CNRS Le Journal n°218 mars 2008
CNRS Le Journal n°218 mars 2008
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°218 de mars 2008

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 2,8 Mo

  • Dans ce numéro : SIDA, le combat sans répit

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

Dans ce numéro...
< Pages précédentes
Pages : 24 - 25  |  Aller à la page   OK
Pages suivantes >
24 25
24 © Infographie : www.gregcirade.com pour le Journal du CNRS. Sources : Onusida, OMS, enquête Vespa L’ENQUÊTE 46 000 Amérique du Nord 1300 000 17 000 Caraïbes 230 000 100 000 Amérique latine 1600 000 Si elles sont affiliées à la Sécurité sociale, toutes ces personnes sont prises en charge à 100% pour les dépenses liées au VIH, au même titre qu’une dizaine d’autres affections de longue durée (ALD) en France. Encore faut-il être dans le bon protocole de soins 4. « Il n’y a pas de traitement homologué en médecine généraliste », rappelle Claude Thiaudière, sociologue au Centre universitaire de recherches sur l’action publique et le politique-Épistémologie et sciences sociales (Curapp-ESS) 5 et maître de conférences à l’université de Picardie-Jules Verne. « La plupart des médicaments font encore l’objet de recherches, ce sont des essais », et ils nécessitent donc un suivi hospitalier. Pour ces affections qui ne peuvent donner lieu à des ordonnances « clés en main » fournies en cabinet, entrer dans le protocole d’un Juin 1981 Le journal du CNRS n°218 mars 2008 Afrique subsaharienne 22 500 000 Cinq cas graves de pneumonie sont signalés par le Center for disease control (CDC) d’Atlanta. Une précision est apportée : les patients sont homosexuels. 31 000 Europe centrale et occidentale 760 000 grand hôpital parisien peut donc faire une cruelle différence. De manière générale, dans les pays développés, « il faut être dans le « bon » réseau médical pour avoir le traitement de pointe, poursuit le sociologue. Le patient doit aussi savoir expliquer ses symptômes, se débrouiller chez lui avec une feuille de soins parfois complexe, avec des prises de pilules à heures fixes, etc. », pointe Claude Thiaudière. « Finalement, les inégalités entre patients viennent autant de leur capital « socioculturel » que de leurs ressources financières ». À ce propos justement, les médicaments dits de confort, contre les diarrhées, problèmes de peau et autres effets secondaires, pas toujours remboursés même en France, finissent par alourdir la facture, surtout depuis les nouvelles franchises médicales 6 qui s’ajoutent aux précédentes mises en place depuis 2005. © P.Turnley/CORBIS À Paris, Willy Rozenbaum, jeune chef de clinique, reçoit un patient aux symptômes similaires. 150 000 Europe orientale Asie centrale 1600 000 35 000 340 000 Proche-Orient Afrique du Nord 380 000 33,2 MILLIONS DE PORTEURS DU VIH… 2,5 MILLIONS DE NOUVEAUX CAS Enfants de moins de 15 ans Enfants de moins de 15 ans 2,5 millions 420 000 Hommes 15,4 millions > Femmes 15,4 millions 1 700 000 Juillet 1981 LE VIH EN CHIFFRES EN 2007 DANS LE MONDE Le CDC signale une centaine de personnes atteintes de cancers de la peau, le sarcome de Kaposi, et de maladies se manifestant lors d’une dépression immunitaire. La majorité d’entre elles sont de jeunes hommes homosexuels. 92 000 14 000 Océanie 75 000 Adultes 2,1 millions Asie orientale 800 000 Sous-continent indien Asie du sud-Est 4 000 000 DES INÉGALITÉS PROFESSIONNELLES Les rendez-vous médicaux fréquents, les coups de fatigue dus au traitement, rendent également la vie professionnelle plus dure. Bien sûr, c’est aussi le cas pour les patients atteints de cancers, de diabètes ou d’autres ALD. À la différence que « le VIH touche une population globalement plus jeune », remarque Rosemary Dray-Spira, médecin et épidémiologiste à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) 7. Les problèmes liés à l’emploi se posent donc de manière plus aiguë, comme le montre l’enquête Vespa. On y apprend ainsi qu’à peine plus d’un séropositif sur deux en âge de travailler était actif au moment de l’enquête en 2003. « Un taux significativement plus faible que Janvier 1982 Libération, Le quotidien de Paris, le Monde, publient des articles sur « un mystérieux cancer des homosexuels américains ». Nombre total de personnes vivant avec le VIH Nouveaux cas FRANCE (CHIFFRES 2006) environ 130 000 séropositifs 6300nouveaux cas Courant 1982 Aux États-Unis, des cas similaires sont signalés chez des hétérosexuels toxicomanes, des immigrés d’origine haïtienne et des hémophiles. Dans les esprits, la maladie reste pourtant le « cancer gay ».
