CNRS Le Journal n°218 mars 2008
CNRS Le Journal n°218 mars 2008
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°218 de mars 2008

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 2,8 Mo

  • Dans ce numéro : SIDA, le combat sans répit

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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36 HORIZON Ils ont choisi la France et le CNRS Marcin Detyniecki Arrêt sur image Essayez un peu de trouver des photos de débardeur mauve sur Google. Il se trouve bien quelques images qui correspondent, mais parce que quelqu’un a pris la peine d’indiquer les mots « débardeur » et « mauve » en légende. Sans cela, l’image échappe à l’intelligence tout alphabétique des « robots » qui indexent le web. C’est à cette lourde tâche que s’est attaqué Marcin Detyniecki au Laboratoire d’informatique de Paris 6 (LIP6) 1 : apprendre aux ordinateurs à reconnaître ce qu’est une couleur, une forme, un objet, etc. Enseigner à la machine le décorticage d’un reportage vidéo, pour en produire – automatiquement – un « résumé » fidèle. Déterminer si une image reçue au courrier électronique contient du spam. Ou retrouver des tee-shirts d’une couleur donnée dans un catalogue de vêtements. Trop beau pour être vrai ? Pourtant, sur le portable du chercheur, ces exemples se succèdent, qui montrent que sa démarche porte ses fruits. À première vue, Marcin Detyniecki a davantage des allures de play-boy que de passionné d’intelligence artificielle. Ancien joueur de volley, sa voix assurée est décorée d’un accent venu de l’Est. À 34 ans, il a pourtant plus vécu à deux pas de la jungle vénézuélienne qu’en Pologne, où il est né quelques mois avant que ses parents ne quittent le pays pour échapper au régime. Son père est peintre et sa mère restaure des tableaux. À Caracas, il fréquente le lycée allemand et apprend l’espagnol avec la femme de ménage. Aujourd’hui, assis dans son fauteuil de cuir, il s’interrompt pour décrocher le téléphone, et bavarde un court instant dans une langue inintelligible. « Avec mon frère, je parle un mélange de polonais et d’espagnol », s’amuse le polyglotte qui revendique sept langues parlées, dont cinq couramment. Le globe-trotteur n’a jamais vraiment posé son sac. Un peu de Pologne, beaucoup de Venezuela. Mais aussi le Portugal, des séjours d’études en Allemagne, avant une invitation – après une pause à Paris chez un couple de chercheurs du CNRS amis de la famille – à entrer en prépa au lycée Louis-le-Grand. Il n’a pas le niveau, et se contente, arrivé en janvier 1992 sans parler le français, de réussir son bac en juin… Suit une prépa, et un échec à Polytechnique et Normale sup’ en raison d’une note éliminatoire en espa- Le journal du CNRS n°218 mars 2008 BRÈVE gnol… Ce sera donc l’université Paris-VI, partagé entre les maths et la physique, en prélude à un DEA d’intelligence artificielle. Son DEA en poche, Marcin Detyniecki entame une thèse au LIP6, sous la direction de Bernadette Bouchon-Meunier, et au Machine Intelligence Institute (États- Unis), sous l’égide de Ronald Yager. Puis un postdoc, aux États-Unis, à Berkeley, dans l’équipe de Lotfi Zadeh, l’inventeur de la logique floue 2. Courtisé par Google – il l’est toujours –, il préfère entrer au CNRS, en 2002, et se fait naturaliser Français pour régler ses problèmes de visa. « Ici, j’ai la liberté de penser, de travailler dans la durée, sans souci matériel. Ainsi aujourd’hui, je suis revenu à des travaux plus théoriques, plus conceptuels. » Et ça bouge vite dans l’intelligence artificielle : « Ce qui date de trois ans est déjà vieux », explique Marcin qui, comme ses collègues du LIP6, n’hésite pas à se confronter aux meilleures équipes dans des compétitions internationales. « Je n’en suis pas très fan, mais cela permet de savoir où on en est… » Denis Delbecq 1. Laboratoire CNRS/Université Paris-VI. 2. Si la logique binaire ne connaît que deux possibilités (0 ou 1) – un débardeur sera mauve, ou pas mauve –, la logique floue permet de rendre compte de l’imprécision d’une information : le débardeur peut être mauve avec un degré de véracité de 0,9 et on déduira qu’il a une couleur proche, par exemple le magenta. CONTACT ➔ Marcin Detyniecki Laboratoire d’informatique de Paris 6 (LIP6) marcin.detyniecki@lip6.fr Accords avec le Chili et l’Argentine Le 11 décembre, Catherine Bréchignac, présidente du CNRS, et Vivian Heyl, présidente de la Comisión Nacional de Investigación Científica y Tecnológica (Conicyt), ont signé, à Santiago du Chili, un protocole d’entente entre les deux organismes. Au programme, pour 2008-2012 : la formation avancée en astronomie, en biologie marine et en sismologie. Vivian Trois jours après, à Buenos Aires, en Argentine, la présidente Heyl et Catherine Bréchignac à Santiago. du CNRS et Eduardo Chareau, président du Consejo Nacional de Investigaciones Científicas y Técnicas (Conicet), ont signé une convention de coopération qui remplace celle de 1985. Elle inclut les outils de coopération du CNRS (programmes internationaux de coopération scientifique, groupements de recherche internationaux, laboratoires internationaux associés, unités mixtes de recherche) et les clauses de propriété intellectuelle. Cette convention va renforcer les liens existants entre les deux structures. > Contacts : debeauvaiscnrs@123.cl, claire.giraud@cnrs-dir.fr © S. Godefroy/CNRS Photothèque © CONICYT
