12 © B. Scaillet VIEDESLABOS Actualités VOLCANOLOGIE Dans les entrailles du Vésuve Des chercheurs viennent de reproduire des réactions qui ont eu lieu lors de quatre éruptions historiques du volcan italien. Leur conclusion : les éruptions à venir pourraient être moins graves. Certains ont de drôles de recettes de cuisine. Prenez quelques milligrammes de roche volcanique finement broyée, placez à la cocotte-minute, faites monter un bon coup la pression et donnez un sérieux coup de chaud. Vous obtenez une passionnante expérience qui lève un coin du voile sur l’histoire du Vésuve. Elle a été racontée dans Nature en septembre dernier par Bruno Scaillet et Michel Pichavant, de l’Institut des sciences de la terre d’Orléans (ISTO) 1, ainsi que Raffaello Cioni (université de Cagliari et INGV-Pise). En dépit des grandes éruptions meurtrières, dont celle de Pompéi en l’an 79 qui tua probablement des milliers de personnes, la population n’a jamais cessé de se masser sur les flancs du Vésuve. Et s’il n’a pas connu d’activité depuis 1944, le volcan fait l’objet d’une étroite surveillance. D’où l’intérêt des travaux de nos trois chercheurs : ils viennent de montrer que, depuis au moins huit mille ans, le réservoir de magma a grimpé vers la surface, et que la température du magma a augmenté, fluidifiant la matière. Des travaux qui laissent penser que les pires éruptions sont peut-être derrière nous. « Nous avons récupéré des roches, des ponces, correspondant à quatre éruptions explosives de l’histoire du Vésuve », explique Bruno Scaillet, directeur-adjoint de l’ISTO. « Mercato, il y a huit mille ans, Avellino (3 360 ans), Pompéi (en l’an 79) et Pollena (an 472). » La roche a ensuite été finement broyée puis placée, avec de l’eau et du Le journal du CNRS n°227 décembre 2008 Vue au microscope électronique d’un matériau élaboré à partir d’une pierre ponce d’une éruption du Vésuve. Il contient des minéraux ferromagnésiens (clair), des feldspaths (gris) et d’anciennes bulles de gaz (noir). Le Vésuve, surplombant la baie de Naples. CO 2, dans des gélules d’or ou de platine : « Quand on recrée les conditions qui règnent au cœur des volcans, l’or est malléable et transmet bien la température et la pression à la roche, qui se transforme en liquide magmatique. » Pour chacune des quatre éruptions, plusieurs dizaines d’expériences ont été conduites en faisant varier température et pression. Dans l’enveloppe de métal inerte, la roche a fondu, donnant naissance à un verre volcanique et à différents types de cristaux. En comparant ces produits expérimentaux aux roches de départ, Bruno Scaillet et ses collègues ont retrouvé les conditions exactes qui régnaient dans le réservoir de magma des quatre éruptions étudiées. Leur verdict est formel. Le réservoir est remonté de sept mille mètres de profondeur à trois mille mètres après l’éruption de Pompéi, faisant baisser la pression. Puis, il a poursuivi sa remontée jusqu’en 1944, année de la dernière explosion. Au fur et à mesure, la température a grimpé, rendant le magma moins visqueux, ce qui lui permet de perdre plus facilement ses éléments volatils. Des indices qui laissent penser que les prochaines éruptions du Vésuve libéreront, comme les volcans hawaiiens, une roche fluide par effusion et non plus un magma épais et explosif. « Mais nous ne pouvons hélas en avoir la certitude, concède Bruno Scaillet. Car les géophysiciens observent par tomographie sismique une anomalie entre huit et dix kilomètres de profondeur. » Elle pourrait signaler la présence d’un second réservoir de lave, plus froide et capable de produire un évènement comme Pompéi. Un conditionnel qui signifie que la surveillance scientifique du Vésuve devra se poursuivre sans relâche, tant que les hypothèses sur son évolution n’auront pas été tranchées. Pour Bruno Scaillet, la réponse viendra peutêtre des géophysiciens. « À condition d’améliorer la résolution spatiale des outils de tomographie sismique et la précision des outils de mesure de la conductivité électrique du sous-sol. » Aujourd’hui, on ne peut voir dans les entrailles du Vésuve des structures de dimensions inférieures à cinq cent mètres. Il faudrait beaucoup mieux pour savoir s’il existe ou non un réservoir de magma « froid » profond capable de réveiller les ardeurs meurtrières du volcan. Denis Delbecq 1. Institut CNRS/Université d’Orléans/Université de Tours. © S. Grandadam/Hoa-Qui CONTACTS Institut des sciences de la terre d’Orléans (ISTO) ➔ Bruno Scaillet, bscaille@cnrs-orleans.fr ➔ Michel Pichavant pichavan@cnrs-orleans.fr BRÈVE Recette pour digérer équilibré C’est un résultat qui pourrait permettre de rétablir l’équilibre bactérien du système digestif, rompu dans plusieurs pathologies graves comme les dysenteries ou la maladie de Crohn : des chercheurs du CNRS, à Paris, avec leurs collègues de l’Institut Pasteur, de l’Insermet du Centre national de biotechnologies, à Madrid, ont en effet décrypté un mécanisme clef dans l’équilibre entre le système immunitaire et la flore intestinale. Publiés dans Nature, leurs travaux ont mis au jour la reconnaissance d’un constituant essentiel de la paroi des bactéries dites Gram-négatives par une protéine située dans les cellules épithéliales de l’intestin, appelée Nod1. S’ensuit la formation de tissus lymphoïdes qui deviendront des cellules immunitaires chargées de réguler les bactéries. Pour les chercheurs, des molécules capables d’activer la protéine Nod1 pourraient donc contribuer à rétablir l’équilibre bactérien du système digestif. > www2.cnrs.fr/presse/communique/1452.htm |