expositions Tolkien, voyage en Terre du Milieu I Jusqu’au 16 février 2020 BnF I François-Mitterrand Commissariat : Vincent Ferré, professeur à l’université Paris-Est Créteil I Frédéric Manfrin, conservateur au département Philosophie, histoire, sciences de l’homme, BnF I Commissaires associées : Élodie Bertrand et Émilie Fissier, BnF En partenariat avec Connaissance des arts, Télérama, Le Monde, France Culture, France Télévisions Autour de l’exposition : voir agenda p. 13, 18 et 20 Tolkien et fils, deux vies pour une œuvre L’exposition consacrée par la BnF à J. R. R. Tolkien éclaire la fabrique de l’œuvre foisonnante et protéiforme de ce créateur de mondes, de langues et de personnages devenus légendaires. Restée inachevée à la mort de l’écrivain, l’œuvre doit à son fils Christopher d’avoir été éditée et rendue accessible à tous. Leo Carruthers, professeur émérite à l’université Paris-Sorbonne, revient sur l’exceptionnelle collaboration intellectuelle entretenue par J. R. R. Tolkien avec son fils. Chroniques : Troisième d’une fratrie de quatre, Christopher Tolkien a été très tôt associé à l’activité créatrice de son père. Comment cette complicité s’est-elle construite ? Leo Carruthers : Christopher a écouté les contes de son père et l’histoire du Hobbit quand il était enfant, mais surtout il avait le même intérêt que lui pour les langues anciennes et la littérature médiévale, la même attirance pour les mythes, ce qui n’était le cas ni de ses deux autres frères ni de sa sœur cadette. Dès l’adolescence, il a commencé à collaborer avec son père, par exemple pour retranscrire certains manuscrits. En 1944-45, jeune membre de la Royal Air Force basé en Afrique du Sud, Christopher relisait les chapitres du Seigneur des Anneaux que son père lui envoyait au fur et à mesure qu’il les écrivait, pour avoir son opinion. J. R. R. Tolkien avait fait un brouillon de carte de la Terre du Milieu qui était devenu illisible à force de corrections, et c’est Christopher qui l’a redessinée pour la publication en 1954-55. C. : Christopher a cheminé sur les traces de son père ? L. C. : Oui. Après la guerre, il a terminé une licence d’anglais à Oxford puis a fait une thèse en littérature islandaise médiévale. En 1963, il a été élu maître de conférences à l’université d’Oxford. Il a continué à travailler sur la littérature médiévale, à éditer des textes anciens. J. R. R. Tolkien a désigné comme exécuteur littéraire ce fils dont il était très proche, un médiéviste réputé, un philologue, 6 I c h r o n i q u e s d e l a bnf nº87 un collègue… Bref la personne idéale pour s’occuper de son œuvre et pour faire le tri dans tous les manuscrits qu’il a laissés. En effet, J. R. R. Tolkien a travaillé pendant des décennies sur sa mythologie mais n’a jamais réussi à la terminer. L’un des problèmes est qu’ayant rédigé de multiples versions de ses manuscrits, il reprenait parfois une des versions anciennes sans se rendre compte qu’il en existait une autre plus récente. C’était un véritable labyrinthe ! Seul Christopher était capable de tirer cela au clair, parce que non seulement il connaissait la mythologie, mais il avait aussi les outils intellectuels nécessaires pour éditer ces textes. Lorsqu’il s’est rendu compte qu’il serait impossible de mener de front ce travail et une carrière universitaire, il a démissionné de son poste à l’université. Puis il s’est éloigné de la Grande-Bretagne pour être plus au calme et s’est établi en France, avec sa femme Baillie et leurs deux enfants. Pour la première fois, à la parution du Silmarillion en 1977, les lecteurs ont pu découvrir l’étendue de la mythologie laissée par J. R. R. Tolkien. Insatisfait de cette première sélection de textes, Christopher a publié trois ans plus tard les Contes et légendes inachevés, qui proposent d’autres versions de certains chapitres du Silmarillion avec des explications sur les choix effectués. Suivront d’autres écrits qui sont des développements des premiers. Il publiera ainsi une série de douze volumes intitulés Histoire de la Terre du Milieu entre 1983 et 1996, qui analysent les relations parfois très complexes, de nature souvent philosophique, entre ces textes. Christopher a consacré sa vie à travailler sur les manuscrits de son père et à produire des éditions. Le dernier volume est sorti en 2018. Propos recueillis par Sylvie Lisiecki Délégation à la Communication Leo Carruthers Catalogue Tolkien, voyage en Terre du Milieu Sous la direction de Vincent Ferré et de Frédéric Manfrin, 304 pages, 200 illustrations, 40 € |