CNRS Le Journal n°218 mars 2008
CNRS Le Journal n°218 mars 2008
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°218 de mars 2008

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 2,8 Mo

  • Dans ce numéro : SIDA, le combat sans répit

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

Dans ce numéro...
< Pages précédentes
Pages : 8 - 9  |  Aller à la page   OK
Pages suivantes >
8 9
8 © P.Delangle VIEDESLABOS Actualités ARCHÉOLOGIE Pierre après pierre, un temple se dévoile… Dans la Sarthe, un sanctuaire du V e siècle avant J.-C. passionne toujours, après trente ans de fouilles. Aujourd’hui, les dernières découvertes permettent d’en savoir un peu plus sur ce lieu dédié au culte du dieu Mars Mullo. Le journal du CNRS n°218 mars 2008 Plusieurs centaines de pièces gauloises, nommées « potins à tête diabolique », sont présentes sur le sanctuaire. Au V e siècle avant J.-C., les Aulerques Cénomans, un peuple celte dont la capitale était l’imposante cité Vindunum – devenue Le Mans – bâtirent un sanctuaire religieux sur la plus haute colline des alentours. Plus tard, sous l’Empire romain et jusqu’au IV e siècle après J.-C., les constructions se succédèrent sur ce site de la Forêterie, comme le révèlent les fouilles menées depuis trente ans déjà. Ainsi, les recherches de Katherine Gruel et Véronique Brouquier- Reddé, du laboratoire « Archéologies d’Orient et d’Occident » (Aoroc) 1, pendant ces treize dernières années, ont mis au jour les traces du sanctuaire gallo-romain le plus récent. Puis, sous la cour, furent retrouvés des chantiers de construction datés du II e siècle après J.-C. : une découverte assez exceptionnelle ! Et cette année, la cour du I er siècle après J.-C.commence à se dessiner sous l’aire de travail, avec, au cœur des fondations, des objets restés scellés qui annoncent peu à peu quel fut le culte rendu sur ces lieux. Pourquoi avoir construit ce sanctuaire sur la plus haute colline de la région ? Pour prouver la bravoure de leur peuple, affirment certains ; d’autres y voient plutôt le signe d’une dévotion forte pour leur dieu. Quoi qu’il en soit, le site dominait les alentours : ce temple à podium, à tour circulaire (une cella) et colonnade corinthienne, était intégré dans une vaste cour de 80 mètres de côté limitée par des portiques. « Les Romains ont nivelé la colline pour obtenir la terrasse d’implantation de cette cour, explique Katherine Gruel, directrice de recherche à l’Aoroc en charge des fouilles. Les remblais déversés sur le flanc nord de la colline ont protégé les niveaux plus anciens. Une chance ! » Ainsi, les différentes étapes de réalisation du dernier sanctuaire sont lisibles sur le terrain : les pierres étaient taillées dans un atelier, où s’est déposée une épaisse couche de tuffeau 2, situé sur les aires de construction. Au-dessus de celui-ci, était installé un autre atelier pour travailler les métaux : plombpour les scellements, clous de menuiserie et de charpente, plaques à marbre, bronze… Ces niveaux ont été parfaitement conservés, et avec eux, des monnaies ainsi que des céramiques galloromaines fines et variées. À qui était dédié ce site gallo-romain, ainsi reconstruit et élargi ? Plusieurs inscriptions latines mettent les archéologues sur la piste. Découvertes pour certaines l’année dernière, des inscriptions du sanctuaire du I er siècle après J.