CNRS Le Journal n°218 mars 2008
CNRS Le Journal n°218 mars 2008
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°218 de mars 2008

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 2,8 Mo

  • Dans ce numéro : SIDA, le combat sans répit

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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14 © CRPG/CNRS INNOVATION Réseau REVELOR L’art et la science du verre Depuis 2000, le Réseau verrier lorrain fédère les compétences dans le domaine du verre. Une aubaine pour les entreprises qui disposent désormais d’experts scientifiques pour résoudre leurs problèmes de production. Grâce à ces échantillons de verre, les scientifiques ont caractérisé le comportement des éléments colorants du verre. Une question qui intéressait la cristallerie Daum. Tous les trois mois, à Nancy, les grands noms de l’industrie verrière et les laboratoires de recherche du domaine se réunissent autour d’une table. Les représentants de Baccarat, Daum ou Saint Louis évoquent un défaut récurrent sur un vase de cristal, un moule qui se corrode, une pâte de verre trop visqueuse… Face à eux, des chercheurs en mécanique, chimie, physique, génie des procédés et géologie, proposent des solutions. Tous ces spécialistes appartiennent au Réseau verrier lorrain (Revelor) créé en 2000. Et ils échangent aujourd’hui dans un véritable climat de confiance. « Les industriels viennent nous exposer leurs problèmes très librement. Ils jouent vraiment le jeu du partenariat », se réjouit Gérard Jeandel, professeur au Laboratoire d’énergétique et de mécanique théorique et appliquée (Lemta) 1 et président de Revelor. Dans l’industrie du verre, le savoir-faire des cueilleurs, des souffleurs, des porteurs… est irremplaçable. Mais certaines réactions laissent perplexes même les plus expérimentés des verriers. « Nos métiers sont très empiriques. On a donc besoin d’une approche plus scientifique pour caractériser des défauts de fabrication, par exemple, et essayer de comprendre ce qui peut se passer au niveau physicochimique », souligne Franck Humbert, responsable de production chez Daum. Guy Libourel, professeur à l’École nationale supérieure de géologie (ENSG) et chercheur au Centre de recherches pétrographiques et géochimiques (CRPG) 2, se souvient de pièces de luxe en cristal violet sur lesquelles apparaissaient des taches incolores : « Pour obtenir un verre violet, il fallait définir le bon dosage de manganèse et de fer mais aussi les bonnes conditions d’oxydoréduction 3. Si l’un de ces paramètres variait, les éléments interagissaient différemment, et le verre devenait incolore. » Après quelques expériences, Daum possédait la formule chimique du violet et pouvait commercialiser sa nouvelle collection en toute sérénité. Le journal du CNRS n°218 mars 2008 © F. Golfier/Pôle verrier Les sept laboratoires 4 du réseau et les trois plates-formes technologiques associées 5 apportent ainsi aux industriels leur expertise sur des problèmes de production et les aident à développer des techniques innovantes. Parmi les thèmes étudiés : l’outillage haute température, la modélisation des fours verriers, le vieillissement physique du verre, la résistance aux chocs thermiques du cristal sans plomb… Revelor affiche ainsi à son tableau d’honneur une soixantaine de publications scientifiques, 15 thèses soutenues, 1 brevet et plus de 30 contrats de recherche avec Saint-Gobain, Daum, Baccarat mais aussi EADS, le Cnes, EDF… UN PROJET QUI PREND FORME Aujourd’hui, les partenaires du réseau verrier ont décidé de concentrer leurs efforts sur la modélisation de la mise en forme du verre, en d’autres termes sur le comportement du verre lorsqu’il s’écoule dans un moule ou qu’il épouse ses formes (thermoformage 6). Cette étape de fabrication est en effet très délicate. Si la pâte de verre n’est pas à la bonne température tout au long du processus de formage, elle peut subir des chocs thermiques et finir par se