Mars 1983 IMMIGRÉS : LE COÛT DU SILENCE « Depuis 1998, un étranger en situation irrégulière en France qui découvre sa séropositivité a le droit de recevoir le traitement dont il ne pourrait bénéficier si on le renvoyait dans son pays d’origine », explique El Hadji M’baye, chercheur en sciences politiques au laboratoire « Politiques publiques, action politique, territoires » (Pacte) 1. Même si la procédure tient du parcours du combattant, la Préfecture accorde une carte dite « vie privée, vie familiale », équivalent d’une carte de séjour. « Paradoxalement, des personnes en situation irrégulière deviennent donc légitimes « grâce » à la maladie… », commente le chercheur. Mais peu d’entre eux ont recours à leurs droits car ils ignorent leur sérologie : l’urgence est de trouver de l’argent à envoyer à la famille, pas de se préoccuper de sa santé. Pire : une visite chez le médecin risque de devenir un véritable piège si le patient se révèle séronégatif… « Une circulaire de février 2006 appelait les policiers à chercher les étrangers en situation irrégulière « jusque dans les blocs opératoires des L’appellation Acquired immunodeficiency syndrome (AIDS), ou syndrome de l’immunodéfience acquise (Sida) apparaît dans le monde médical. Mai 1983 © M. Clement/AFP Science publie les travaux de l’équipe du Pr. Montagnier (à gauche sur la photo) qui identifient un rétrovirus à l’origine de la maladie. dans la population française de même âge, sexe, niveau d’éducation et nationalité », commente la chercheuse. De plus, le risque de perte d’emploi est beaucoup plus fréquent, notamment en raison de la dégradation de l’état de santé bien sûr, et ce malgré les traitements. Mais cet état de santé, soigneusement pris en compte dans l’étude, n’explique pas tout : « Le manque d’adaptation des conditions de travail et des discriminations liées au VIH pourraient jouer un rôle dans la perte d’emploi ou son difficile accès », révèle l’épidémiologiste. « Nous avons des traitements qui restaurent une santé correcte mais il n’y a toujours pas de traitement « sociétal » du VIH… », déplore Bruno Spire, médecin-chercheur à l’Inserm8 et président de Aides, association européenne de lutte contre le VIH/sida. Peu étonnant alors que 70% des personnes sondées taisent leur séropositivité au travail. Plus généralement, « un tiers des séropositifs pensent avoir subi des discriminations de la part de leur entourage, poursuit Bruno Spire. Et lorsqu’ils sont victimes de discrimination au travail, ils ont neuf fois plus de risques de perdre leur emploi. » Le handicap des séropositifs sur le marché du travail apparaît donc clairement. En particulier parmi les patients peu diplômés, diagnostiqués avant l’arrivée des traitements efficaces et qui doivent parfois justifier plusieurs années d’inactivité. En outre, un séropositif sur cinq, selon l’enquête Vespa, bénéficie de l’Allocation « Adulte handicapé » 9, qui a bien souvent un effet pervers : y renoncer pour un emploi que l’on n’est pas sûr de pouvoir garder est bien trop risqué étant donné la longueur de la procédure et la difficulté d’obtention. La situation inquiète d’autant plus Janine Pierret, sociologue au laboratoire « Médecine, science, et société » 10, que les caractéristiques des populations touchées ont changé depuis une dizaine d’années : « Ces populations moins diplômées, hôpitaux » ! », s’indigne le chercheur. « Au milieu de ces politiques contradictoires, la CPAM a du mal à communiquer avec cette population « hors-la-loi » », reprend El Hadji M’baye. Une difficulté de plus pour le personnel médical qui peine encore à toucher les personnes d’origine étrangère, en particulier d’Afrique