-C. ont confirmé que le temple était destiné au culte du dieu Mars Mullo : le dieu romain Mars était donc associé au dieu celte Mullo, dont nous ne connaissons rien à ce jour, si ce n’est qu’il était honoré dans tout l’Ouest de la Gaule. D’autres inscriptions portent le nom des Aulerques Cénomans. La plus importante est une dédicace dont la date n’est pas connue, au gouverneur romain de la province, le légat de la Lyonnaise 3. C’est ce qu’a dévoilé en 2007 la lecture de François Bérard, de l’Aoroc. « Cette plaque de métal, appelée patte à marbre, est encore incomplète. Nous savons que cet homme a eu une carrière militaire importante, mais il nous manque son nom. Les spécialistes d’épigraphie n’arrivent pas à l’identifier… », précise Katherine Gruel. Le cloître à portique et la tour circulaire gauloise du temple en construction, ainsi que ses ateliers adjacents, sont recréés en images 3D grâce aux techniques de microtopographie. Ce n’est pas tout. Le remblai utilisé par les Romains a scellé d’autres indices importants. Déjà, une centaine de fragments gaulois – fourreaux, épées pliées – ont été trouvés ; et des monnaies, frappées à l’époque gauloise 4 dans le Centre- Est de la Gaule, en Narbonnaise ainsi qu’à Marseille étaient mélangées à des monnaies locales. Ce temple fut donc très tôt en contact avec ces régions éloignées. La puissance et le rayonnement de ce sanctuaire s’imposaient-ils alors dans toute la Gaule ? Les fouilles continuent… Aude Olivier ➔ Pour en savoir plus : www.archeo.ens.fr 1. Laboratoire CNRS/ENS Paris. 2. Pierre de taille blanche en calcaire, utilisée en construction. 3. La France était divisé en trois provinces : la Lyonnaise, l’Aquitaine et la Narbonnaise. 4. Avant l’invasion romaine qui a commencé en 57 av. J.-C. CONTACT ➔ Katherine Gruel Laboratoire « Archéologies d’Orient et d’Occident » (Aoroc), Paris katherine.gruel@ens.fr © V. Bernollin © K. Gruel
PHYSIQUE MOLÉCULAIRE Un pH-mètre pour le nanomonde ÉTHOLOGIE ET ROBOTIQUE Des robots mènent la danse des cafards… Des cafards explorent les lieux, échangent quelques informations et finissent par se réfugier sous un abri éclairé. Étrange… ces petites bêtes préfèrent généralement l’obscurité. Mais cette colonie n’est pas tout à fait ordinaire : elle compte dans ses rangs des petits robots capables d’influencer les décisions du groupe. Il aura fallu trois ans à une équipe européenne, incluant des chercheurs du CNRS, pour concevoir cette communauté mixte, dans laquelle les blattes considèrent les robots comme leurs semblables et leur font parfois même confiance quant au choix de leur abri. Les résultats de ce programme, baptisé Leurre, ont été publiés dans la revue Science à la fin de l’année 2007 1. Ces cafards artificiels – des cubes électroniques d’environ 3 centimètres de côté, dotés de moteurs, de capteurs infrarouges et d’une caméra miniature – ont été conçus par les ©X. Rossi/CNRS Photothèque/Agence Gamma roboticiens de l’École polytechnique fédérale de Lausanne. Mais cette petite boîte à roulettes, capable d’éviter les obstacles, n’était pas suffisante pour leurrer les cafards. C’est pourquoi des biologistes de l’Université libre de Bruxelles se sont penchés sur les déplacements et les préférences de l’insecte : accélération brutale, hésitation, attirance pour l’obscurité… Les données récoltées ont été informatisées puis intégrées au « cerveau » du robot. Désormais, le cancrelat électronique se comportait comme une vraie blatte. Mais le robot devait aussi avoir… un « parfum » de blatte. « Si le robot n’émet pas de phéromone de reconnaissance, c’est-à-dire de message chimique signifiant « Je suis une blatte, on peut s’agréger avec moi », il ne peut pas être accepté par le groupe », résume Colette Rivault, chercheuse CNRS du laboratoire « Éthologie animale Stars des nanotechnologies, les nanotubes de carbone sont surtout connus pour leur solidité et leur élasticité sans équivalent. Mais ces cylindres de taille atomique n’en finissent pas de surprendre. Dernière découverte en date sur ces minuscules objets : ils constituent les plus petits pH-mètres qui soient, capables de mesurer l’acidité d’un liquide d’à peine un femtolitre (un millionième de milliardième de litre). C’est Laurent Cognet, chercheur au Centre de physique moléculaire, optique et hertzienne (CPMOH) 1 à Talence, qui a mis en évidence cette étonnante propriété, en collaboration avec une équipe