OBSERVATOIRE PIERRE AUGER Une fenêtre sur l’Univers En novembre 2007, les chercheurs de l’Observatoire Pierre Auger ont livré de précieuses indications sur l’origine des mystérieux rayons cosmiques. Récit d’une formidable coopération internationale. Depuis quelques années, dans une vaste prairie d’Argentine, les gauchos locaux partagent les herbes dorées de la pampa avec une étrange flopée de cuves d’eau. Ces 1600 citernes insolites sont en fait des détecteurs de particules qui, avec la ceinture de télescopes située non loin, composent l’Observatoire international Pierre Auger 1, le plus grand observatoire de rayons cosmiques du monde. Ceux-ci sont en fait des particules incroyablement énergétiques qui pleuvent continuellement sur la Terre à une vitesse proche de celle de la lumière. Lorsqu’ils percutent l’atmosphère, ils produisent des gerbes de milliards de particules secondaires. Parmi ces rayons cosmiques, on trouve les particules les plus énergétiques jamais observées dans la nature. En effet, cellesci contiennent une énergie cent millions de fois plus importante que celle des particules produites par les plus puissants accélérateurs. Mais depuis la découverte des rayons cosmiques par le physicien français Pierre Auger en 1938, les particules dotées d’énergies extrêmes sont restées mystérieuses. De quoi sont-elles composées ? D’où viennent-elles ? L’Observatoire Auger vient tout juste d’offrir des pistes de réponse. En novembre dernier, une collaboration de scientifiques de dix-sept pays a en effet annoncé que ces énigmatiques rayons proviendraient de galaxies extérieures à la Voie lactée 2. Pour eux, les particules qui arrivent sur Terre ne proviennent pas de directions arbitraires. Leurs origines sont groupées et semblent correspondre à la position de noyaux de galaxies actives (AGN). Au centre de ces galaxies, les jets et les ondes de choc entourant des trous noirs seraient responsables de l’accélération des particules, et donc à l’origine de leur haute énergie. Le mécanisme exact de cette accélération, cependant, est encore inexpliqué. Pour obtenir leurs résultats, les astrophysiciens d’Auger ont observé les rayons cosmiques indirectement, en mesurant la gerbe de particules qu’ils produisent dans l’atmosphère à l’aide de deux méthodes. La première met à profit les 1 600 détecteurs de surface, éparpillés sur une étendue de pampa de la taille du Luxembourg. Chaque citerne de 12 000 litres est complètement obscure à l’intérieur, mais s’illumine – de manière infime – lorsqu’une particule chargée la traverse. À grande vitesse, cette dernière produit en effet une lumière dite « Cherenkov » qui peut ensuite être mesurée. D’infimes disparités dans les temps de détection, qui varient selon l’emplacement des cuves, permettent alors aux chercheurs de déterminer la direction d’origine des rayons. La seconde technique, quant à elle, se sert de télescopes pour traquer la faible lueur émise par les particules lorsqu’elles percutent l’atmosphère. En effet, lors de nuits sans lune, des détecteurs de lumière peuvent mesurer l’intensité de cette fluorescence et en déduire l’orientation et la composition des rayons cosmiques. En combinant ces deux méthodes et leurs résultats, cet observatoire hybride est donc parvenu à une récolte de données sans précédent. Initialement proposé en 1992 par les Américains Jim Cronin (Prix Nobel de physique) et Alan Watson, et officiellement inauguré en 2005, l’observatoire a vu le jour grâce au travail de 370 physiciens et ingénieurs appartenant à plus de 70 institutions dans le monde. Les 17 pays participants en ont partagé le financement qui s’élevait à 40 millions d’euros. Le CNRS, lui, a été le premier contributeur français, et nombre de ses chercheurs sont encore activement impliqués dans le projet 3, dont Pierre Billoir et Antoine Letessier-Selvon, du Laboratoire de physique nucléaire et des hautes énergies (LPNHE) 4 à Paris. Les bureaux de l’observatoire à Malargüe, en Argentine. Grands instruments HORIZON 37 Au premier plan, l’un des 1600 détecteurs de surface des particules produites par l’interaction des rayons cosmiques avec l’atmosphère terrestre. À l’arrièreplan, l’un des quatre télescopes à fluorescence. Après l’obtention de résultats si spectaculaires, si peu de temps après l’ouverture de l’observatoire, les chercheurs d’Auger attendent avec impatience l’enclenchement des phases suivantes de ce grand projet international. Au programme : l’inauguration d’un site jumeau dans l’État du Colorado aux États-Unis pour entrebâiller, d’un petit cran de plus, cette vaste fenêtre sur l’Univers. Lucille Hagège 1. www.auger.org 2. Science, vol. 318, n°5852,pp. 938-943, nov. 2007. 3. Institut de physique nucléaire d’Orsay (IPN), laboratoire « Astroparticule et cosmologie » (APC), Laboratoire de l’accélérateur linéaire (LAL), Laboratoire physique nucléaire et hautes énergies (LPNHE) ; Laboratoire de physique subatomique et de cosmologie (LPSC), Institut « Univers, transport, interfaces nanostructures, atmosphère et environnement, molécules » (Utinam). 4. Laboratoire CNRS/Universités Paris-VI et VII. CONTACT ➔ Antoine Letessier-Selvon Laboratoire de physique nucléaire et des hautes énergies (LPNHE), Paris antoine.letessier-selvon@in2p3.fr © Photos : Observatoire Pierre Auger



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