CNRS Le Journal n°227 décembre 2008
CNRS Le Journal n°227 décembre 2008
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°227 de décembre 2008

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 3 Mo

  • Dans ce numéro : 150 ans après, le monde selon Darwin

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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© Photos : C. Delhaye/CNRS Photothèque 30 15 16 ZOOM 15 Autre élément du dispositif astronomique de Concordia, les plateformes de l’expérience Concordiastro, sur lesquelles des télescopes servent aux tests du site en vue de l’installation future d’un observatoire. 16 Des conteneurs pour le stockage du fuel. 17 et 18 L’été, une partie des personnels dort dans ces tentes de six à huit lits. Une température de 25 °C y est maintenue, bien que la température extérieure atteigne –30 °C. 19 La cuisine de la station Concordia. ➔ À VOIR Concordia, sciences australes, (2008, 34 min) de Marcel Dalaise, produit par CNRS Images et l’Ipev. À visionner en ligne : http:Ilvideotheque.cnrs.fr/index.php ? urlaction =doc&id_doc=1894 Le journal du CNRS n°227 décembre 2008 > 17 Hippolyte Fizeau, qui a participé à l’hivernage 2006. Il y a le silence et la base paraît immense. » Érick Bondoux, actuel hivernant en charge de l’astronomie, ajoute : « Durant l’hivernage, rien n’est comme ailleurs. Même le temps semble altéré. Pour moi, il s’est arrêté le 28 décembre 2007 ! » Passé les premières semaines durant lesquelles chacun cherche ses marques, une sorte de routine s’installe. « On devient un peu robot, confie Éric Aristidi. La vie est rythmée par le travail », comme le détaille Érick Bondoux : « Ici, le travail d’astronome est très différent de ce qui se fait ailleurs. Les horaires ne sont jamais fixes et certaines expériences demandent une veille de chaque instant. Plus qu’observateur, il faut être à la fois mécanicien, électronicien, informaticien et opticien. Une polyvalence qui vaut pour tous les corps de métier. » L’astronome ajoute : « Durant l’hivernage, il est courant de ne pas avoir une journée de repos durant plusieurs mois. D’une certaine manière, il est impossible de s’ennuyer et la question du manque de loisirs ou de distractions ne se pose pas. » Pour autant, selon les années, l’ambiance est plus ou moins bonne. Ainsi, lors du second hivernage, en 2006, l’atmosphère s’est vite dégradée. « Début juillet, on a commencé à s’engueuler, se souvient Éric Aristidi. Les relations deviennent alors plus diplomatiques qu’amicales. » La façon dont le groupe s’adapte socialement et psychologiquement aux conditions de vie en isolement et en confinement régnant à Concordia fait d’ailleurs l’objet d’un programme de recherche dirigé par Élisabeth Rosnet, au Laboratoire de psychologie appliquée (LPA), commun aux universités de Reims et de Picardie, 18 © Y. Frenot/CNRS Photothèque 19 à Reims. Programme dont les résultats aideront notamment à préparer de futures missions spatiales vers Mars ! Dans ces conditions, on comprend qu’en septembre, tout le monde soit ravi de voir réapparaître le Soleil. Puis se mette à guetter le premier avion, fin novembre. À l’ouverture de la station, les effectifs montent rapidement à quarante. La nouvelle campagne d’été peut commencer. « L’année dernière, nous avions dû faire certaines choses à la va-vite, confie Alessia Maggi. Je suis donc ravie de retourner à Concordia. » Un contentement d’ordre scientifique, mais aussi humain. Car comme le confirme Éric Aristidi, « un séjour à Concordia n’est pas une expérience anodine ». Bien au contraire. Érick Bondoux confie : « Même plusieurs mois après mon arrivée, marchant dans la nuit et voyant se découper l’ombre des deux tours sur la Voie lactée, il m’est arrivé de penser que je rêvais. » Mathieu Grousson 1. Laboratoire CNRS/Université de Nice/Observatoire de la Côte d’Azur. 2. Groupement d'Intérêt Public (GIP) constitué par neuf organismes (Ministère de la recherche, Ministère des affaires étrangères, CNRS, Ifremer, CEA, TAAF, Météo-France, CNES, Expéditions Polaires Françaises). 3. Lire « Plein feux sur les pôles », Le journal du CNRS, n°205-206, février-mars 2007. 4. Institut CNRS/Université de Strasbourg-I. CONTACTS ➔ Alessia Maggi, alessia.maggi@eost.u-strasbg.fr ➔ Éric Aristidi, eric.aristidi@unice.fr ➔ Élisabeth Rosnet elisabeth.rosnet@univ-reims.fr ➔ Blog d’Érick Bondoux www.antarcticaonline.org