américaine de la Rice University 2. Pour surprendre les nanotubes en pleine action, les physiciens les ont observés… s’illuminer au microscope. « Les nanotubes ont en effet la particularité d’émettre des infrarouges quand ils sont excités par un laser, explique Laurent Cognet. Cette luminescence, comme on l’appelle, baisse quand un nanotube est en contact avec un ion hydrogène de charge positive. Or, c’est précisément en mesurant la quantité de ces ions présents dans le milieu qu’on connaît son pH 3 ». Le pH-mètre en version lilliputienne était né. Capable de détecter un seul ion à la fois. Et donc d’analyser des volumes infimes de solution. Difficile alors de ne pas imaginer une multitude d’applications possibles. Deux domaines ont particulièrement retenu l’attention de nos chercheurs. Le pH-mètre nanométrique pourrait ainsi devenir un outil incontournable des « laboratoires sur puce », ces pastilles en silicium de quelques millimètres qui analysent la moindre goutte de liquide pour en révéler ses composants chimiques ou encore la présence de virus et de bactéries. Mieux encore, insérés dans les vésicules d’une cellule vivante, les nanotubes pourraient suivre en permanence l’activité de cette dernière. Les vésicules, portes d’entrée des molécules dans la cellule qui apparaissent puis disparaissent, ont en effet la propriété d’être plus acides que leur environnement. Cerise sur le gâteau, en analysant l’influence du pH sur la luminescence des nanotubes, les physiciens ont réalisé une autre première : ils ont montré qu’un électron, excité par le laser, parcourait à chaque fois la même distance – environ et humaine » (Ethos) 2 à Rennes. C’est ainsi que son équipe a isolé cette phéromone, et en a imprégné de petits morceaux de papier-filtre destinés à être collés sur les robots. Et le résultat est concluant. Lorsque les chercheurs introduisent quatre de ces robots « parfumés » avec 12 blattes dans une arène, les individus interagissent puis vont se reposer d’un commun accord sous le même abri. Plus étonnant encore : lorsque les robots sont programmés pour privilégier l’abri le plus éclairé, dans 61% des cas ils arrivent à convaincre les blattes d’aller sous cet abri, alors qu’elles auraient naturellement fait le choix inverse. « On a vraiment réussi à leurrer les blattes ! », conclut Colette VIEDESLABOS 9 100 nanomètres – avant de se désexciter et d’émettre alors un rayonnement infrarouge. « Un résultat fondamental pour comprendre les mécanismes d’émission de lumière des nanotubes », note Laurent Cognet. Et un pas de plus vers une électronique nanométrique, à base de ces tubes révolutionnaires. Pierre Mira 1. Laboratoire CNRS/université Bordeaux-I. 2. Travaux publiés dans Science, vol. 316, n°5830, 8 juin 2007,pp. 1465-1468. 3. Plus un milieu est riche en ions H +, plus il est acide. CONTACT ➔ Laurent Cognet Centre de physique moléculaire optique et hertzienne (CPMOH), Bordeauxlcognet@u-bordeaux1.fr Revêtu de sa « robe parfumée », ce robot est reconnu par les blattes comme un congénère. Il est accepté par la colonie et participe aux décisions collectives. Rivault. Par ailleurs, pour les autres 39% des cas, la colonie mixte se regroupe sous l’abri le plus sombre. Preuve donc qu’une véritable communication s’est installée entre machines et insectes. Laurianne Geffroy 1. Science, vol. 318, n°5853, 16 novembre 2007,pp. 1155-1158. 2. Laboratoire CNRS/Université Rennes-I. Le Centre de recherche sur la cognition animale (CNRS/Université Toulouse-III) était également impliqué dans le programme Leurre. CONTACT ➔ Colette Rivault Éthologie animale et humaine (Ethos), Rennes colette.rivault@univ-rennes1.fr Le journal du CNRS n°218 mars 2008



Autres parutions de ce magazine  voir tous les numéros


Liens vers cette page
Couverture seule :


Couverture avec texte parution au-dessus :


Couverture avec texte parution en dessous :