CNRS Le Journal n°218 mars 2008
CNRS Le Journal n°218 mars 2008
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°218 de mars 2008

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 2,8 Mo

  • Dans ce numéro : SIDA, le combat sans répit

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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16 DR PAROLED’EXPERT Les jeunes lisent, mais pas comme avant Le prochain Salon du livre aura lieu du 14 au 19 mars à la porte de Versailles, à Paris. Selon Serge Eyrolles, qui préside l’événement 1, les scolaires et les étudiants y sont venus beaucoup plus nombreux en 2007 que l’année précédente. C’est un peu contradictoire avec le discours actuel sur les jeunes et leur prétendu désintérêt pour la lecture, n’est-ce pas ? Bernard Lahire : En effet, après avoir longtemps concerné essentiellement les adultes faiblement diplômés sortis du système scolaire, les discours de déploration en matière de lecture ont commencé à porter depuis quelques décennies sur les populations encore scolarisées. De plus en plus d’enfants sortiraient de l’école élémentaire sans « savoir lire », ils « liraient » de moins en moins au cours de leur scolarité secondaire et seraient de moins en moins disposés à consacrer du temps à « la lecture » lorsqu’ils sortent du système scolaire. Vous sous-entendez que ce n’est pas le cas ? Que le « niveau » ne baisse pas forcément ? B.L. : Les choses sont bien plus compliquées que cela. Par exemple, la « lecture scolaire » a varié dans sa définition au cours de l’histoire. Aujourd’hui, il n’est plus possible d’ « apprendre bêtement à lire » (comme disent les enseignants), c’est-à-dire d’apprendre seulement à « déchiffrer ». Car il faut désormais comprendre ce qu’on lit, ce qui signifie concrètement savoir répondre, le plus souvent par écrit, à toutes sortes de questions Le journal du CNRS n°218 mars 2008 Bernard Lahire, professeur de sociologie, directeur du Groupe de recherche sur la socialisation (GRS, CNRS/Université Lyon-II/ENS-LSH) sur les textes lus. Les exigences en matière de « savoir lire » sont donc variables selon les époques et nous n’avons pas affaire à une simple baisse des compétences. Nul doute qu’à l’avenir, les nouvelles formes d’écrit sur écran produiront de nouvelles modalités du lire et de nouvelles définitions du « bien lire » ou de l’habileté à la lecture. On a dû probablement par le passé décerner des prix de lecture à des élèves que l’on considérerait aujourd’hui comme bien médiocres ! À l’instar des sociologues Christian Baudelot et Roger Establet, spécialistes de l’éducation, on pourrait alors au contraire prétendre, en citant le titre provocateur d’un de leurs ouvrages 2, que « le niveau monte » ! Mais cela n’aurait bien sûr pas plus de sens… B.L. : En fait, la question qui se pose est : comment peut-on comparer deux états d’un phénomène lorsque l’instrument de mesure du phénomène et le phénomène lui-même ont changé ? Ce constat force fondamentalement à interroger nos définitions implicites de ce que « lire » veut dire et devrait conduire à rester prudents dans nos assertions quant à la « baisse de la lecture chez les jeunes ». Ceux-ci lisent-ils aujourd’hui moins que nous ne le faisions avant ou bien lisent-ils différemment des textes différents ? Et ce qu’ils lisent 3 est-il pris en compte dans les enquêtes sur lesquelles s’appuient un certain nombre de discours de déploration de « la fin de la « On a dû probablement par le passé décerner des prix de lecture à des élèves que l’on considérerait aujourd’hui comme bien médiocres ! » civilisation du livre et de l’écrit » ? Il faudrait plus se poser ce type de questions si l’on entend porter un diagnostic sérieux sur le sujet plutôt que de déplorer une « montée de l’illettrisme ». Cette notion d’ « illettrisme » est justement très variable, n’est-ce pas ? B.L. : Absolument. Le mot « illettrisme », inventé en 1978 par ATD Quart-Monde, n’a cessé de revêtir toutes sortes de définitions (ne pas savoir lire du tout, avoir des difficultés à lire, etc.). Aujourd’hui, il est même pratiquement devenu synonyme de la notion d’ « échec scolaire » (on parle de « prévention de l’illettrisme » à l’école maternelle…). Or, selon la définition, les « illettrés » peuvent se compter par dizaines de milliers ou par dizaines de millions ! En résumé, tout ce qu’on peut dire, c’est que les discours catastrophistes sont simplistes. Des sociétés dans lesquelles les savoirs se renouvellent, et souvent se complexifient, produisent en permanence de nouvelles catégories d’ « illettrés ». Mais ce phénomène n’autorise en rien une interprétation des faits en termes de « déclin de la culture ». Propos recueillis par Charlie Poulet ➔ Pour en savoir plus L’invention de l’ « illettrisme », Rhétorique publique, éthique et stigmates, Bernard Lahire, La Découverte, 2005 1. Il est aussi président du Syndicat national de l’édition. 2. Le niveau monte, Le Seuil, Paris, 1989. 3. Des livres de la littérature dite « populaire », des contenus mis en ligne sur internet, etc. CONTACT ➔ Bernard Lahire Groupe de recherche sur la socialisation (GRS), Lyon bernard.lahire@univ-lyon2.fr
