12 VIEDESLABOS Actualités MÉDECINE Double dose contre les maladies rares Récemment, deux équipes du CNRS ont publié des résultats encourageants dans la lutte contre deux maladies rares : la maladie des « enfants de la lune » et le syndrome de Rett. Les recherches contre les maladies rares, ces pathologies qui touchent moins d’une personne sur 2 000, portent leurs fruits. Deux publications viennent de le prouver : l’une 1 rend envisageable l’autogreffe de peau « réparée » par thérapie génique chez les « enfants de la lune », l’autre 2 propose un traitement pour les malades affectés par les troubles respiratoires du syndrome de Rett. L’affection des « enfants de la lune » (xeroderma pigmentosum) est une des maladies génétiques les plus rares au monde (moins d’une personne sur 500 000). Les patients sont extrêmement photosensibles. « Ils brûlent littéralement à la moindre exposition au soleil et risquent de développer des cancers de la peau », décrit Thierry Magnaldo, du laboratoire « Stabilité génétique et oncogenèse » 3. En réalité, chacun de nous est sensible aux ultraviolets solaires, car l’énergie délivrée par ces rayons endommage notre ADN. Mais généralement, les cellules de la peau disposent d’un arsenal très efficace pour restaurer les lésions de l’ADN et limiter les mutations pouvant être à l’origine du cancer. « Les enfants atteints de xerodema pigmentosum ont un système de réparation de l’ADN défaillant. Même un soleil d’hiver à Paris peut leur être néfaste ! », déplore le chercheur, initiateur de cette étude. Depuis bientôt cinq ans, son équipe et lui tentent de traiter des cultures de peau photosensible par thérapie génique dans le but de réaliser des autogreffes de peau saine. L’objectif est de greffer de la peau cultivée à partir de cellules « réparées » Évolution de la maladie du syndrome de Rett chez une souris mutante. Elle respire normalement à un mois (en haut) mais éprouve à deux mois (en bas) une détresse respiratoire mortelle. Grâce à un antidépresseur, elle gagne 50% d’espérance de vie. Le journal du CNRS n°218 mars 2008 © S. Zanella/MP3-Respiration par thérapie génique, c’est-à-dire dans laquelle on a réussi à introduire la version saine du gène responsable de la maladie. Mais ce n’est pas si simple ! En effet, le risque de cancer persiste si des cellules « non réparées » demeurent dans le greffon, même en faible proportion. Les chercheurs viennent de trouver une méthode qui permet de sélectionner uniquement les cellules « réparées » tout en leur assurant un développement et une différenciation normaux, sans risque de rejet du greffon. L’équipe de Thierry Magnaldo est même allée jusqu’à régénérer de la peau humaine génétiquement modifiée sur le dos de souris pour observer l’évolution du greffon in vivo. Pendant les six mois qu’a duré l’étude, l’épiderme s’est développé normalement. « Nous avons obtenu de superbes résultats ! Mais il reste encore beaucoup de vérifications à faire », explique Thierry Magnaldo. Cette thérapeutique est donc encore loin de l’application. Une autre maladie génétique un peu moins rare (1 cas sur 15 000), le syndrome de Rett, est d’autant plus sournoise que l’enfant semble naître en bonne santé, mais développe au bout de quelques mois de graves troubles respiratoires 4. Il y a quelques années, pour comprendre ces troubles, des chercheurs du CNRS ont étudié des souris mutées sur le gène responsable du syndrome de Rett (MECP2). Au Centre de recherche en neurobiologie-neurophysiologie de Marseille 5, Gérard Hilaire, à l’origine de ces études, se réjouit qu’ « après toutes ces années de recherche fondamentale chez l’animal, ces travaux permettaient enfin de chercher un traitement pharmacologique de la maladie ». Ce fameux traitement, les scientifiques viennent de le tester sur des souris déficientes pour le gène MECP2. Les résultats s’avèrent très prometteurs : grâce à un antidépresseur, les cobayes gagnent 50% d’espérance de vie ! À gauche, des cellules de peau « réparées » par un gène thérapeutique. Toutes les cellules (en vert fluorescent) sont saines. À droite, les chercheurs ont même réussi à régénérer de la peau sur le dos d’une souris. Quelques explications s’imposent. Chez la souris, les chercheurs du CNRS ont montré que la déficience du gène MECP2 altérait les systèmes à bioamines. Les bioamines sont des substances chimiques naturelles qui modulent la transmission de l’information d’un neurone à l’autre, y compris entre les neurones du réseau nerveux contrôlant la respiration. La déficience du gène MECP2 chez le rongeur détruit en premier lieu les neurones contenant de la noradrénaline – ce qui provoque le mauvais fonctionnement du réseau respiratoire –, puis à un stade plus avancé de la maladie, les neurones à sérotonine, une autre bioamine. Dans cette étude sur le modèle souris du syndrome de Rett, Gérard Hilaire et son équipe ont testé l’effet de la désipramine, un antidépresseur connu pour amplifier l’effet de la noradrénaline. Conclusion : l’espérance de vie des souris passe de deux à trois mois. « Ce résultat était tellement excitant que nous étions obligés de le publier ! À nous maintenant de l’améliorer. » La désipramine présente le gros avantage d’être déjà sur le marché du médicament, un traitement du syndrome de Rett pourrait donc être envisagé assez rapidement. Caroline Dangléant 1. Molecular Therapy, vol. 15, n°12, décembre 2007,pp. 2186-2193. 2. Respir. Physiol. Neurobiol., vol. 157, n°2-3, 1 er août 2007,pp. 187-430. 3. Laboratoire CNRS/Université Paris-Sud-XI/Institut Gustave Roussy. 4. Sa respiration est anormalement variable, avec notamment des arrêts respiratoires inquiétants. L’espérance de vie se réduit à 40 ans environ. 5. Laboratoire CNRS/Universités Aix Marseille-II et III. CONTACTS ➔ Thierry Magnaldo, thierry.magnaldo@igr.fr ➔ Gérard Hilaire, gerard.hilaire@univ-cezanne.fr © T. Magnaldo/CNRS |