise pas moins de 400 profils par jour depuis 2002 : un travail qu’il poursuivra jusqu’en 2011. Le but est d’établir une cartographie entre 15 et 100 kilomètres d’altitude de la concentration d’ozone et d’autres constituants atmosphériques autour de la Terre, pour en tirer une tendance sur dix ans. « Deux autres de nos instruments sont actuellement en orbite pour étudier l’atmosphère de Mars et de Vénus. Nous profitons aussi du second pour le pointer vers la Terre afin de nous entraîner à mesurer les indicateurs (ozone, chlorophylle…) à rechercher sur les exoplanètes pour y trouver la vie », s’enthousiasme Éric Villard en nous présentant les instruments de rechange. MESURER OU MODÉLISER ? On l’aura compris, la force du Service d’aéronomie vient de son savoir-faire en termes de mise au point d’instruments de mesure toujours plus sophistiqués et miniaturisés. « Une mesure bien faite […] survivra, les modèles 5 qui tenteront d’en rendre compte passeront ! », lançait souvent Jacques Blamont, le créateur du SA, dont les photos ornent les murs et alimentent encore les discussions de couloirs. Mais si les mesures sont les « mamelles de la science », comme se plaît à les nommer Franck Montmessin, « on ne peut plus aujourd’hui lancer une campagne de mesures sans savoir à l’avance comment leurs résultats seront exploités », prévient Slimane Bekki, un des modélisateurs du laboratoire. En cause : l’accumulation de résultats dans des bases de données sous-exploitées. Son équipe a donc développé des modèles assimilant toutes ces données pour simuler le transport et la chimie de gaz importants dans la stratosphère terrestre (ozone, méthane, oxydes d’azote…). Un d’eux, Reprobus, sera utilisé pour la partie « chimie » des prochaines prévisions du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) et a même été adapté à l’atmosphère de Mars et de Vénus. DR TOUJOURS PLUS LOIN Mais le SA ne s’arrête pas aux atmosphères planétaires. Ses chercheurs s’intéressent aussi à celle des comètes, via la participation aux missions embarquées sur la sonde européenne Rosetta et par des expérimentations en laboratoire. Le Service étudie également le Soleil sur le « terrain ». Le labo a ainsi fourni un triple spectromètre à la Station spatiale internationale et participe aussi à la mission Picard, qui sera embarquée sur un satellite courant 2009. Toujours plus loin, l’équipe part même à la découverte du milieu interplanétaire et interstellaire ! « À partir des mesures fournies par le satellite Soho, nous avons été les premiers à mettre en évidence une distorsion de l’héliosphère autour du Soleil, déclare ainsi Rosine Lallement. Une découverte ensuite validée par les sondes américaines Voyager, les premières à avoir franchi la frontière entre l’héliosphère et le milieu interstellaire. » Ce dernier est aujourd’hui l’objet d’étude de la chercheuse qui en établit la cartographie via des observations par télescope au sol, mais aussi par satellite. C’est donc la tête dans les étoiles que le visiteur part de ce lieu fascinant. Un site que les chercheurs de Verrièresle-Buisson quitteront en 2010 pour se regrouper avec une partie de leurs confrères du Centre d’études des environnements terrestres et planétaires (CETP) 6, à Guyancourt (Yvelines), au sein du nouveau Laboratoire « Atmosphères, milieux, observations spatiales » (Latmos). Une page se tourne, mais l’aventure continue… vers d’autres cieux. Jean-Philippe Braly ➔ À lire L’École de l’espace, Le Service d’aéronomie 1958-2008, Histoire et science, Marie-Lise Chanin (dir.), CNRS Éditions, octobre 2008, 509 p. Symposium en l’honneur du 70 e anniversaire de J.E. Blamont, Marie-Lise Chanin (dir.), CNRS Éditions, octobre 2008, 203 p. 1. Ce laboratoire commun au CNRS, à l’université Paris-VI et à l’université Versailles St-Quentin a été dirigé par des scientifiques illustres, dont Gérard Mégie, président du CNRS de 2000 à 2004. 2. Un plasma est un quatrième état de la matière : l’état d’un gaz ionisé qui devient en particulier un très bon conducteur et émet un rayonnement électromagnétique (phénomène visible dans les aurores boréales ou la foudre, par exemple). 3. L’exosphère d’une planète est la dernière couche de son atmosphère. Dans le cas de Mercure, cette dernière est très ténue : on l’assimile donc à l’exosphère. 4. Lire « Plongée dans la brume arctique », Le journal du CNRS, n°219. 5. Mathématiques. 6. Laboratoire CNRS/Université Versailles St-Quentin/Université Paris-VI. VIEDESLABOS 7 À gauche : à l’observatoire de haute Provence, deux lidars du laboratoire permettent d’étudier la teneur en ozone de l’atmosphère (faisceau bleu) et les composantes du vent (trois faisceaux verts). À droite : en 2000, gonflage d’un ballon du SA doté d’un spectromètre mesurant la teneur en ozone et en dioxyde d’azote stratosphériques. CONTACTS Service d’aéronomie ➔ Christian Malique christian.malique@aerov.jussieu.fr ➔ Guy Cernogora guy.cernogora@aerov.jussieu.fr ➔ Pierre-Olivier Mine pierre-olivier.mine@aerov.jussieu.fr ➔ David Coscia, david.coscia@aerov.jussieu.fr ➔ Franck Montmessin franck.montmessin@aero.jussieu.fr ➔ Alain Hauchecorne alain.hauchecorne@aerov.jussieu.fr ➔ Philippe Keckhut philippe.keckhut@aerov.jussieu.fr ➔ Jean-Loup Bertaux jean-loup.bertaux@aerov.jussieu.fr ➔ Éric Villard, eric.villard@aerov.jussieu.fr ➔ Slimane Bekki, slimane.bekki@aero.jussieu.fr ➔ Rosine Lallement rosine.lallement@aerov.jussieu.fr La sonde Venus Express est actuellement en orbite autour de Venus avec un spectromètre du SA à son bord. Le journal du CNRS n°227 décembre 2008 DR © ESA (image by AOES Medialab)



Autres parutions de ce magazine  voir tous les numéros


Liens vers cette page
Couverture seule :


Couverture avec texte parution au-dessus :


Couverture avec texte parution en dessous :