CNRS Le Journal n°218 mars 2008
CNRS Le Journal n°218 mars 2008
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°218 de mars 2008

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 2,8 Mo

  • Dans ce numéro : SIDA, le combat sans répit

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

Dans ce numéro...
< Pages précédentes
Pages : 10 - 11  |  Aller à la page   OK
Pages suivantes >
10 11
10 VIEDESLABOS Actualités NEUROSCIENCES Découvertes en rafale sur le cerveau Si tous les rouages du cerveau sont encore loin d’être connus, les découvertes à son sujet s’accumulent à un rythme effréné. À l’occasion de la Semaine du cerveau, Le journal du CNRS vous fait partager quelques-unes des plus récentes. Comment influencer la sexualité de la mouche Un insecte hétérosexuel peut devenir temporairement bisexuel si l’on modifie la concentration d’une substance cérébrale appelée glutamate. Et ce, même s’il est adulte ! C’est ce que viennent de démontrer des chercheurs CNRS du laboratoire « Développement et communication chimique chez les insectes » 1 à Dijon, chez l’animal star des laboratoires de génétique : la mouche du vinaigre, baptisée savamment Drosophila melanogaster, ou drosophile. Initiés par un ex-étudiant de Dijon en stage postdoctoral à Chicago, Yael Grosjean, et menés en collaboration avec le laboratoire des sciences biologiques de l’université de Chicago, ces travaux ont été publiés en janvier dans la prestigieuse revue scientifique Nature Neuroscience 2. « Nous avons observé qu’un mâle drosophile devient bisexuel si l’on diminue le taux de glutamate baignant ses neurones, précise Jean-François Ferveur, chercheur CNRS du laboratoire dijonnais. Alors, l’insecte est attiré par les stimuli sensoriels – ou phéromones – des autres mâles qui normalement le repoussent. Conséquence, il augmente fortement son temps de parade envers les autres mâles – de cinq fois –, sans perdre pour autant son attirance pour les femelles. » Pour arriver à cette observation, les chercheurs ont étudié des mouches génétiquement modifiées au niveau d’un gène, qui rend l’insecte bisexuel quand il est muté : le gène Genderblind, signifiant littéralement « qui ne distingue pas le sexe du partenaire ». Chez les mouches bisexuelles, la mutation de Genderblind entraîne une diminution de la concentration du glutamate autour des jonctions entre neurones, les synapses. D’où la conclusion des chercheurs que c’était cette chute du taux de glutamate qui rendait les mouches mâles bisexuelles. « Notre résultat est très important, car il montre que le fait d’être attiré par l’un ou l’autre sexe n’est pas définitivement ancré chez cet insecte, et que l’on peut modifier ce comportement sans toucher à l’organisation des neurones, mais seulement en changeant l’environnement moléculaire de ces derniers », conclut Jean-François Ferveur. Kheira Bettayeb 1. Laboratoire CNRS/Université de Dijon. 2. Nature Neuroscience, vol. 11, n°1, janvier 2008,pp. 8-10. ➔ Contact : Jean François Ferveur Laboratoire « Développement et communication chimique chez les insectes », Dijon jean-francois.ferveur@u-bourgogne.fr Le journal du CNRS n°218 mars 2008 Une mouche drosophile mâle, ici en copulation, peut devenir temporairement bisexuelle si on modifie le taux de glutamate dans le cerveau. ©C. Everaerts/UMR-CNRS5548 Dijon Des protéines incriminées dans l’autisme vues en 3D Des chercheurs du CNRS viennent peut-être de faire un pas important dans la compréhension de certaines formes d’autisme. Concrètement, ils ont caractérisé la structure tridimensionnelle de deux protéines cérébrales, la neurexine et la neuroligine, et du complexe qu’elles forment en s’associant. Or ce complexe joue un rôle majeur dans la maturation des synapses, hauts lieux de la transmission de l’information neuronale. Selon les scientifiques, si l’une ou l’autre de ces protéines est altérée, à la suite d’une mutation