36 HORIZON Ils ont choisi la France et le CNRS Marcin Detyniecki Arrêt sur image Essayez un peu de trouver des photos de débardeur mauve sur Google. Il se trouve bien quelques images qui correspondent, mais parce que quelqu’un a pris la peine d’indiquer les mots « débardeur » et « mauve » en légende. Sans cela, l’image échappe à l’intelligence tout alphabétique des « robots » qui indexent le web. C’est à cette lourde tâche que s’est attaqué Marcin Detyniecki au Laboratoire d’informatique de Paris 6 (LIP6) 1 : apprendre aux ordinateurs à reconnaître ce qu’est une couleur, une forme, un objet, etc. Enseigner à la machine le décorticage d’un reportage vidéo, pour en produire – automatiquement – un « résumé » fidèle. Déterminer si une image reçue au courrier électronique contient du spam. Ou retrouver des tee-shirts d’une couleur donnée dans un catalogue de vêtements. Trop beau pour être vrai ? Pourtant, sur le portable du chercheur, ces exemples se succèdent, qui montrent que sa démarche porte ses fruits. À première vue, Marcin Detyniecki a davantage des allures de play-boy que de passionné d’intelligence artificielle. Ancien joueur de volley, sa voix assurée est décorée d’un accent venu de l’Est. À 34 ans, il a pourtant plus vécu à deux pas de la jungle vénézuélienne qu’en Pologne, où il est né quelques mois avant que ses parents ne quittent le pays pour échapper au régime. Son père est peintre et sa mère restaure des tableaux. À Caracas, il fréquente le lycée allemand et apprend l’espagnol avec la femme de ménage. Aujourd’hui, assis dans son fauteuil de cuir, il s’interrompt pour décrocher le téléphone, et bavarde un court instant dans une langue inintelligible. « Avec mon frère, je parle un mélange de polonais et d’espagnol », s’amuse le polyglotte qui revendique sept langues parlées, dont cinq couramment. Le globe-trotteur n’a jamais vraiment posé son sac. Un peu de Pologne, beaucoup de Venezuela. Mais aussi le Portugal, des séjours d’études en Allemagne, avant une invitation – après une pause à Paris chez un couple de chercheurs du CNRS amis de la famille – à entrer en prépa au lycée Louis-le-Grand. Il n’a pas le niveau, et se contente, arrivé en janvier 1992 sans parler le français, de réussir son bac en juin… Suit une prépa, et un échec à Polytechnique et Normale sup’ en raison d’une note éliminatoire en espa- Le journal du CNRS n°218 mars 2008 BRÈVE gnol… Ce sera donc l’université Paris-VI, partagé entre les maths et la physique, en prélude à un DEA d’intelligence artificielle. Son DEA en poche, Marcin Detyniecki entame une thèse au LIP6, sous la direction de Bernadette Bouchon-Meunier, et au Machine Intelligence Institute (États- Unis), sous l’égide de Ronald Yager. Puis un postdoc, aux États-Unis, à Berkeley, dans l’équipe de Lotfi Zadeh, l’inventeur de la logique floue 2. Courtisé par Google – il l’est toujours –, il préfère entrer au CNRS, en 2002, et se fait naturaliser Français pour régler ses problèmes de visa. « Ici, j’ai la liberté de penser, de travailler dans la durée, sans souci matériel. Ainsi aujourd’hui, je suis revenu à des travaux plus théoriques, plus conceptuels. » Et ça bouge vite dans l’intelligence artificielle : « Ce qui date de trois ans est déjà vieux », explique Marcin qui, comme ses collègues du LIP6, n’hésite pas à se confronter aux meilleures équipes dans des compétitions internationales. « Je n’en suis pas très fan, mais cela permet de savoir où on en est… » Denis Delbecq 1. Laboratoire CNRS/Université Paris-VI. 2. Si la logique binaire ne connaît que deux possibilités (0 ou 1) – un débardeur sera mauve, ou pas mauve –, la logique floue permet de rendre compte de l’imprécision d’une information : le débardeur peut être mauve avec un degré de véracité de 0,9 et on déduira qu’il a une couleur proche, par exemple le magenta. CONTACT ➔ Marcin Detyniecki Laboratoire d’informatique de Paris 6 (LIP6) marcin.detyniecki@lip6.fr Accords avec le Chili et l’Argentine Le 11 décembre, Catherine Bréchignac, présidente du CNRS, et Vivian Heyl, présidente de la Comisión Nacional de Investigación Científica y Tecnológica (Conicyt), ont signé, à Santiago du Chili, un protocole d’entente entre les deux organismes. Au programme, pour 2008-2012 : la formation avancée en astronomie, en biologie marine et en sismologie. Vivian Trois jours après, à Buenos Aires, en Argentine, la présidente Heyl et Catherine Bréchignac à Santiago. du CNRS et Eduardo Chareau, président du Consejo Nacional de Investigaciones Científicas y Técnicas (Conicet), ont signé une convention de coopération qui remplace celle de 1985. Elle inclut les outils de coopération du CNRS (programmes internationaux de coopération scientifique, groupements de recherche internationaux, laboratoires internationaux associés, unités mixtes de recherche) et les clauses de propriété intellectuelle. Cette convention va renforcer les liens existants entre les deux structures. > Contacts : debeauvaiscnrs@123.cl, claire.giraud@cnrs-dir.fr © S. Godefroy/CNRS Photothèque © CONICYT |