CNRS Le Journal n°218 mars 2008
CNRS Le Journal n°218 mars 2008
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°218 de mars 2008

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 2,8 Mo

  • Dans ce numéro : SIDA, le combat sans répit

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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12 VIEDESLABOS Actualités MÉDECINE Double dose contre les maladies rares Récemment, deux équipes du CNRS ont publié des résultats encourageants dans la lutte contre deux maladies rares : la maladie des « enfants de la lune » et le syndrome de Rett. Les recherches contre les maladies rares, ces pathologies qui touchent moins d’une personne sur 2 000, portent leurs fruits. Deux publications viennent de le prouver : l’une 1 rend envisageable l’autogreffe de peau « réparée » par thérapie génique chez les « enfants de la lune », l’autre 2 propose un traitement pour les malades affectés par les troubles respiratoires du syndrome de Rett. L’affection des « enfants de la lune » (xeroderma pigmentosum) est une des maladies génétiques les plus rares au monde (moins d’une personne sur 500 000). Les patients sont extrêmement photosensibles. « Ils brûlent littéralement à la moindre exposition au soleil et risquent de développer des cancers de la peau », décrit Thierry Magnaldo, du laboratoire « Stabilité génétique et oncogenèse » 3. En réalité, chacun de nous est sensible aux ultraviolets solaires, car l’énergie délivrée par ces rayons endommage notre ADN. Mais généralement, les cellules de la peau disposent d’un arsenal très efficace pour restaurer les lésions de l’ADN et limiter les mutations pouvant être à l’origine du cancer. « Les enfants atteints de xerodema pigmentosum ont un système de réparation de l’ADN défaillant. Même un soleil d’hiver à Paris peut leur être néfaste ! », déplore le chercheur, initiateur de cette étude. Depuis bientôt cinq ans, son équipe et lui tentent de traiter des cultures de peau photosensible par thérapie génique dans le but de réaliser des autogreffes de peau saine. L’objectif est de greffer de la peau cultivée à partir de cellules « réparées » Évolution de la maladie du syndrome de Rett chez une souris mutante. Elle respire normalement à un mois (en haut) mais éprouve à deux mois (en bas) une détresse respiratoire mortelle. Grâce à un antidépresseur, elle gagne 50% d’espérance de vie. Le journal du CNRS n°218 mars 2008 © S. Zanella/MP3-Respiration par thérapie génique, c’est-à-dire dans laquelle on a réussi à introduire la version saine du gène responsable de la maladie. Mais ce n’est pas si simple ! En effet, le risque de cancer persiste si des cellules « non réparées » demeurent dans le greffon, même en faible proportion. Les chercheurs viennent de trouver une méthode qui permet de sélectionner uniquement les cellules « réparées » tout en leur assurant un développement et une différenciation normaux, sans risque de rejet du greffon. L’équipe de Thierry Magnaldo est même allée jusqu’à régénérer de la peau humaine génétiquement modifiée sur le dos de souris pour observer l’évolution du greffon in vivo. Pendant les six mois qu’a duré l’étude, l’épiderme s’est développé normalement. « Nous avons obtenu de superbes résultats ! Mais il reste encore beaucoup de vérifications à faire », explique Thierry Magnaldo. Cette thérapeutique est donc encore loin de l’application. Une autre maladie génétique un peu moins rare (1 cas sur 15 000), le syndrome de Rett, est d’autant plus sournoise que l’enfant semble naître en bonne santé, mais développe au bout de quelques mois de graves troubles respiratoires 4. Il y a quelques années, pour comprendre ces troubles, des chercheurs du CNRS ont étudié des souris mutées sur le gène responsable du syndrome de Rett (MECP2). Au Centre de recherche en neurobiologie-neurophysiologie de Marseille 5, Gérard Hilaire, à l’origine de ces études, se réjouit qu’ « après toutes ces années de recherche fondamentale chez l’animal, ces travaux permettaient enfin de chercher un traitement pharmacologique de la maladie ». Ce fameux traitement, les scientifiques viennent de le tester sur des souris déficientes pour le gène MECP2. Les résultats s’avèrent très prometteurs : grâce à un antidépresseur, les cobayes gagnent 50% d’espérance de vie ! À gauche, des cellules de peau « réparées » par un gène thérapeutique. Toutes les cellules (en vert fluorescent) sont saines. À droite, les chercheurs ont même réussi à régénérer de la peau sur le dos d’une souris. Quelques explications s’imposent. Chez la souris, les chercheurs du CNRS ont montré que la déficience du gène MECP2 altérait les systèmes à bioamines. Les bioamines sont des substances chimiques naturelles qui modulent la transmission de l’information d’un neurone à l’autre, y compris entre les neurones du réseau nerveux contrôlant la respiration. La déficience du gène MECP2 chez le rongeur détruit en premier lieu les neurones contenant de la noradrénaline – ce qui provoque le mauvais fonctionnement du réseau respiratoire –, puis à un stade plus avancé de la maladie, les neurones à sérotonine, une autre bioamine. Dans cette étude sur le modèle souris du syndrome de Rett, Gérard Hilaire et son équipe ont testé l’effet de la désipramine, un antidépresseur connu pour amplifier l’effet de la noradrénaline. Conclusion : l’espérance de vie des souris passe de deux à trois mois. « Ce résultat était tellement excitant que nous étions obligés de le publier ! À nous maintenant de l’améliorer. » La désipramine présente le gros avantage d’être déjà sur le marché du médicament, un traitement du syndrome de Rett pourrait donc être envisagé assez rapidement. Caroline Dangléant 1. Molecular Therapy, vol. 15, n°12, décembre 2007,pp. 2186-2193. 2. Respir. Physiol. Neurobiol., vol. 157, n°2-3, 1 er août 2007,pp. 187-430. 3. Laboratoire CNRS/Université Paris-Sud-XI/Institut Gustave Roussy. 4. Sa respiration est anormalement variable, avec notamment des arrêts respiratoires inquiétants. L’espérance de vie se réduit à 40 ans environ. 5. Laboratoire CNRS/Universités Aix Marseille-II et III. CONTACTS ➔ Thierry Magnaldo, thierry.magnaldo@igr.fr ➔ Gérard Hilaire, gerard.hilaire@univ-cezanne.fr © T. Magnaldo/CNRS
©L. Nehmé/CNRS © Photo aimablement transmise par D. Al-Talhi Inscription latine découverte dans les fouilles saoudiennes. Dans le Nord-Ouest de l’Arabie Saoudite, une ville abandonnée accueille de nouveaux habitants d’un genre très particulier. Armés de truelles, ils sont là pour percer ses mystères enfouis dans le sol depuis presque deux millénaires. La ville s’appelle Hégra, et ses résidents sont des archéologues français et saoudiens. Codirigée par Laïla Nehmé, du laboratoire « Orient et Méditerranée » 1, à Ivry, François Villeneuve, du laboratoire « Archéologies et sciences de l’Antiquité » (Arscan) 2, à Nanterre, et Daifallah al-Talhi, du Département des Antiquités de Riyad, la mission est une première sur ce site archéologique, le plus grand d’Arabie Saoudite. « Cela fait très peu de temps que le pays s’est ouvert à la coopération en matière d’archéologie, explique Laïla Nehmé, et nous avons nous-mêmes signé l’accord de fouilles le 10 novembre 2007. » Les chercheurs ne sont toutefois pas des nouveaux venus à Hégra. Entre 2001 et 2005, plusieurs missions de prospection ont été menées afin d’explorer le sous-sol, à l’aide de moyens de détection géophysique, et surtout de décrire systématiquement les vestiges visibles à la surface du sol. Et quels vestiges ! Bâtie au premier siècle de l’ère chrétienne par les Nabatéens 3, fondateurs de la très célèbre Pétra en Jordanie, Hégra était constituée d’une zone résidentielle entourée de remparts en terre crue, d’une oasis alimentée par quelque cent trente puits et d’une splendide nécropole. Celle-ci réunissait plus de cent tombeaux creusés