14 © CRPG/CNRS INNOVATION Réseau REVELOR L’art et la science du verre Depuis 2000, le Réseau verrier lorrain fédère les compétences dans le domaine du verre. Une aubaine pour les entreprises qui disposent désormais d’experts scientifiques pour résoudre leurs problèmes de production. Grâce à ces échantillons de verre, les scientifiques ont caractérisé le comportement des éléments colorants du verre. Une question qui intéressait la cristallerie Daum. Tous les trois mois, à Nancy, les grands noms de l’industrie verrière et les laboratoires de recherche du domaine se réunissent autour d’une table. Les représentants de Baccarat, Daum ou Saint Louis évoquent un défaut récurrent sur un vase de cristal, un moule qui se corrode, une pâte de verre trop visqueuse… Face à eux, des chercheurs en mécanique, chimie, physique, génie des procédés et géologie, proposent des solutions. Tous ces spécialistes appartiennent au Réseau verrier lorrain (Revelor) créé en 2000. Et ils échangent aujourd’hui dans un véritable climat de confiance. « Les industriels viennent nous exposer leurs problèmes très librement. Ils jouent vraiment le jeu du partenariat », se réjouit Gérard Jeandel, professeur au Laboratoire d’énergétique et de mécanique théorique et appliquée (Lemta) 1 et président de Revelor. Dans l’industrie du verre, le savoir-faire des cueilleurs, des souffleurs, des porteurs… est irremplaçable. Mais certaines réactions laissent perplexes même les plus expérimentés des verriers. « Nos métiers sont très empiriques. On a donc besoin d’une approche plus scientifique pour caractériser des défauts de fabrication, par exemple, et essayer de comprendre ce qui peut se passer au niveau physicochimique », souligne Franck Humbert, responsable de production chez Daum. Guy Libourel, professeur à l’École nationale supérieure de géologie (ENSG) et chercheur au Centre de recherches pétrographiques et géochimiques (CRPG) 2, se souvient de pièces de luxe en cristal violet sur lesquelles apparaissaient des taches incolores : « Pour obtenir un verre violet, il fallait définir le bon dosage de manganèse et de fer mais aussi les bonnes conditions d’oxydoréduction 3. Si l’un de ces paramètres variait, les éléments interagissaient différemment, et le verre devenait incolore. » Après quelques expériences, Daum possédait la formule chimique du violet et pouvait commercialiser sa nouvelle collection en toute sérénité. Le journal du CNRS n°218 mars 2008 © F. Golfier/Pôle verrier Les sept laboratoires 4 du réseau et les trois plates-formes technologiques associées 5 apportent ainsi aux industriels leur expertise sur des problèmes de production et les aident à développer des techniques innovantes. Parmi les thèmes étudiés : l’outillage haute température, la modélisation des fours verriers, le vieillissement physique du verre, la résistance aux chocs thermiques du cristal sans plomb… Revelor affiche ainsi à son tableau d’honneur une soixantaine de publications scientifiques, 15 thèses soutenues, 1 brevet et plus de 30 contrats de recherche avec Saint-Gobain, Daum, Baccarat mais aussi EADS, le Cnes, EDF… UN PROJET QUI PREND FORME Aujourd’hui, les partenaires du réseau verrier ont décidé de concentrer leurs efforts sur la modélisation de la mise en forme du verre, en d’autres termes sur le comportement du verre lorsqu’il s’écoule dans un moule ou qu’il épouse ses formes (thermoformage 6). Cette étape de fabrication est en effet très délicate. Si la pâte de verre n’est pas à la bonne température tout au long du processus de formage, elle peut subir des chocs thermiques et finir par se briser. Une phase d’autant plus critique lorsqu’il s’agit de fabriquer un objet d’art aux formes complexes, édité en seulement huit exemplaires. « Pour les petites séries, un industriel n’a pas le temps de tâtonner pour réaliser son moule. Il préfère parfois abandonner le marché plutôt que de risquer de ne pas tenir les délais », souligne Gérard Jeandel. Depuis mars 2007, plusieurs équipes de recherche se penchent donc sur cette problématique, caractérisent les matériaux, modélisent les transferts de chaleur qui s’opèrent entre le moule et le Cette pièce de verre a été réalisée grâce au thermoformage, technique qui consiste à déformer une plaque de verre dans un four pour qu’elle se ramollisse et épouse la forme d’un moule. © Daum Vase « Tulipe » en pâte de cristal de chez Daum. matériau… Au final, les entreprises auront entre les mains un logiciel qui leur permettra de modéliser n’importe quel type de moule thermostaté 7 et les aidera à contrôler la température et la déformation de la pâte de verre ou de cristal. Gérard Jeandel est très confiant sur l’aboutissement de ce projet, déjà financé à hauteur de 70% : « Ce programme de recherche a été labellisé par le pôle de compétitivité lorrain « Matériaux innovants et produits intelligents » (Mipi). On a obtenu des financements de l’ANR et des collectivités territoriales. Le CNRS pourrait quant à lui devenir porteur du projet, sous la forme d’un fonds européen de développement régional (Feder), ce qui nous permettrait d’aller jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à l’application industrielle. » Les entreprises Daum et Baccarat soutiennent elles aussi cette recherche en cofinançant deux thèses sur « le thermoformage du verre » et la « modélisation du remplissage des moules de l’industrie verrière ». TRANSFERTS DE COMPÉTENCES Et pour les scientifiques, c’est une véritable satisfaction de mettre leurs connaissances au service du monde industriel, sans pour autant être |