subsaharienne, en situation irrégulière ou non. Tabou culturel, méconnaissance des risques de transmission par voie sexuelle, ces populations, trop souvent encore, se sentent peu concernées par la maladie. Les femmes ne sont la plupart du temps dépistées que lors d’une grossesse. Et c’est bien souvent uniquement à cette occasion que le médecin arrivera à convaincre son mari ou partenaire de subir le test à son tour. Enfin, quand le résultat est là, séropositivité ou même sida déjà déclaré, ils garderont souvent le secret.C.Z. Contact : El Hadji M’baye, elhadjimbaye@hotmail.com 1. Laboratoire CNRS/IEP Grenoble/Universités Grenoble-I et II. L’Institut Pasteur dépose une demande de brevet pour un test de dépistage sanguin. Décembre 1983 © H. Gloaguen/RAPHO/EYEDEA Mai 1984 © E. Feferberg/AFP Science publie les travaux du Pr. Robert Gallo (National Institutes of Health, États-Unis) qui identifie aussi un rétrovirus. Une controverse s’installe entre équipes française et américaine. L’ENQUÊTE 25 moins riches, tranchent avec la « première vague » faite essentiellement d’hommes homosexuels de catégories socioprofessionnelles élevées et habituées de la lutte militante », constate la chercheuse. Et c’est bien à l’échelle de la planète que le visage de l’épidémie a changé. À l’acteur américain Rock Hudson et à l’historien de renom Jean- Paul Aron, homosexuels ayant révélé leur séropositivité en 1985 et 1988, porte-drapeaux d’une génération de militants, succède aujourd’hui une population plus jeune, plus précaire, moins médiatique et qui se pense aussi souvent moins concernée par la maladie. « Je crains qu’elle ne tombe dans l’oubli », confie la chercheuse, « et que l’on considère normal de vivre avec ce syndrome, sous médicaments à vie, en oubliant que l’on continue d’en mourir, au bout du compte » … Charline Zeitoun 1. Onusida, créé en 1995, est un programme de l’ONU (Organisation des nations unies) destiné à coordonner l’action des différentes agences spécialisées de l’ONU pour lutter contre la pandémie de VIH/sida. 2. Onusida estimait le chiffre à 39,5 millions en 2006 mais grâce à de nouvelles méthodes d’estimation plus précises, il a été réévalué à 32,7 millions. 3. « VIH-Enquête sur les personnes atteintes », réalisée par l’Agence nationale de recherche sur le sida (ANRS) en 2003, auprès d’un échantillon représentatif des personnes séropositives en France (3 000 personnes, par tirage au sort). 4. Lors d’un protocole de soin, le médecin peut adapter le type de molécules utilisées et leur dosage au fur et à mesure en fonction des résultats d’analyses du patient. 5. Centre CNRS/Université d’Amiens. 6. Au 1 er janvier 2008, 50 centimes d’euro pour chaque boîte de médicament et chaque acte paramédical pratiqué en soin de ville (infirmier, etc.) et 2 euros pour chaque transport sanitaire, le tout plafonné à 50 euros par an selon la Cnam (Caisse nationale d’assurance maladie). 7. Unité Inserm687 « Santé publique et épidémiologie des déterminants professionnels et sociaux de la santé », Villejuif. 8. Unité InsermU912 « Sciences économiques et sociales, systèmes de santé, sociétés » (SE4S), Marseille. 9. Les personnes en état de sida avéré en bénéficiaient d’office depuis 1994, mais le nouveau guide-barème de 2004, plus flou, en complique l’obtention. 10. Laboratoire CNRS/Inserm/EHESS Paris/Université Paris-XI. CONTACTS ➔ Claude Thiaudière claude.thiaudiere@u-picardie.fr ➔ Rosemary Dray-Spira rosemary.dray-spira@st-maurice.inserm.fr ➔ Bruno Spire, spire@marseille.inserm.fr ➔ Janine Pierret, pierret@vjf.cnrs.fr Chercheurs français et américains reconnaissent que les deux virus sont identiques. Janvier 1985 Mars 1985 Note interne de la Direction générale de la santé (DGS) sur la contamination probable des produits sanguins. Dépistage obligatoire des donneurs de sang par décision gouvernementale en France. Août 1985 Le journal du CNRS n°218 mars 2008 > © Goivaux/RAPHO/EYEDEA



Autres parutions de ce magazine  voir tous les numéros


Liens vers cette page
Couverture seule :


Couverture avec texte parution au-dessus :


Couverture avec texte parution en dessous :