directement dans les massifs de grès qui parsèment la plaine. « Il s’agit de la ville la plus méridionale du royaume nabatéen, indique Laïla Nehmé. C’était certainement à la fois une station Quatre tombeaux à Madâin Sâlih. HÉGRA Une ville à redécouvrir Mission VIEDESLABOS 13 En janvier, une équipe franco-saoudienne a entamé pour quatre ans des fouilles archéologiques sur le site de Madâin Sâlih, l’antique Hégra, en Arabie Saoudite. Une première qui va permettre de mieux comprendre l’histoire de cette cité, petite sœur de la célèbre Pétra. caravanière et un lieu de garnison pour les militaires nabatéens, en ce point extrême de leur royaume, avant qu’il ne soit annexé par Rome en 106 apr. J.-C. » Pendant longtemps, au vu des inscriptions relevées sur les façades des tombeaux, on a cru que la ville n’avait été occupée que de l’an 1 à l’an 75 apr. J.-C. Les missions de prospection ont révélé une histoire bien différente : la ville aurait continué à vivre jusqu’au quatrième siècle après J.-C. Une occupation bien établie, puisque le centre urbain est resté entretenu pendant tout ce temps. Les archéologues saoudiens qui ont réalisé quelques sondages dans la zone résidentielle en 2003 ont même découvert une inscription latine datant des années 175 à 177 apr J.-C., relatant la réfection du rempart de la ville aux frais des habitants, le maître d’ouvrage étant le centurion d’une légion romaine et le maître d’œuvre le « maire » de la ville, qui porte un nom bien nabatéen. Preuve non seulement que les Nabatéens n’ont pas abandonné leur cité après l’an 75 mais aussi que Nabatéens et Romains ont cohabité après 106 de l’ère chrétienne. « Les derniers siècles avant l’avènement de l’islam sont très mal connus, observe Laïla Nehmé. Nous ne savons évidemment pas encore si Hégra nous en révélera quelques clés, mais on peut l’espérer. » D’autres inscriptions découvertes sur le site, cette fois en nabatéen et dans une écriture intermédiaire entre le nabatéen classique que l’on trouve à Pétra et l’arabe, offrent aux épigraphistes de la matière pour appréhender l’évolution de l’écrit dans la région. « Le nabatéen, écriture dérivée de l’araméen, est l’ancêtre direct de l’écriture arabe, explique Laïla Nehmé. Des écritures transitoires entre le nabatéen et l’arabe ont été observées sur d’autres sites archéologiques, mais c’est la première fois que nous en voyons à Hégra. » Financées par le ministère des Affaires étrangères, le Sénat, le CNRS, l’Ambassade de France en Arabie Saoudite, les mécènes OTV (filiale de Veolia Eau) et Total, et par des dons de particuliers, les fouilles de Hégra doivent durer quatre ans. Elles occupent une quinzaine d’archéologues qui quadrillent une zone protégée de 1 460 hectares incluant la ville proprement dite, les tombeaux et les sanctuaires. L’oasis et ses puits sont difficiles d’accès mais l’équipe espère pouvoir en fouiller au moins un. « De nombreuses questions restent encore sans réponse, rappelle Laïla Nehmé. La ville a-t-elle été fondée sur un site plus ancien ? Quel était son rôle dans ce secteur charnière entre les domaines nabatéen, romain et byzantin ? Hégra est une pièce centrale du puzzle. » L’antique cité est aussi une véritable attraction pour les touristes, que l’Arabie Saoudite espère bien mettre en valeur. Un projet d’aménagement du site est à l’étude et une demande de classement au patrimoine mondial a été faite auprès de l’Unesco. Fabrice Demarthon 1. Laboratoire CNRS/Universités Paris-I et IV/Collège de France/EPHE. 2. Laboratoire CNRS/Universités Paris-I etX. 3. Ce peuple, constitué à l’origine de nomades qui se sont peu à peu sédentarisés, avait accumulé d’importantes richesses grâce notamment au commerce de la myrrhe et de l’encens. CONTACTS ➔ Laïla Nehmé, laila.nehme@ivry.cnrs.fr ➔ François Villeneuve francois.villeneuve@univ-paris1.fr Le journal du CNRS n°218 mars 2008



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