10 VIEDESLABOS Actualités NEUROSCIENCES Découvertes en rafale sur le cerveau Si tous les rouages du cerveau sont encore loin d’être connus, les découvertes à son sujet s’accumulent à un rythme effréné. À l’occasion de la Semaine du cerveau, Le journal du CNRS vous fait partager quelques-unes des plus récentes. Comment influencer la sexualité de la mouche Un insecte hétérosexuel peut devenir temporairement bisexuel si l’on modifie la concentration d’une substance cérébrale appelée glutamate. Et ce, même s’il est adulte ! C’est ce que viennent de démontrer des chercheurs CNRS du laboratoire « Développement et communication chimique chez les insectes » 1 à Dijon, chez l’animal star des laboratoires de génétique : la mouche du vinaigre, baptisée savamment Drosophila melanogaster, ou drosophile. Initiés par un ex-étudiant de Dijon en stage postdoctoral à Chicago, Yael Grosjean, et menés en collaboration avec le laboratoire des sciences biologiques de l’université de Chicago, ces travaux ont été publiés en janvier dans la prestigieuse revue scientifique Nature Neuroscience 2. « Nous avons observé qu’un mâle drosophile devient bisexuel si l’on diminue le taux de glutamate baignant ses neurones, précise Jean-François Ferveur, chercheur CNRS du laboratoire dijonnais. Alors, l’insecte est attiré par les stimuli sensoriels – ou phéromones – des autres mâles qui normalement le repoussent. Conséquence, il augmente fortement son temps de parade envers les autres mâles – de cinq fois –, sans perdre pour autant son attirance pour les femelles. » Pour arriver à cette observation, les chercheurs ont étudié des mouches génétiquement modifiées au niveau d’un gène, qui rend l’insecte bisexuel quand il est muté : le gène Genderblind, signifiant littéralement « qui ne distingue pas le sexe du partenaire ». Chez les mouches bisexuelles, la mutation de Genderblind entraîne une diminution de la concentration du glutamate autour des jonctions entre neurones, les synapses. D’où la conclusion des chercheurs que c’était cette chute du taux de glutamate qui rendait les mouches mâles bisexuelles. « Notre résultat est très important, car il montre que le fait d’être attiré par l’un ou l’autre sexe n’est pas définitivement ancré chez cet insecte, et que l’on peut modifier ce comportement sans toucher à l’organisation des neurones, mais seulement en changeant l’environnement moléculaire de ces derniers », conclut Jean-François Ferveur. Kheira Bettayeb 1. Laboratoire CNRS/Université de Dijon. 2. Nature Neuroscience, vol. 11, n°1, janvier 2008,pp. 8-10. ➔ Contact : Jean François Ferveur Laboratoire « Développement et communication chimique chez les insectes », Dijon jean-francois.ferveur@u-bourgogne.fr Le journal du CNRS n°218 mars 2008 Une mouche drosophile mâle, ici en copulation, peut devenir temporairement bisexuelle si on modifie le taux de glutamate dans le cerveau. ©C. Everaerts/UMR-CNRS5548 Dijon Des protéines incriminées dans l’autisme vues en 3D Des chercheurs du CNRS viennent peut-être de faire un pas important dans la compréhension de certaines formes d’autisme. Concrètement, ils ont caractérisé la structure tridimensionnelle de deux protéines cérébrales, la neurexine et la neuroligine, et du complexe qu’elles forment en s’associant. Or ce complexe joue un rôle majeur dans la maturation des synapses, hauts lieux de la transmission de l’information neuronale. Selon les scientifiques, si l’une ou l’autre de ces protéines est altérée, à la suite d’une mutation génétique, le phénomène d’association n’a pas lieu et l’établissement de connexions neuronales fonctionnelles ne se fait pas dans le cerveau de l’enfant. Ces dysfonctionnements seraient donc incriminés dans certaines formes d’autisme, et la restauration de ces protéines pourrait constituer une piste thérapeutique intéressante. Ces travaux ont été publiés dans la revue Neuron de décembre 2007. > www2.cnrs.fr/presse/communique/1253.htm Comment le cerveau Pour nous orienter dans le monde, nous nous référons intuitivement à un espace à trois dimensions : haut/bas, droite/gauche et devant/derrière. Mais comment notre cerveau divise-t-il ainsi l’espace ? En observant des patients atteints d’un trouble neurologique appelé héminégligence spatiale, Isabelle Viaud-Delmon, chercheuse du laboratoire « Vulnérabilité, adaptation et psychopathologie » 1, et des neurobiologistes des hôpitaux universitaires suisses de Genève et Zurich ont apporté un début de réponse. En effet, ils ont découvert que notre cerveau gère notre orientation en traitant indépendamment chacun des trois axes de l’espace. « L’héminégligence spatiale est un modèle très intéressant pour étudier comment le cerveau perçoit l’espace, commence Isabelle Viaud-Delmon. Pouvant survenir après un accident cérébral, ce dysfonctionnement du cerveau empêche de traiter consciemment la portion d’espace « controlatéral » (situé du côté opposé) à la lésion. Les personnes qui en souffrent peuvent ignorer un pan entier du monde : le gauche ou – plus rarement – le droit. » La chercheuse et ses collègues ont demandé à deux patients héminégligents d’imaginer qu’ils étaient à un endroit bien connu d’eux et d’en décrire, verbalement et par des dessins, l’organisation depuis leur point de vue imaginé : face ou dos au lieu. Résultat : |