Brigitte Senut Paléontologue Sur les pas des hominidés Sourire et énergie. Voilà ce qui caractérise d’emblée Brigitte Senut, paléontologue de renom et « Femme scientifique de l’année » 2008. Niché au département « Histoire de la Terre » du Muséum national d’histoire naturelle, son bureau abrite une activité débordante : relire les dernières épreuves de sa monographie sur la Namibie, annoter une thèse, rédiger le compte rendu d’une récente mission en Afrique du Sud. Entendez le « quotidien » d’une carrière consacrée aux racines de l’homme et des grands singes africains… qui lui vaut aujourd’hui de recevoir le prix Irène Joliot-Curie 2008. De quoi, espère la chercheuse, « booster les jeunes femmes, les inciter à suivre leur passion ». Pour elle, tout a commencé avec les cailloux qu’elle aimait tant, petite, ramasser et observer. Mais au sortir de son bac, la jeune fille rêve de partir enseigner en Afrique, « car sans le connaître, ce continent me fascinait déjà au travers de la vie du Dr Schweitzer ». Trop jeune. À défaut des pistes, elle choisit alors de suivre la voie universitaire en géologie et paléontologie. En 1976, elle rencontre Yves Coppens : un brin provocatrice, l’étudiante en DEA constate le manque de données sur les squelettes d’australopithèques. Deux mois plus tard, la voici chargée d’en étudier les membres supérieurs. Son esprit rebelle la pousse à explorer des thèmes supposés « mineurs ». En témoigne sa première thèse consacrée à l’humérus des hominidés pliopléistocènes 1 : « Ce sujet était un choix de ma part : à l’époque, si on parlait de la bipédie, on évoquait très rarement le reste du squelette. Or j’ai pu montrer que les premiers hominidés pouvaient grimper aux arbres. » Un « point de détail » qu’elle défendra devant des confrères américains aussi hostiles à cette nouvelle théorie qu’à la femme de science. RENCONTREAVEC 31 « J’ai pu montrer que les premiers hominidés pouvaient grimper aux arbres. En poste au Muséum dès 1982, la paléontologue conjugue avec bonheur enseignement, travail de collection et recherche… de terrain, bien sûr. Cette « crapahuteuse » passe deux à six mois par an à sonder les sols africains. En 1985, elle monte, en étroite collaboration avec son collègue Martin Pickford, une première mission en Ouganda. Objectif : tester l’East Side Story d’Yves Coppens et rechercher grands singes et hommes fossiles dans un cadre environnemental et géologique précis, celui du rift occidental. Mais prise dans un coup d’État, l’expédition-baptême frise le drame. « Nous sommes tombés dans une embuscade avec des tirs nourris ! C’était assez rocambolesque, au point d’être à deux doigts de renoncer définitivement à l’Afrique », raconte-t-elle avec émotion. La dame s’obstinera, avec succès. En Ouganda toujours, le duo retrace l’histoire climatique locale depuis 13 millions d’années 2 puis égrène, au fil des missions africaines, des découvertes capitales. En 1991, c’est la mise au jour de grands singes fossiles en Namibie, « en dehors des gisements classiques est-africains, là où on ne les connaissait pas ». Cinq ans plus tard, Brigitte Senut trouve leur trace en Afrique du Sud, « une chance inouïe ! Une demi-dent dans une mine de dia- » mants ! Toutes ces missions de terrain nous ont permis de publier, les premiers, sur des formes chimpanzées datant d’environ 12,5 millions d’années et gorilles de 6 millions d’années ». Si elle s’intéresse tant aux grands singes du Miocène, c’est pour mieux comprendre l’origine des premiers hominidés, ainsi que les variations des environnements et donc des climats. En témoignent les travaux du groupement de recherche international (GDRI) qu’elle dirige depuis 1991, intitulé justement : « Origine des grands singes africains modernes et des hominidés : rôle des paléoenvironnements néogènes africains ». 2000 : année « Orrorin », dont l’équipe découvre les premiers restes au Kenya. Un scoop. Daté d’environ 6 millions d’années, il représente le plus ancien hominidé affichant une bipédie permanente. On aurait pourtant tort de croire Brigitte Senut focalisée sur ses fouilles. Il suffit de l’entendre évoquer les relations humaines : « Il est vital de communiquer avec les habitants, d’apprendre les uns des autres et d’aider à l’éducation, un réel pari sur l’avenir. » Là en construisant une école de terrain, ici un petit musée sur la culture locale. Et de retour sous nos cieux, il lui faut s’atteler à ses publications où la rigueur côtoie l’indépendance d’esprit. « Car dans un domaine comme le nôtre, où nous accumulons des données variées mais limitées, les scénarios sont forcément nombreux. » Et quand le berceau de l’Humanité ne l’occupe pas ? Elle adore cuisiner et écouter de la musique… africaine. Une réelle passion, sans aucun doute. Patricia Chairopoulos ➔ À lire Et le singe se mit debout, de Brigitte Senut avec Michel Devillers, préface d’Yves Coppens, Albin Michel, 2008 © S. Godefroy/CNRS Photothèque 1. Entre 4 et 2 millions d’années environ. 2. Cette histoire du climat sera étendue plus tard à celles de l’Afrique orientale, puis australe. CONTACT ➔ Brigitte Senut Muséum national d’histoire naturelle, Paris bsenut@mnhn.fr Le journal du CNRS n°227 décembre 2008



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