34 INSITU GRANDS ÉQUIPEMENTS Le CNRS s’offre un supercalculateur Deux cent sept téraflops. C’est désormais la puissance de calcul scientifique du CNRS, grâce à la récente acquisition d’un tout nouveau supercalculateur, hébergé à l’Idris. De quoi hisser ce laboratoire, et la France, au troisième rang mondial, juste derrière les États-Unis et l’Allemagne. Le journal du CNRS n°218 mars 2008 Une des armoires de l’installation Blue Gene/P du supercalculateur acquis par le CNRS. L’Institut du développement des ressources en informatique scientifique (Idris) flotte sur un petit nuage. Ce centre du CNRS, installé sur le campus d’Orsay, en région parisienne, a commencé à recevoir à la mijanvier les premiers éléments de ce qui sera dès mars le plus puissant ordinateur opérationnel en France. Avec ce supercalculateur, la force de frappe numérique de la recherche française sera multipliée par trente. Elle atteindra à l’été 207 téraflops, contre 6,7 jusqu’à présent… De quoi propulser le CNRS au troisième rang mondial, juste derrière le Lawrence Livermore National Laboratory aux États-Unis (500 téraflops) et le Centre de recherches de Jülich en Allemagne (bientôt 240 téraflops). Il était temps. « Nous constations depuis deux ans une autocensure des chercheurs eux-mêmes vis-à-vis des demandes en matière de calcul scientifique, et cela nous inquiétait », a expliqué Catherine Bréchignac, présidente du CNRS, lors de l’annonce, le 7 janvier, du contrat passé avec la société IBM. Deux semaines plus tard, au rez-de-chaussée du bâtiment, la salle des machines de l’Idris ressemble à un gigantesque hangar presque désert, même si de gros cartons vides sont entassés dans l’entrée. D’abord parce qu’il manque une partie du matériel qu’IBM doit livrer. Et surtout parce que la taille des ordinateurs diminue aussi vite que leur puissance augmente… « Ainsi, la machine qui atteindra les 68 téraflops, dix fois plus que celle qu’elle remplace, occupera deux fois moins de place », annonce fièrement Victor Alessandrini, le directeur de l’Idris. Le téraflop, sigle favori des orfèvres du calcul scientifique, c’est le millier de milliards de calculs qu’un supercalculateur peut effectuer, chaque seconde, sur des nombres à virgule. Mais les armoires de la machine en question ne représentent que les deux tiers de la puissance acquise par le CNRS auprès d’IBM. Car l’originalité de cette nouvelle plateforme, c’est qu’elle sera en fait formée de deux machines, pour tenter de répondre à l’ensemble des besoins des scientifiques (lire encadré p. 35). Sous le plancher de l’Idris, on découvre d’impressionnantes machines à produire de l’eau à 7 °C pour refroidir les machines. Le sous-sol renferme aussi des onduleurs, qui façonnent le courant électrique, et des groupes électrogènes. À l’extérieur, un local à batteries peut alimenter le système le temps d’arrêter les disques de stockage, en cas de pannes en chaîne. Car il n’est pas question de perdre les quantités astronomiques d’informations produites par les scientifiques… La capacité de stockage de l’Idris dépasse le petaoctet 1, quatre mille fois plus qu’un micro-ordinateur… La liste est longue des disciplines qui ne peuvent pas se contenter de petits ordinateurs, ou de « grilles » de PC 2 mis en réseau. Notons la modélisation du climat et des courants océaniques, mais aussi l’étude des fluides, de la structure des protéines pour concevoir de nouveaux médicaments, de la formation des galaxies ou des composants ultimes de la matière, ou encore les nanotechnologies et les moteurs à haut rendement, etc. « Notre vocation est d’offrir un service de calcul à l’ensemble de la communauté scientifique, commente Victor Alessandrini. Nous sommes un très grand équipement de recherche, au même titre qu’un accélérateur de particules, un télescope ou une ligne de production de rayonsX. » L’accès aux moyens de l’Idris, et à la matière grise de ses ingénieurs, est gratuit, mais encadré. « Chaque année, quatre © Photos : T. Goldmann/IDRIS-CNRS Au premier plan, les armoires de la Blue Gene/P. Derrière, le système IBM Power4, qui sera remplacé cet été par un système IBM Power6 pour compléter le supercalculateur. cents projets sont sélectionnés par des comités d’experts qui évaluent leur bien-fondé scientifique et leur adéquation avec nos outils de calcul. » Les demandes émanent du CNRS, des universités, d’organismes comme le CEA et même d’industriels, dans le cadre des contrats avec les laboratoires de recherche. Un véritable service public de calcul intensif dédié à la recherche. Les heureux élus obtiennent de l’Idris l’assistance de la quinzaine d’ingénieurs chargés de faire fonctionner et d’améliorer les machines, et surtout de la quinzaine de spécialistes de la traque aux calculs inutiles. Ces « gardiens du temple » étudient les programmes avec les chercheurs. « Avec l’expérience, on voit rapidement si un code de calcul est adapté à nos machines », précise Thierry Goldmann, en charge de la communication et de l’assistance à la visualisation des données à l’Idris. Les ingénieurs de l’institut, épaulés par des industriels, forment aussi les chercheurs du public et du privé aux techniques les plus récentes du calcul scientifique. Pour éviter de gaspiller les neurones électriques, il vaut mieux des cerveaux bien formés… Denis Delbecq 1. Peta- est le préfixe qui signifie 10 15. Le peta- vaut mille téra-, un million de giga-, etc. 2. Voir Le journal du CNRS, n°216-217 « Le CNRS ramifie sa toile de calcul ». CONTACTS Institut du développement des ressources en informatique scientifique, Orsay ➔ Victor Alessandrini, alessandrini@idris.fr ➔ Thierry Goldmann, goldmann@idris.fr |