briser. Une phase d’autant plus critique lorsqu’il s’agit de fabriquer un objet d’art aux formes complexes, édité en seulement huit exemplaires. « Pour les petites séries, un industriel n’a pas le temps de tâtonner pour réaliser son moule. Il préfère parfois abandonner le marché plutôt que de risquer de ne pas tenir les délais », souligne Gérard Jeandel. Depuis mars 2007, plusieurs équipes de recherche se penchent donc sur cette problématique, caractérisent les matériaux, modélisent les transferts de chaleur qui s’opèrent entre le moule et le Cette pièce de verre a été réalisée grâce au thermoformage, technique qui consiste à déformer une plaque de verre dans un four pour qu’elle se ramollisse et épouse la forme d’un moule. © Daum Vase « Tulipe » en pâte de cristal de chez Daum. matériau… Au final, les entreprises auront entre les mains un logiciel qui leur permettra de modéliser n’importe quel type de moule thermostaté 7 et les aidera à contrôler la température et la déformation de la pâte de verre ou de cristal. Gérard Jeandel est très confiant sur l’aboutissement de ce projet, déjà financé à hauteur de 70% : « Ce programme de recherche a été labellisé par le pôle de compétitivité lorrain « Matériaux innovants et produits intelligents » (Mipi). On a obtenu des financements de l’ANR et des collectivités territoriales. Le CNRS pourrait quant à lui devenir porteur du projet, sous la forme d’un fonds européen de développement régional (Feder), ce qui nous permettrait d’aller jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à l’application industrielle. » Les entreprises Daum et Baccarat soutiennent elles aussi cette recherche en cofinançant deux thèses sur « le thermoformage du verre » et la « modélisation du remplissage des moules de l’industrie verrière ». TRANSFERTS DE COMPÉTENCES Et pour les scientifiques, c’est une véritable satisfaction de mettre leurs connaissances au service du monde industriel, sans pour autant être
déconnectés de la recherche fondamentale. Guy Libourel s’amuse à comparer les études qu’il mène sur les nébuleuses protosolaires – c’est-à-dire les nébuleuses d’une étoile en formation – et sur les incinérateurs d’ordures ménagères : « Ce sont, en les caricaturant, deux milieux gazeux et poussiéreux, riches en convections et en turbulences. Les objectifs ne sont pas les mêmes mais il y a des similitudes au niveau des modèles, des équations et des conditions de formation des verres. » Autre vecteur de compétences scientifiques vers l’industrie : les embauches. Ce fut le cas pour Franck Humbert. Après une thèse sur la solubilité de l’azote dans les liquides silicatés au CRPG, il fut recruté par Daum. « Pour éviter que certaines cristalleries lorraines de renom ne soient délocalisées, il faut leur donner les moyens d’être en avance au niveau de la recherche et du développement », conclut Gérard Jeandel. Laurianne Geffroy ➔ Pour en savoir plus www.idverre.net/recherche/revelor.php 1. Laboratoire CNRS/INPL Nancy/Université Nancy-I. 2. Centre CNRS. 3. Réaction chimique au cours de laquelle des électrons sont transférés d’une espèce chimique (réducteur) à une autre (oxydant). 4. LSGS, LFM, CRGP, LEMTA, IECN, LPM et LCSM. 5. Cerfav, Critt matériaux et Inisma. 6. Technique consistant à chauffer une plaque de verre afin de lui faire épouser la forme d’un moule. 7. Dont la température peut être contrôlée en tout point. BRÈVE CONTACTS ➔ Gérard Jeandel gjeandel@lemta.uhp-nancy.fr ➔ Guy Libourel libou@crpg.cnrs-nancy.fr QUERTECH INGÉNIERIE La recette des supermétaux L’aluminium ? Pas assez dur. Le cuivre ? Il s’oxyde. L’or ? Il est poreux. Les métaux les plus utilisés ont tous leur talon d’Achille. Mais Quertech Ingénierie a trouvé le moyen d’y remédier. Cette start-up, née en 2003 sur le site du Grand accélérateur national d’ions lourds (Ganil) 1, à Caen, s’est appuyée sur le savoir-faire de ce grand centre européen de physique atomique pour tester son idée : implanter