152 Des outils pour sonder l’Univers A CLEFS CEA - N°58 - AUTOMNE 2009 insi, pour réussir pleinement les changements d’échelles résultant des avancées technologiques enregistrées dans le domaine du calcul de haute performance (le HPC pour High Performance Computing), les chercheurs en sciences fondamentales et appliquées doivent avoir accès à des ressources de calcul pouvant aller jusqu’au calculateur entier, au moins pendant des périodes limitées de temps. Il existe un moment propice pour une utilisation dite « grand challenge ». Il s’agit de la période de mise en production de la machine qui va de 3 à 6 mois après la réception du calculateur. Et pour cause, il s’agit d’un moment privilégié pendant lequel les équipes du centre de calcul (ingénieurs systèmes et spécialistes applicatifs) et les experts du constructeur informatique se retrouvent tous ensemble et mobilisés sur le site pour régler d’éventuels problèmes liés au démarrage de l’instrument. Les chercheurs peuvent alors bénéficier de cette étroite collaboration entre spécialistes pour optimiser leur logiciel de simulation et pour espérer franchir de nouvelles étapes dans la réalisation de simulations de très grande taille. Ainsi, les simulations de quelques milliers de processeurs qui relevaient, il y a peu de temps encore, du défi technique, sont-elles désormais très fréquentes. En astrophysique, les grands challenges visent une meilleure prise en compte des couplages d’échelles inhérents à la plupart des phénomènes physiques rencontrés, cela en augmentant la résolution spatiale Le code RAMSES permet l'étude des structures de l'Univers à grande échelle ainsi que la formation des galaxies. La plus grande simulation de la formation de ces structures a été réalisée dans le cadre du projet Horizon, soutenu par l'Agence nationale pour la recherche (ANR). CEA et/ou temporelle. La très grande quantité de mémoire disponible sur les supercalculateurs, associée à des techniques numériques novatrices, favorise l’accès à des résolutions spatiales de plus en plus importantes. L’objectif reste de s’approcher des échelles de dissipation dans les écoulements turbulents, de résoudre les cœurs protostellaires lors de la simulation d’un nuage moléculaire, ou encore de simuler finement les galaxies dans un contexte cosmologique. De cette dernière problématique naquit, en 2007, le code RAMSES, développé par le SAp, pour étudier la formation des grandes structures et des galaxies. Il s’agit d’un code s’inscrivant dans le cadre du projet Horizon visant à fédérer les activités de simulation numérique autour d’un projet ciblé sur l’étude de la formation des galaxies. Cette réflexion fut menée pendant la période de démarrage du calculateur Bull Platine, au Centre de calcul recherche et technologie (CCRT) du CEA, avec pour objectif la simulation de la formation d’une moitié de l’Univers observable. Pour la première fois dans l’histoire du calcul scientifique, il fut possible de décrire une galaxie comme la Voie lactée avec plus d’une centaine de particules tout en couvrant la moitié de l’Univers observable. Pour simuler un tel volume avec autant de détails, les acteurs du projet Horizon utilisèrent 6 144 processeurs Intel Itanium2 du calculateur Bull Platine pour activer le programme RAMSES à plein régime. Ce logiciel de simulation met en jeu une grille adaptative permettant d’atteindre une finesse spatiale inégalée. Avec près de 70 milliards de particules et plus de 140 milliards de mailles, ce grand challenge représente le record absolu pour un système à N corps modélisés par ordinateur. Cet exemple montre bien, qu’en matière de simulation, les avancées promises par les ordinateurs de grande puissance ne s’obtiennent qu’au prix d’une maîtrise de la complexité – celle concernant à la fois les modèles physiques, les méthodes et les algorithmes numériques, les méthodologies et les techniques de programmation et d’optimisation parallèles. De plus, la nécessité de contenir la consommation électrique a favorisé l’apparition d’un nouveau type de supercalculateurs capables de combiner un très grand nombre de processeurs généralistes avec des processeurs spécialisés (processeurs graphiques, reconfigurables, vectoriels…). Dès l’été 2009, la communauté scientifique française a pu accéder à ces supercalculateurs hybrides grâce à la machine BULL installée au CCRT. Avec plus de 2 100 processeurs Intel de nouvelle génération, associés à 48 serveurs graphiques Nvidia, c'est le premier supercalculateur de ce type implanté en Europe. > Pierre Leca et Christine Menaché Département des sciences de la simulation et de l’information (DSSI) Direction des applications militaires (DAM) CEA Centre DAM Ile-de-France > Édouard Audit Service d’astrophysique (SAp) Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu) Direction des sciences de la matière (DSM) Unité mixte de recherche astrophysique interactions multi-échelles (CEA-Université Paris 7-CNRS) CEA Centre de Saclay (Orme des Merisiers) |