génétique, le phénomène d’association n’a pas lieu et l’établissement de connexions neuronales fonctionnelles ne se fait pas dans le cerveau de l’enfant. Ces dysfonctionnements seraient donc incriminés dans certaines formes d’autisme, et la restauration de ces protéines pourrait constituer une piste thérapeutique intéressante. Ces travaux ont été publiés dans la revue Neuron de décembre 2007. > www2.cnrs.fr/presse/communique/1253.htm Comment le cerveau Pour nous orienter dans le monde, nous nous référons intuitivement à un espace à trois dimensions : haut/bas, droite/gauche et devant/derrière. Mais comment notre cerveau divise-t-il ainsi l’espace ? En observant des patients atteints d’un trouble neurologique appelé héminégligence spatiale, Isabelle Viaud-Delmon, chercheuse du laboratoire « Vulnérabilité, adaptation et psychopathologie » 1, et des neurobiologistes des hôpitaux universitaires suisses de Genève et Zurich ont apporté un début de réponse. En effet, ils ont découvert que notre cerveau gère notre orientation en traitant indépendamment chacun des trois axes de l’espace. « L’héminégligence spatiale est un modèle très intéressant pour étudier comment le cerveau perçoit l’espace, commence Isabelle Viaud-Delmon. Pouvant survenir après un accident cérébral, ce dysfonctionnement du cerveau empêche de traiter consciemment la portion d’espace « controlatéral » (situé du côté opposé) à la lésion. Les personnes qui en souffrent peuvent ignorer un pan entier du monde : le gauche ou – plus rarement – le droit. » La chercheuse et ses collègues ont demandé à deux patients héminégligents d’imaginer qu’ils étaient à un endroit bien connu d’eux et d’en décrire, verbalement et par des dessins, l’organisation depuis leur point de vue imaginé : face ou dos au lieu. Résultat :
© A.-L. Giraud/CNRS-INSERM Les biologistes le savent depuis le XIX e siècle : l’hémisphère gauche de notre cerveau est spécialisé dans le décodage et la production de la parole. Mais quelles sont les bases physiologiques de cette étonnante spécialisation ? Associés à des collègues danois, allemands et américains, des chercheurs de l’École normale supérieure de Paris 1 ont tenté de répondre à cette question cruciale. Dans une étude parue dans la revue Neuron en décembre 2, ils montrent, pour la première fois, que les cortex auditifs gauche et droit (traitant les informations auditives) présentent une différence dans leur activité électrique de base. C’est cette divergence qui permettrait au cortex gauche de distinguer les sons du langage, les « phonèmes » ; alors que le cortex droit serait plus spécialisé dans la reconnaissance de la voix humaine. divise l’espace quand ils se figuraient face au lieu choisi, les patients omettaient de décrire les éléments à leur gauche. En revanche, ils ne présentaient plus cette dichotomie lorsqu’ils exposaient ce qui se situait dans leur dos. « C’était très fascinant à voir, commente la neurobiologiste. Quand on a demandé à un des patients d’imaginer se tenir dans sa chambre d’hôpital et de décrire ce qu’il y avait en face de lui, il ne dessinait que les lits à droite ; lorsqu’il se figurait dos à la porte, tous les lits apparaissaient ! » Jusque-là, les scientifiques n’avaient jamais pensé à vérifier si les héminégligents pouvaient se représenter, en pensée, tout l’espace } Espace avant Espace arrière derrière eux. L’anomalie constatée devant n’est pas présente derrière. L’axe gauche/droite n’est donc pas dépendant de l’axe devant/derrière. Ce devrait aussi être le cas pour la direction haut/bas. Cette étude a été publiée en octobre dans la revue Annals of Neurology 2. Kheira Bettayeb 1. Laboratoire CNRS/Université Paris-VI. 2. Annals of Neurology, vol. 62, n°4, octobre 2007,pp. 418-422. ➔ Contact : Isabelle Viaud-Delmon Laboratoire « Vulnérabilité, adaptation et psychopathologie », Paris ivd@ext.jussieu.fr La spécialisation du cortex