6 GRAND ANGLE 6 N°2618 MERCREDI 20 OCTOBRE 2021 CNEWS.FR E. LICHTFELD/SIPA LES ACTES ANTISÉMITES PLUS QUE JAMAIS AU CŒUR DE L’ACTUALITÉ LA HAINE AU QUOTIDIEN Les membres de la communauté sont régulièrement victimes de violences, dans la rue ou sur les réseaux sociaux. Du meurtre atroce de Mireille Knoll à l’infâme pancarte d’une manifestante, plusieurs procès ravivent les plaies. « Pouvoir juif, menace planétaire », « Banquiers juifs ripoux », « Tous juifs, tous socialos » … Les messages antisémites retrouvés ce week-end dans plusieurs boîtes aux lettres de Romainville, en Seine-Saint-Denis, illustrent, une nouvelle fois, la menace qui pèse au quotidien sur la communauté. Ils viennent s’ajouter à la longue liste d’actes commis chaque année. Insultes sur les réseaux sociaux, inscriptions haineuses, menaces, agressions pouvant aller jus - qu’au meurtre… Face à l’ampleur de ce fléau, la justice agit lorsqu’elle est saisie, mais ne parvient pas à l’endiguer. Une idéologie très présente Outre Romainville, une autre affaire baignant dans l’antisémitisme agite l’actualité, cette semaine. Aujourd’hui, le tribunal correctionnel de Metz doit en effet rendre son jugement dans l’affaire dite de la pancarte, brandie lors d’une manifestation contre le pass sanitaire, le 7 août dernier, par Cassandre Fristot. Cette enseignante avait inscrit le nom de plusieurs personnes juives sur son panneau, avec un slogan ambigu : « Mais qui ? », pour désigner la communauté qui, selon un vieux cliché, occuperait les sphères dirigeantes. Pour de nombreuses associations, cette affaire n’est que le reflet des innombrables messages antisémites publiés sur les réseaux sociaux. Et ceux-ci sont partagés par un public de tout bord. « Nous recensons trois formes d’antisémitismes », décrit Simone Rodan-Benzaquen, directrice Europe de l’American Jewish Committee : « Le premier peut être qualifié de musulman, car il n’est pas forcément islamiste. Le deuxième est d’extrême droite et le troisième d’extrême gauche, avec la haine d’Israël. » Le problème a explosé au début des années 2000, analyse-t-elle. « Avant, on comptabilisait environ 80 actes par an. Ensuite, le nombre est passé à 350, soit un par jour. C’est fluctuant mais structurel, les chiffres ne descendent pas. » Un antisémitisme décomplexé, qui conduit parfois à des actes d’une gravité extrême. Les agressions physiques sont nombreuses, allant parfois jusqu’au meurtre le plus abject. La semaine prochaine s’ouvrira ainsi le procès de l’affaire Mireille Knoll, survenu en 2018 à Paris. L’octogénaire avait été poignardée à onze reprises et son corps en partie brûlé par deux hommes. Le caractère antisémite du crime a été retenu, l’un des accusés ayant, au cours d’une discussion avec la future victime, reproché aux juifs « d’avoir des moyens financiers et une bonne situation ». QUE DIT LA LOI ? P.GUYOT/AFP EN CHIFFRES 70% DES JUIFS DE FRANCE et 84% des 18-24 ans rapportent avoir été victimes d’un acte antisémite, selon un rapport publié en 2020. 34% DES PERSONNES juives vivant en France disent se sentir menacées dans leur vie quotidienne à cause de leur religion, dont 43% des moins de 35 ans. 58% DES FRANÇAIS estiment que les préjugés sur les juifs sont la première cause d’antisémitisme. 36% qu’il s’agit de l’islamisme. 44 AGRESSIONS violentes ont été enregistrées contre des juifs en 2020, un nombre presque identique à 2019 (45). 4 FRANÇAIS SUR 10 reconnaissent avoir entendu des blagues ou discussions mettant en cause les juifs ou l’existence de la Shoah. Un combat difficile à mener Pour les autorités et le gouvernement, la lutte contre l’antisémitisme est particulièrement compliquée à mener, car cette idéologie est souvent transmise au sein d’une communauté, d’un cercle d’amis ou d’une famille. Le ministère de l’Intérieur a sommé les hébergeurs de sites internet et les responsables des réseaux sociaux de « prendre leur responsabilité », pour tenter d’endiguer la diffusion des messages haineux. Un site antisémite a été fermé au mois d’août. Pas de quoi envisager la fin du problème, cependant. Dans un contexte où le risque terroriste est toujours fortement ancré en France, cette désignation des juifs comme responsables de nombreux problèmes en fait des cibles potentielles. Les lieux de culte restent ainsi particulièrement surveillés, notamment durant les fêtes religieuses. n L’INFO EN PLUS C’est le journaliste allemand Wilhelm Marr qui a employé le premier le terme « antisémitisme », en 1879, en fondant « La Ligue antisémite ». La répression d’un acte antisémite est inscrite dans la loi depuis celle du 13 juillet 1990, dite loi Gayssot. Celle-ci, qui englobe également les actes racistes et xénophobes, interdit « toute discrimination fondée sur l’appartenance ou la non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion ». Ce simple fait (s’il n’est pas accompagné de violence ou d’un autre acte répréhensible également) est passible d’un an de prison et de 45 000 euros d’amende. La loi Gayssot a par ailleurs introduit le délit de négationnisme, qui conteste le génocide juif par les nazis. |