expositions Tolkien, voyage en Terre du Milieu I Du 22 octobre 2019 au 16 février 2020 BnF I François-Mitterrand I Commissariat : Vincent Ferré, professeur à l’université Paris-Est Créteil I Frédéric Manfrin, conservateur au département Philosophie, histoire, sciences de l’homme, BnF I Commissaires associées : Élodie Bertrand et Émilie Fissier, BnF En partenariat avec France Télévisions, Le Monde, Connaissance des arts, Télérama et France Culture Autour de l’exposition : voir agenda p.14 et 24 L’invention d’une nouvelle « mythologie » Philologue, spécialiste de littérature médiévale, poète, romancier, illustrateur, J.R.R. Tolkien a construit au fil de ses récits un monde complexe, dont l’exposition dévoile la matrice. Rencontre avec les deux commissaires. Chroniques : Pourquoi une exposition Tolkien à la BnF ? Vincent Ferré : La Bodleian Library d’Oxford a proposé à la BnF en 2016 d’accueillir l’exposition Tolkien qu’elle était en train de préparer. L’idée a alors émergé de concevoir une exposition plus large et adaptée au public français. Notre propos est de faire découvrir la diversité et la richesse de l’œuvre de J.R.R. Tolkien, souvent réduite, en France, au Hobbit (1937) et au Seigneur des Anneaux (1954-1955). L’exposition présente de très nombreux manuscrits de l’auteur, certains calligraphiés, d’autres illustrés, des aquarelles, des cartes, ainsi que des photographies qui montrent la vie de Tolkien à Oxford avec sa famille. Frédéric Manfrin : Pour la première fois, la BnF présente une exposition sur un auteur étranger dont elle ne conserve aucun manuscrit. Or Tolkien est l’un des plus grands spécialistes de littérature médiévale anglaise et son œuvre entre en résonance avec des manuscrits, des estampes, des livres et des objets présents dans nos fonds. L’exposition fait dialoguer l’œuvre de Tolkien avec nos collections patrimoniales, afin d’aider les visiteurs à voyager dans son imaginaire. Nous avons voulu donner ainsi des repères pour qu’un public continental (venu de toute la France et de pays voisins) puisse explorer cette œuvre nourrie de références et de traditions anglo-saxonnes. Le visiteur voyage aussi à travers les collections de la Bibliothèque, depuis l’Antiquité jusqu’au xx e siècle. 8 I c h r on i que s de l a bnf nº86 Vincent Ferré et Frédéric Manfrin, commissaires de l’exposition TolkienC. : Comment les créations romanesques de Tolkien se construisaient-elles ? V. F. : Les mots, et plus précisément les langues, sont à la source de son inspiration. Ce philologue et spécialiste des manuscrits médiévaux inventait des langues depuis son enfance. Il en a imaginé une cinquantaine – dont une dizaine qu’il avait véritablement développées. L’invention des langues est première chez lui. F. M. : Ensuite il dessine une carte qui représente son monde imaginaire de la façon la plus réaliste possible. La carte et le paysage sont les fondations du récit : il décrit de façon très précise les chemins, les montagnes, les forêts, les plantes inventées, la nature. V. F. : Les créations de Tolkien se construisent donc à partir des langues imaginaires, mais aussi d’un savoir sur la littérature médiévale, comme le jeu avec le motif de la quête. Son originalité par rapport à des auteurs antérieurs réside dans le réalisme du récit, dans la volonté de vraisemblance et de cohérence. Il fait en sorte que le lecteur entre dans le monde qui est décrit en « suspendant son incrédulité », selon la formule de Coleridge. Le lecteur se laisse guider par l’histoire, découvre l’univers au fur et à mesure, est pris par la fascination du monde inventé. Tolkien a créé une nouvelle « mythologie », avec ses héros légendaires et sa géographie rêvée.C. : Quel était le point de vue de Tolkien lui-même sur ses œuvres de fiction ? V. F. : Tolkien parlait de ses textes à la fois comme de « romances », un certain type de romans différent du roman réaliste et comme de « contes de fées », une histoire qui parle de notre monde par le biais du merveilleux et destinée aux adultes. F. M. : Il se considère d’abord comme un universitaire et attache beaucoup d’importance à ses travaux, comme ceux concernant Sire Gauvain et le chevalier vert ou Beowulf. La création de son monde imaginaire est au départ une sorte de jardin secret, quelque chose de très personnel qu’il ne destine pas forcément à la publication. Pourtant il a travaillé sur cet univers pendant presque soixante ans en revenant sans cesse sur ses textes. |