Stéphanie Pitre L’œil sur le cancer La jeune femme nous accueille à l’entrée de l’hôpital Tenon, à Paris. Son manteau d’hiver ne dissimule plus son ventre rond. Stéphanie Pitre est enceinte de huit mois… Et parce qu’une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, la jeune chargée de recherche au laboratoire « Imagerie et modélisation en neurobiologie et cancérologie » (IMNC) 1, un domaine à l’interface entre la physique et la médecine, a également reçu la même année deux belles distinctions : le prix de l’ingénieur de l’année décerné par L’usine nouvelle, qui vient couronner ses débuts prometteurs dans la recherche sur le cancer, concrétisés par la conception d’une mini-caméra permettant de détecter des ganglions cancéreux ; et le trophée « Femme en or 2008 » dans la catégorie « Recherche et innovation », qui met l’accent sur l’ouverture des métiers scientifiques aux femmes. « J’ai été très chanceuse, insiste Stéphanie. Je suis évidemment ravie, d’autant plus que dans les deux cas, ces prix mettent en lumière la recherche publique. » Deux prix, un bébé et un protocole clinique qui se termine… Un joli record pour cette physicienne de 32 ans, qui ne compte pas se reposer sur ses lauriers. Pour s’en convaincre, il suffit de faire un bref retour en arrière. À ses débuts. Son DEA de physique nucléaire et physique des particules à peine soutenu, Stéphanie Pitre se lance en 1999 dans un doctorat en instrumentation médicale. À l’Institut de physique nucléaire d’Orsay 2, elle va s’employer à développer le second prototype de caméra POCI (Per Operative Compact Imager). Dédiée au traitement chirurgical du cancer, cette mini-caméra permet de détecter les rayonnements « gamma » qui proviennent d’un produit radioactif injecté dans l’organisme pour marquer une tumeur. Un premier prototype miniaturisé avait déjà vu le jour dans ces murs en 1996. Très maniable, il tenait dans la main, contrairement aux anciennes générations de détecteurs aussi volumineux qu’un scanner… Une avancée notable pour les chirurgiens en bloc opératoire : la réalisation de ce premier prototype avec un champ de vue de 25 millimètres de diamètre avait permis de réaliser l’ablation d’une tumeur. Et surtout de démontrer la faisabilité de cette innovation ! Stéphanie, elle, concentre sa thèse sur un second prototype, couvrant une zone allant jusqu’à 4 centimètres de diamètre, tout en conservant le même encombrement et la même masse de 1,2 kg. « L’objectif de ma thèse était de montrer l’intérêt de ce second prototype en chirurgie et en détection du cancer du sein, explique-t-elle. Depuis la fin de ma thèse en 2003, nous avons développé ce prototype qui répond aux normes médicales : un travail de deux années complètes. En parallèle, il a fallu former des chirurgiens et des infirmières à cette nouvelle technologie et mettre en place un protocole pour « L’objectif de ma thèse était de montrer l’intérêt de ce second prototype en chirurgie et en détection du cancer du sein. » © H. Raguet/CNRS Photothèque JEUNESCHERCHEURS 17 évaluer le POCI sur 200 patientes. Commencé le 1 er janvier 2006, celui-ci se termine le 29 février 2008. Maintenant, il va falloir dépouiller les résultats, pour répondre à deux questions qui nous intéressent : la nouvelle caméra miniaturisée peut-elle remplacer les fameux grands détecteurs encore utilisés aujourd’hui ? Enfin, peut-elle aider le chirurgien à détecter, en les visualisant, tous les ganglions, en complément des traditionnels compteurs de radioactivité de la taille d’un stylo ? Pour l’heure, on ne peut que révéler un sentiment enthousiaste de la part du personnel infirmier et des chirurgiens, car l’outil est très pratique et permet selon eux, de bons résultats. Pour le reste, on croise les doigts… » Car si les résultats du protocole s’avéraient positifs, des industriels pourraient bien s’emparer du développement de cet outil. Véritable bourreau de travail, Stéphanie planche déjà sur la valorisation industrielle d’un nouveau prototype de « gamma caméra », à l’horizon 2009. Élaboré à partir d’une autre technologie, il devrait permettre de détecter d’autres types de cancers. Camille Lamotte 1. Laboratoire CNRS/Universités Paris-VII et Paris-XI. 2. Institut CNRS/Université Paris-XI. CONTACT ➔ Stéphanie Pitre Laboratoire « Imagerie et modélisation en neurobiologie et cancérologie » (IMNC), Orsay pitre@ipno.in2p3.fr, Le journal du CNRS n°218 mars 2008



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