des ions azote « multichargés » (ils ont tous entre une et cinq charges positives) dans les métaux pour améliorer leurs propriétés de surface. Avec ce procédé nommé nitruration, la pièce à traiter est bombardée avec un faisceau d’ions : plus la charge d’un ion est élevée, plus il pénètre profondément dans le matériau. Les ions multichargés s’incrustent ainsi uniformément sur une épaisseur de 1 à 2 micromètres et forment un alliage avec le métal. Les résultats obtenus sont impressionnants : la dureté de surface est augmentée jusqu’à 7 fois. En outre, la sensibilité à l’oxydation est très réduite car les ions azote barrent la route aux atomes d’oxygène responsables de celleci. Enfin, le bombardement des ions « polit » la surface et améliore le coefficient de frottement, cette grandeur caractéristique des interactions entre deux matériaux. De plus, le traitement est réalisé à froid, ce qui ne déforme pas le métal. Le procédé, commercialisé sous la marque Hardion, a de multiples domaines d’application : l’automobile, pour le traitement des pièces de moteur en aluminium, la plasturgie (l’industrie du plastique) pour le ren- Vente d’une molécule contre le cancer Non toxique, et très efficace pour détruire des cellules cancéreuses : la molécule mise au point par les chercheurs de l’Institut de science et d’ingénierie supramoléculaires (Isis) 1 avait des arguments… qui ont séduit la société pharmaceutique américaine Nexgenix : en janvier 2008, celle-ci en a donc acheté au CNRS et à l’Université Louis Pasteur, les deux tutelles du laboratoire, une licence exclusive et mondiale. Très prometteuse dans le domaine de la chimiothérapie, la molécule en question est une version synthétique d’une molécule naturelle capable de détruire certaines protéines indispensables au développement des tissus cancéreux. Les premiers tests sur des modèles animaux ont montré sa non-toxicité ainsi qu’une grande efficacité, et laissent entrevoir des études cliniques sur l’homme d’ici trois à quatre ans. L’association avec Nexgenix va permettre à présent de mener ce processus long et coûteux jusqu’à l’éventuelle exploitation commerciale. 1. Institut CNRS/Université Strasbourg-I. > Contact : Nicolas Winssinger, winssinger@isis-ulp.org Start-up INNOVATION 15 forcement des moules, l’aéronautique afin de protéger la surface des pièces en titane, la connectique, avec la création d’un cuivre inoxydable et qui offre un meilleur contact, le biomédical, pour améliorer la tolérance des prothèses en titane, ou encore l’industrie du luxe, demandeuse d’un or à dureté renforcée. Encore fallait-il passer du laboratoire à l’industrie. « Le Ganil nous a fourni ses sources d’ions, des moyens techniques et humains très importants, un hébergement pendant deux ans au sein de son incubateur, et nous a apporté une grande crédibilité lorsqu’il s’est agi de contacter des industriels », explique Frédéric Guernalec, P-DG de Quertech Ingénierie, qu’il a fondée avec Denis Busardo, docteuringénieur venu du Ganil. « Nous avons accueilli 35 start-up dans notre incubateur depuis 2000, dont Quertech, précise Sydney Galès, directeur du Ganil. Mais elles ont rapidement volé de leurs propres ailes. » Trois ans plus tard, forte de 10 salariés, de 12 brevets et de multiples prix d’excellence pour son invention, la PME de Caen est sur le point de signer un partenariat avec un des leaders mondiaux du traitement de surface qui lui assurera une visibilité dans 27 pays. Vous avez dit success story ? Jean-François Haït 1. Le Ganil est un laboratoire commun CNRS/CEA qui a le statut de groupement d’intérêt économique (GIE). Une source d’ions miniaturisée (en haut) bombarde la pièce placée dans une enceinte (en bas). CONTACTS ➔ Frédéric Guernalec Quertech Ingénierie, Caen frederic.guernalec@quertech.com ➔ Sydney Galès Ganil, Caen gales@in2p3.fr Le journal du CNRS n°218 mars 2008 © Quertech Ingénierie 2008



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