22 > L’ENQUÊTE molécules sont à l’étude pour tenter de briser l’interaction entre le virus et le CCR5. Sans oublier l’approche très originale adoptée par des chercheurs de l’Institut de génétique moléculaire de Montpellier (IGMM) 5 pour contrecarrer les mécanismes cellulaires qu’utilise ce fichu virus pour se multiplier. La molécule qu’ils ont élaborée (IDC16) bloque l’infection en empêchant « l’épissage » (c’est-à-dire la maturation des ARN du VIH, partant sa réplication). Mieux : IDC16 est efficace non seulement sur différentes souches virales de laboratoire mais aussi sur des virus isolés sur des patients, même si ceux-ci sont devenus résistants aux trithérapies habituelles. Autant de conquêtes déjà remportées – ou en passe de l’être – sur le virus. Mais la victoire est encore loin. « Un des défis posés par l’élaboration de nouveaux antiviraux réside dans le développement de thérapies capables d’enrayer les interactions entre protéines virales et cellulaires », insiste Clarisse Berlioz-Torrent. De là l’intérêt porté par son équipe à la protéine cellulaire TIP47. « Nous avons montré que cette protéine favorise la connexion, à l’intérieur d’une cellulehôte, de deux composants structuraux majeurs du VIH : le précurseur Gag et la glycoprotéine d’enveloppe (Env), dont la rencontre déclenche la production de nouveaux virus complètement infectieux, explique notre chercheuse. Si l’on empêche TIP47 de tenir son rôle de « connecteur », on réduit ipso facto le pouvoir infectieux des virus produits. » Une découverte promettant d’aider à mieux contrer les ravages du VIH ? Il n’est pas interdit de le penser, à condition de découvrir la molécule capable de contrecarrer l’interaction Gag-TIP47-enveloppe. LA PISTE DE LA VACCINATION Dans les pays industriels, l’avènement de puissants antirétroviraux et la mise en place des trithérapies ont enrayé la mortalité liée au sida et transformé ce fléau en une infection chronique sous traitement. Reste que l’immense majorité des quelque 33 millions d’individus infectés par le VIH en 2008 vit dans des régions sous-développées et n’a toujours pas accès aux molécules qui ont révolutionné chez nous le cours inéluctablement fatal, il n’y a pas si longtemps, de l’infection. Traduction : le développement d’un vaccin préventif, facile à produire, distribuable à bas prix et garantissant une immunité forte et durable après une ou deux injections, s’inscrit Le journal du CNRS n°218 mars 2008 © www.gregcirade.com pour le Journal du CNRS LES VACCINS VIVANTS RECOMBINANTS Ils résultent de l’assemblage d’un autre virus préalablement atténué, donc inoffensif, et de quelques gènes du VIH permettant la synthèse de protéines indispensables à la stimulation du système immunitaire. Le cas du vecteur rougeole développé par Frédéric Tangy est très prometteur. LES PROTÉINES VIRALES RECOMBINANTES Stratégie qui consiste à utiliser des protéines de surface du virus (comme la gp120). Si le corps rencontre un virus couvert de ces protéines, il produira des anticorps spécifiques en grand nombre censés neutraliser le VIH. Problème : les protéines de surface du VIH sont celles qui varient le plus. LES VACCINS ADN L’anneau (en bleu) représente un plasmide (une molécule d’ADN) contenant un gène du VIH (en rouge). On injecte un fragment de l’ADN du VIH, pour que des fragments de protéines virales soient produits et stimulent des lymphocytes spécifiques. Cette stratégie est pour le moment peu efficace. DES PISTES POUR UN VACCIN comme une priorité dans la lutte contre l’extension planétaire du sida. Mais autant le dire tout net : si d’énormes progrès ont été accomplis dans la compréhension de la réponse du système immunitaire à l’infection, et si les experts en vaccinologie redoublent d’efforts à l’échelle mondiale, aucune des stratégies vaccinales élaborées jusqu’ici (une soixantaine de candidats vaccins sont actuellement en essai clinique) n’a encore fait ses preuves. La piste du vaccin vivant atténué par génie génétique, une opération consistant à désactiver les gènes responsables de la virulence d’un virus, a vite été abandonnée. Elle était trop dangereuse pour être appliquée à l’homme, le virus atténué du sida retrouvant au bout de quelques années l’entièreté de son pouvoir pathogène. Idem pour la solution (très en vogue dans les années 1990) utilisant les protéines naturellement présentes à la surface du VIH, telle gp120. Si elles induisent bien des anticorps capables de neutraliser le virus, ces protéines ne sont efficaces que contre certaines souches de VIH, ce maudit virus mutant non stop et déjouant ce type de protection immunitaire. LES VACCINS VIVANTS ATTÉNUÉS Cette piste qui consiste à utiliser le virus atténué (incapable de causer la maladie mais apte à faire des copies de lui-même) a été explorée chez le singe mais paraît trop dangereuse pour être extrapolée à l’homme. LES VACCINS ENTIERS INACTIVÉS Ici, l’agent pathogène est préalablement tué. Cette approche permet au système immunitaire de « voir » toute la particule virale, sans qu’il se produise d’infection ou de réplication. Elle est dangereuse si le virus n’est pas totalement inactivé. MOBILISER LES LYMPHOCYTES T TUEURS Depuis une dizaine d’années, d’intenses recherches sont toutefois menées en vue d’induire des réponses cellulaires en mobilisant les « lymphocytes T cytotoxiques ». C’est que ces globules blancs, tous sortis du même centre de production (la moelle osseuse) et organisés en commandos adeptes de la méthode forte, éliminent impitoyablement les agents étrangers pathogènes présents à l’intérieur de nos cellules. Ils peuvent ralentir la réplication du VIH et contrôler la charge virale, du moins aux premiers stades de l’infection. Trois grandes familles de « formulations vaccinales » misant sur l’action de ces troupes d’élite pour fouetter l’immunité « cellulaire » sont développées, avec plus ou moins de succès : les vaccins à base d’ « ADN nu », les vaccins vivants recombinants à base de vecteurs viraux ou bactériens et les vaccins à base de peptides (de petits fragments de protéines de synthèse). Principe des premiers, faciles à produire, relativement bon marché et ne nécessitant pas de chaîne du froid pour se conserver : injecter dans l’organisme un fragment de l’ADN du VIH, reproduit par génie génétique, pour que des protéines de ce virus soient produites et servent à stimuler la production de lymphocytes. Leur pouvoir immunogène, pour l’heure, laisse malheureusement à désirer. Les vaccins vivants recombinants, quant à eux, résultent de l’assemblage d’un virus préalablement atténué, donc inoffensif (comme le virus de la variole du canari ou celui de la variole aviaire), et de quelques gènes du VIH permettant la synthèse de protéines indispensables à la stimulation du système immunitaire. Bilan des courses ? Globalement décevant. Ces vecteurs se sont jusqu’ici montrés incapables d’induire des « réponses T » de grande amplitude ou de longue durée. Encore plus déprimant : après trois ans d’essais sur plusieurs milliers de volontaires, l’un des vaccins vivants recombinants anti- |