gauche dans le décodage de la parole, et du cortex droit dans la reconnaissance de la voix humaine serait due à une différence d’activité électrique entre les deux. Pourquoi le langage penche à gauche © Current Biology vol. 17, n°24, 2007 LA SEMAINE DU CERVEAU VIEDESLABOS 11 Du 10 au 16 mars 2008, la Semaine du cerveau aura lieu comme chaque année dans toute l’Europe. Le but de cette campagne ? Informer le grand public de l’importance des recherches sur notre organe cérébral. Forums, expositions, visites de scientifiques dans les écoles, etc., seront organisés dans une vingtaine de villes de France, sous la responsabilité de la Société des neurosciences. Un événement mené en partenariat en France avec la Fédération pour la recherche sur le cerveau (FRC), qui organise quant à elle la campagne nationale du Neurodon, le 15 mars 2008, destinée à recueillir des fonds pour les recherches sur le cerveau. ➔ Toutes les infos : www.semaineducerveau.fr Par l’utilisation simultanée de deux techniques d’étude de l’activité cérébrale (électroencéphalogramme et imagerie par résonance magnétique fonctionnelle), la neurobiologiste Anne-Lise Giraud et ses collègues ont analysé le cerveau de 20 personnes au repos. Résultat : « Nous avons observé que le cortex gauche présente globalement une activité électrique plus rapide (autour de la fréquence 40 Hz) que le cortex auditif droit ; lequel présente, lui, davantage d’activités d’environ 4 Hz », explique la chercheuse du CNRS. Second résultat important : les scientifiques ont aussi constaté une différence d’activité dans le cortex « moteur » commandant nos mouvements. Ils ont noté des oscillations rapides (40 Hz) au niveau des régions initiant les mouvements de la langue, nécessaires à la production des phonèmes ; et des oscillations lentes (4 Hz) dans les aires impliquées dans les mouvements de la mâchoire, déterminant le rythme de la parole. « Plus inattendue, cette seconde observation reflète un alignement entre les propriétés des cortex sensoriels et celles des cortex moteurs contrôlant le langage, conclut Anne-Lise Giraud. Elle laisse penser que les cortex auditifs et moteurs ont interagi lors de l’évolution pour optimiser l’association entre les mécanismes d’écoute et de production de la parole. » Kheira Bettayeb 1. Laboratoire « Action neuroimagerie et modélisation » (Anim, Inserm/Universités Paris-VI et VII). 2. Neuron, vol. 56, n°6, décembre 2007, p. 1048. ➔ Contact : Anne-Lise Giraud « Action neuroimagerie et modélisation », Paris anne-lise.giraud@ens.fr Une prédisposition à l’anorexie ? Et si l’anorexie n’était pas seulement d’ordre psychologique ? L’hypothèse semble se concrétiser après les découvertes de l’équipe de Valérie Compan, de l’Institut de génomique fonctionnelle 1. Comme les sujets anorexiques éprouvent du contentement à se priver de nourriture, les chercheurs se sont intéressés à une zone cérébrale où s’expriment le plaisir et la motivation, le noyau Accumbens. Ils y ont découvert une grande quantité de récepteurs 5-HT4 de la sérotonine, un neurotransmetteur impliqué dans la régulation du comportement alimentaire. Ils ont aussi remarqué que la stimulation des 5-HT4 chez la souris engendrait un effet coupe-faim. Sans négliger la part psychologique, les prédispositions biologiques à la maladie pourraient constituer une piste thérapeutique à explorer. 1. Institut CNRS/Inserm/Universités Montpellier-I et II. > Contact : Valérie Compan, valerie.compan@igf.cnrs.fr Certains patients héminégligents ignorent tout le pan gauche du monde face à eux, mais pas derrière eux. C’est la preuve que notre cerveau traite indépendamment les axes gauche/droite et avant/arrière. Le journal du CNRS n°218 mars 2008



Autres parutions de ce magazine  voir tous les numéros


Liens vers cette page
Couverture seule :


Couverture avec texte parution au-dessus :


Couverture avec texte parution en dessous :